Bonjour à toutes et à tous,
pas facile de se lancer. Je n'ai pas de difficultées particulières a l'écriture, je tiens un journal depuis longtemps mais c'est plus le fait que j'ai tellement à dire... Si j'écris 10 pages dès le premier message, je vais vous lasser
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Je vais donc commencer par me présenter, je m'appelle Cécile , j'ai 43 ans, je vis près de Caen et j'ai 2 ados de 13 et 16 ans, une fille et un garçon, je suis diététicienne dans un CHU en pédiatrie mais actuellement en arrêt de travail car ...
on en vient au plus compliqué à raconter.
J'ai perdu l'amour de ma vie le 19 juillet à 14h25 , désolée de la précision mais elle est importante pour moi. Nous nous étions mariés il y a 18 ans à 14h25, Christophe me faisait son premier clin d'oeil. Nous étions ensemble depuis 23 années, 23 longues et belles années qui ont passées si vite...
Il était mon meilleur ami, mon confident, mon pilier comme j'étais le sien, mon amant. Il avait fait de moi une maman. J'avais 20 ans quand je l'ai rencontré, nous avons "grandis" ensemble, il a fait de moi la femme que je suis aujourd'hui. Nous étions un couple fusionnel, jamais une journée sans ma dizaine de sms, on se racontait tout et tout le temps.
La maladie s'est invitée dans notre vie le 12 septembre 2015 , il avait mal à la tête depuis quelques jours , lui qui n'avait jamais été malade. Suite au scanner, le cauchemar a démarré. Tumeur cérébrale, glioblastome. A ce moment là j'ai tout compris, j'avais perdu une collègue de cette tumeur, l'une des plus méchante, agressive , récidivante, fatale car incurable.
Il a été opéré avec succès, s'en est suivi 6 mois de chimios, 2 mois de radiothérapie. On a eu quelques mois tranquilles, avec le recul les plus beaux mois lors de ce long combat. Nous étions allés a Londres avec nos ados et en vacances dans les Landes comme nous avions l'habitude... On a cru que peut-être il n'y aurait pas de récidive ...Christophe y croyait très fort. Il faut dire qu'il était très sain, ne fumant pas, buvant très peu, marathonien, cycliste... J'étais plus inquiète, de mon coté, je suis une angoissée, c'est lui qui savait me rassurer. Nous étions le ying et le yang, deux opposés qui se complètent à merveille.
Et la maladie est revenue ,"comme prévu", en mars 2017, nouvelle opération en chirurgie éveillée ( 3h où le neurochirurgien a trifouillé dans son cerveau et où il est resté bien conscient tout au long de la procédure, un vrai Warrior mon mari!). Puis chimio, chimio , chimio..
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En janvier 2018, nouvelle récidive, non opérable cette fois-ci. Très vite la tumeur appuie sur sa zone motrice droite (pour bien faire car il est droitier) , il perd l'usage d'un bras, d'une jambe. Il ne peut plus conduire, ni courir tout ce qui lui permettait d'être libre, autonome. Une grande souffrance morale pour lui mais qu'à cela ne tienne, il tient bon moralement, il reste positif "je vais remarcher à la fin de l'année" "c'est une année difficile mais ça ira mieux l'année prochaine". Il n'était pas dans le déni , il a toujours su la gravité de sa maladie, il disait qu'il avait une épée de Damoclès au dessus de la tête. Non il avait décidé de se battre, toujours... Il était très fort mon vaillant mari. Courageux et admirable. Il était comme ça.
Et puis en avril , on nous annonce une stabilisation de la tumeur, cool, je ne m'y attendais pas. Sauf qu'en mai , il fatigue , de plus en plus. Je doute , effets des chimios? progression de la maladie? ça devient physique pour moi car je l'aide beaucoup et ma fille n'a pas trouvé mieux que de se fouler les 2 chevilles du coup je me retrouve à gérer 2 handicapés... j'ai fais un burn out.. 1 mois d'arrêt. Fin juin on nous propose une hospitalisation de répit devant l'état de fatigue de Christophe. Il passe son irm de contrôle 15 jours après et là, on découvre que la tumeur a tout infiltrée, il n'y a plus rien a faire. L'horreur , il perd ses facultés physiques chaque jour : l'usage de la marche, puis il ne mange plus enfin une aphasie de Wernicke le prive de la parole (le summum de l'horreur, il entends, comprends mais ne peut plus communiquer avec nous). On nous propose une sédation, il accepte. Les enfants viennent lui dire au revoir, lui disent tout ce qu'ils souhaitent lui dire. Il sourit, tient leurs mains . Puis il s'endort. Je reste près de lui, des jours, des nuits car mon mari de 47 ans a un coeur de marathonien... Son cerveau meurt mais son coeur est vaillant. Il va lutter...jusqu'au bout, déjouant les pronostics des médecins, s'accrochant à la vie , à moi. Et ce n'est qu'à bout de force qu' il s'est éteint. Il a voulu me protéger, une fois de plus, en attendant que j'aille boire un thé pour partir mais je l'ai su et suis revenue par instinct près de lui, recueillant sa dernière respiration. Il est mort en écoutant Precious de Dépêche Mode , notre chanson préférée. Je vous l'ai dit , il était fort mon mari, rendant beau ce moment si terrible.
