" Quand tu aimes il faut partir "
Je ne sais pas pourquoi cette phrase un peu énigmatique sortie d'un poème de Blaise Cendrars trotte dans ma tête.
Je ne sais pas pourquoi à chaque période de Noël depuis, je ressens le besoin impératif de prendre le chemin vers cet endroit sur lequel reposait tant d'espoirs, il y a 5 ans.
Il y a 5 ans, période de crise. Impasse professionnelle, crise d'identité, crise de couple.
Lui, taraudé par la nostalgie de son pays d'origine, se sentait rejeté par la France, pays qu'il avait choisi 35 ans auparavant. Et il amalgamait dans ce rejet moi, sa fille, ma famille, nos amis.
Moi, désemparée par tant de mal être, de souffrance, d'amertume, de rancune, je me sentais prête à accepter qu'il reparte chez lui et je le lui avais proposé.
L'amour est plus fort que tout, que la distance, l'éloignement, la séparation.
Notre relation était basée sur la liberté, la porte était ouverte, nous n'avions pas d'entraves, et c'est cette confiance qui nous avait permis de vivre ensemble depuis 20 ans.
Il n'a pas souhaité partir, et après d'intenses discussions, nous avons imaginé un nouveau départ et cherché, et trouvé, un endroit qui accueillerait notre nouvelle vie.
Ce nouveau projet n'a pas eu le temps de voir le jour, contrecarré par la maladie qui ne lui a donné aucune chance d'aboutir.
A nouveau aujourd'hui, au hasard de ma promenade au bord la mer, je me suis laissée guider par mon instinct, mon envie, et je me suis retrouvée dans ce lieu que nous avions choisi. J'ai contemplé ce qu'il ne verra plus, j'ai imaginé ce qu'il ne fera jamais, cette vie que nous n'aurons pas.
J'ai envie, mais je n'ai plus le courage, d'aller vivre dans cet endroit, où je me sens pourtant "chez moi". Pas seule, pas sans lui.
Aujourd'hui il m'a manqué terriblement. J'ai ressenti profondément, comme une intense déchirure, son absence. J'ai eu la confirmation que sa mort m'avait irrémédiablement marquée et avait détruit mon étincelle de vie.
Je ne sais toujours pas pourquoi cette phrase est dans ma tête...
Bien à vous
Nora
Tu es plus belle que le ciel et la mer de Blaise Cendrars
Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises
II y a l’air il y a le vent
Les montagnes l’eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre
Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends
Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler
Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t’en
Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l’œil
Je prends mon bain et je regarde
Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos