J'aimerais trouver un peu d'apaisement.
Mais non, décidément, les images sont toujours en boucle dans ma tête, les images de lui, des derniers mois de sa vie qu'il a traversés dans la douleur et l'effroi.
Je vais raconter. Pardonnez moi à l'avance pour ce récit, il est difficile.
Il y a un an, il était déjà dévasté par la maladie. Début décembre, avant sa première chimio, les médecins m'ont annoncé la fin proche. Il s'agissait de faire vite, prévenir les proches à qui il n'avait pas eu le courage d'annoncer sa maladie, appeler sa fille avec qui il était brouillé depuis quelques années...
Il me manquait déjà. La morphine à fortes doses le faisaient s'endormir à tout moment, partout, il renversait tout, cassait tout, il ne gérait pas ses médicaments, en prenait trop, pas assez.... Je mettais le réveil à sonner toutes les 3 heures pour lui donner ses médicaments, de jour comme de nuit. j'étais déjà à bout de force, énervée, épuisée
La première séance de chimio, le fait de revoir sa fille ont apporté une accalmie. Il était physiquement très faible, ne marchait plus, ne mangeait plus, mais il avait retrouvé ses esprits, et nous pouvions échanger.
Nous nous sommes mariés le 3 janvier, concrétisant ainsi nos 20 années d'amour. Il ne pouvait pas aller à la mairie, pourtant proche, alors le maire est venu célébrer notre mariage à la maison.
Un petit comité, 8 personnes en tout, que les amis fidèles, et pour la famille, ma mère, sa fille.
Ce fut une belle journée, gaie, emplie d'amour, une journée particulière, au bord des larmes, pleine d'émotion. Nous étions heureux .
Une cérémonie où les mots prennent tout leur sens, unis jusqu'à ce que la mort nous sépare. Un mariage pour la mort.
Nous avons été mariés 40 jours. Tout a été rapide ensuite.
La deuxième chimio n'a pas fonctionné, son état s'est dégradé rapidement. Il était atteint de métastases osseuses, il souffrait atrocement, les fortes doses de morphine le faisaient délirer.
Nous étions placés sur liste d'attente pour obtenir des aides à domicile et l'had, j'étais donc seule pour gérer le quotidien, la toilette, etc ...
Une nuit, ses os se sont brisés, alors qu'il ne bougeait pas de son lit. Il fallait le faire opérer et j'ai dû me résigner à le faire hospitaliser, alors que je lui avais promis de le garder à la maison.
Il m'en a voulu, il était en colère contre moi, hurlait qu'il allait porter plainte contre moi, essayait d'appeler la police.
Il me disait que j'essayais de me débarrasser de lui, il était fou de rage, il ne comprenait pas, plus, hébété par la morphine, il délirait.
Il est mort à l'hôpital, 15 jours après son hospitalisation. Sa colère contre moi ne s'est pas apaisée, il me rejetait, me rabrouait sans cesse, il y avait de la haine dans son regard, je n'avais plus le doit de le toucher, de m'en occuper. Il me disait que je l'abandonnais, alors que je passais 20 heures sur 24 à l'hôpital.
J'étais avec lui lorsqu'il a rendu son dernier souffle. Je lui avais demandé d'arrêter de lutter quelques heures avant.
Je lui ai répété, encore et encore que je l'aimais, qu'il était l'homme que j'avais toujours cherché, qu'il avait mon âme soeur, que j'avais été heureuse avec lui, ce que je lui avait dit déjà mille fois alors même qu'il me rejetait.
Il a atrocement souffert, et il n'est pas parti en paix, il est parti accablé de douleur, de colère contre la maladie, de colère et de haine contre moi.
Cette pensée me désespère, me hante.
Il manque terriblement, mais la douleur de ce manque est douce par rapport à celle de sa souffrance.
Je n'ai pas parlé de moi, mais je ne me souviens plus comment j'étais ces quelques mois., que j'ai traversés impuissante, comme une automate. Je me suis oubliée.
Merci de m'avoir lue.
Je vous embrasse
Nora