Bonjour,
Je tombe sur ce forum par hasard et en lisant vos témoignages, j'ai eu envie de partager également un peu mon histoire... Je ne sais si certaines personnes s'y reconnaitront, en tout cas je me pose toujours la question "est-ce qu'un jour la douleur sera moins forte ?". J'ai l'impression que non... Certains soirs, je crie, je pleure, je tape les murs, comme les jours qui ont immédiatement suivi sa mort.
Mon Amour est parti le 14 août 2012. Il venait de fêter ses 38 ans, j'en avais 23 pour ma part. Notre relation était récente car nous étions ensemble depuis février 2012, et on m'a évidemment souvent envoyé dans la figure que ma douleur devait sans doute être proportionnelle à la durée de notre relation, et que du coup, je me remettrai sans doute plus rapidement qu'une personne qui perd son conjoint après 25 ans de vie commune.
Evidemment ce genre de remarques m'ont fait du mal car elles viennent s'ajouter à toutes les "raisons" que trouve l'entourage pour nous expliquer qu'on va forcément aller mieux passé un délai raisonnable, alors que ce n'est pas ce qu'on a besoin d'entendre à ce moment là... Juste qu'on ne renie pas notre souffrance, histoire de se sentir un tout petit moins obligée de jouer la comédie. Cette comédie qui demande une énergie tellement folle...
Mon Amour et moi étions musiciens ensemble, tout était allé très vite, il m'avait présenté rapidement ses enfants que j'adore, et 15 jours avant son décès il m'a demandée en mariage. L'ombre qui planait au dessus de notre relation était ses problèmes psychiatriques, puisqu'il souffrait de troubles bipolaires que je ne peux m'empêcher de considérer comme étant liés aux dures épreuves qu'il avait traversé étant enfant.
Un soir, une dispute qui prend beaucoup trop d'ampleur durant des jours où il se sentait profondément déprimé, illégitime à exister. Il avait peur de nous faire du mal à ses enfants et à moi, par son existence, alors que c'est par sa mort qu'il nous a tous brisés.
Je suis restée travailler tard ce soir là et on s'est pris le chou par téléphone, une dispute "ordinaire" comme ça arrivait parfois, et puis il s'est rapidement énervé tout en me criant qu'il m'aimait avant de raccrocher. Je n'ai rien vu venir.
Quand je suis rentrée, la police était dans notre chambre, appelée par un de ses élèves qui venait prendre des cours de musique, et il était mort pendu, de cette forme de pendaison un peu particulière, les pieds au sol, pour éprouver une sensation de bien-être lente que certains enfants trouvent dans le jeu du foulard...
De ce jour-là je n'ai quasiment plus aucun souvenir, comme si mon esprit les avait tout de suite écartés pour survivre. Ils commencent tout juste à revenir, près de deux ans après sa mort, souvent de manière soudaine et brutale. J'ai l'impression de m'être entièrement fissurée ce jour là et d'être devenue une autre personne. Et je ne sais pas bien qui est la véritable moi, celle d'avant août 2012 ou celle d'après son décès...
Je l'Aime trop pour rejeter son geste car sans doute que je ne peux pas le croire faillible et dans l'erreur au point d'avoir pu donner autant de malheur à ses enfants et à moi... Peut-être aussi que je culpabilise trop pour lui en vouloir à lui.
J'ai dormi pendant un an et trois mois avec le dernier t-shirt qu'il portait, avec son odeur, quelques cheveux emmêlés dans la couture. Puis l'odeur est partie... J'ai mis des photos partout, je relisais ses courriers.
Certains matins, je me lève en ayant le sentiment et l'espoir qu'il sera là, dans la chambre, à me regarder me réveiller, et que son décès n'aura été qu'un cauchemar.
J'ai fait beaucoup de rêves de lui, dans les semaines qui ont suivi son décès, où je lui demandais des précisions sur ce qu'il avait fait, pourquoi il l'avait fait, s'il m'aimait. Souvent, il me regardait en me souriant de son air toujours un peu désinvolte et nonchalant en me disant "Hé, pourquoi tu en fais tout un foin ? C'est pas grave tout ça tu sais...".
Depuis son décès je m'évertue à jouer la comédie de la normalité, de la vie qui continue. Dès qu'on ne pleure plus toutes les 10 minutes, l'entourage a vite fait de se dire "ça va mieux, elle a fait son deuil", et alors on se sent complètement ignorée et encore plus seule au monde.
Je sais que je survivrai à son décès, mais je ne sais pas si je vivrai réellement. Je me demande souvent comment une telle chose a pu m'arriver, nous arriver, à nous qui avions tant de projets, de nouveau lieu de vie, de musique, d'enfants... Je me dis que le bonheur est parfois si simple et me semblait si imminent, mais qu'il m'a été refusé.
Je n'ai que 25 ans, et le reste de mes jours va être long... Je ne pourrai qu'imaginer un avenir plein de promesses que je n'aurai jamais, en tout cas jamais de cette façon. Et évidemment, c'est la seule façon que je désire. J'ai perdu mon Amour, mon frère, mon partenaire musical, mon meilleur ami, mon futur époux et futur père de nos enfants.
Je ne vois plus ses enfants que j'aimais tant. Leur mère a profité de cet évènement pour les éloigner de tout ce qui représentait leur père.
Le seul réconfort que je trouve parfois, c'est de me dire que j'ai un jumeau dans l'autre monde, et qu'on ne peut qu'être plus forts tous les deux à être à la fois dans le monde visible et invisible. Je crois que la spiritualité est la clé face à cette douleur et à cette disparition inexpliquée qui nous dépassent.
J'espère que mon témoignage pourra aider certains d'entre vous. Je me suis en tout cas retrouvée dans certaines histoires... Il est parfois si dur de subir le jugement des autres, leurs projections, ce qu'ils attendent de nous. Et de maintenir son Amour vivant à ses côtés... Sans doute que le deuil avance lorsqu'on ne craint plus de perdre les souvenirs qui sont gravés en nous pour toujours.
Du courage à tous.