Dans la nouvelle maison j'ai accroché ses tableaux, ceux qu'il a peints, et ceux qu'il aimait.
J'ai ouvert les cartons, j'ai posé sur les meubles nos objets, ceux auxquels il tenait, nous tenions.
J'ai installé la chaine, trié, rangé les disques, sa passion.
Je pensais le retrouver, et je l'attends, toujours, j'attends qu'il passe le pas de la porte.
J'attends qu'il entre dans cette maison qu'il ne connaîtra jamais. J'attends qu'il envahisse cet espace, avec son enthousiasme, son rire, son regard, ses révoltes et ses mots d'amour.
Il ne viendra pas, je le sais pourtant. Et toujours cette question, lancinante . " Où es-tu, où es-tu ? ".
Et " Que s'est-il passé ? "
La maison chargée des mauvais souvenirs, liée à la maladie et la mort, est oubliée. De nouveaux habitants , jeunes et gais, ont pris possession des lieux et vont effacer les traces.
La nouvelle maison m'apaise.J 'ai l'impression de rentrer chez moi après un long voyage, pendant lequel errante, ballotée, sans aucun point d'ancrage, je me suis perdue . Elle est mon refuge, déjà.
La vie continue, et je recommence mon deuil. Il y a deux ans la découverte de la maladie, puis la chute vers la mort, en quelques mois. Je recommence mon deuil, en ressentant de sa part un peu plus de bienveillance, un peu plus d'affection, d'amour.
Je recommence le chemin, mais dans un environnement moins hostile.
Cette fin de vie m'a dévastée, m'a déconstruite, a effacé les souvenirs de jours heureux qui peinent toujours à revenir.
Vingt ans de ma vie oubliés, enfouis profondément dans ma mémoire, remplacés par la souffrance, la douleur, la violence de la maladie.
Il n'aurait pas voulu cela, il n'aurait pas voulu que je souffre autant, mais il n'y a rien pour me soulager. Il n'y aura que le temps qui effacera peu à peu ces images.
Je pense à vous.
Nora