Ensuite, vous connaissez : le cortège des visites au funérarium où j'ai pu continuer à l'embrasser, lui caresser la main, mettre ma tête sur son torse.
Et la mise en bière, ah ce moment où l'on pose le couvercle , c'est pour moi, à ce jour, le pire moment de ma vie. Nous séparer physiquement... Puis la cérémonie, j'ai lu un texte que j'avais écrit pour lui. Il était discret , gentil, modeste, aurait voulu partir sur la pointe des pieds mais non , mon chéri je voulais témoigner à voix haute de tes qualités , que tous connaissait, te rendre hommage. Mon fils a lu un poème magnifique, Amérindien. Son frère et sa nièce ont lu aussi de jolis témoignages et puis on avait choisi les enfants et moi des chansons que tu aimais: Heroes de David Bowie, live forever de Queen, et bien sur Precious de Dépêche Mode. Puis une cérémonie intime au colombarium. On a mis un dessin de Clara ( ton personnage préféré de Marvel : Wolverine qu'elle avait dessiné pour ta dernière fête des pères) et un petit Maitre Yoda qui t'a suivi partout pendant la maladie car tu étais un grand adolescent comme j'aimais à te dire
. Fan de jeux vidéo, de Star Wars...
Et me voilà maintenant, sur ce site, 7 semaines après ton départ , aujourd 'hui, à la même heure d'ailleurs...
Il y a eu un mois d'anesthésie, où je ne sentais rien, rien du tout.. Ni peine, ni joie. Vide.
Et la douleur est arrivée, insidieusement il y a 2 semaines, telle une vague qui a déferlé sur moi. Je me sens prise au milieu d'une tempête, impuissante, balayée par les éléments, si petite, si fragile, si perdue.
Je n'ai plus de repère, plus de direction à donner à ma vie...sans toi. Comment apprends ton à vivre sans son âme soeur? alors bien sûr j'ai des signes de toi tel cet ordinateur que tu éteins quand tu trouves que j'y passe trop de temps (merci les paperasseries qui n'en finissent pas) , ces trèfles à 4 feuilles que je n'arrête pas de ramasser moi qui n'en avait jamais trouvé et puis ces discussions que nous avons ensemble,où tu m'expliques tellement de choses,tu m'as raconté pourquoi tu ne m'avais pas dit que tu savais que tu allais mourir. Pour me protéger comme à ton habitude,pour garder le contrôle sur au moins une chose dans ta vie devenue si difficile avec le handicap et cette dépendance que tu haïssais. Tu m'expliques que nous sommes séparés physiquement mais que notre communication reste, que tu seras toujours là pour moi, si j'ai des soucis,des questions sur les enfants... tu me dis que si je ferme les yeux, la force de notre Amour m'envahira. Que nous nous retrouverons, nous étions des âmes soeurs avant, que nous le serons encore après...
Cela m'aide bien sûr, je mesure le privilège que c'est d'avoir cette communication, ces signes...Mais l'absence mon chéri! cette absence physique, ta main, ton torse, ta bouche, ton corps, ta voix...cette absence me transperce de douleur, le manque de toi est horrible . "Je veux de toi" comme on aimait à se dire en imitant Colin quand il avait 2 ans.
Alors je me sens vide, abandonnée, malheureuse. J'ai peur de l'avenir, pour les enfants, pour moi ,je n'ai pas le "droit "de mourir...en tout cas pas tout de suite; et cette Vie, comment puis je y croire encore ? a cette Vie? qui arrache des êtres chers chaque jour, trop tôt. J'ai perdu espoir, en même temps que je t'ai perdu je suis sans espoir désormais. Alors j'ai conscience que c'est une étape, nécessaire et qu'il faut du temps. En parcourant certains témoignages, je découvre que ce que je ressens est "banal", on est nombreux a ressentir ces émotions. Cela me fait du bien de me sentir en communion avec des frères et soeurs de douleur mais cela me fait du mal aussi , moi qui pensait que ma douleur était a la hauteur de cette amour unique. En fait pas unique,Cécile, tout ceux qui perdent un être aimé sont comme toi. Ok alors ça veut dire que je pourrais m'en sortir peut être de ce tunnel noir, de ce gouffre de douleur? Comme d'autres avant moi? Je l'espère....Pas si "sans espoir" que ça au final..
Je me rends compte que j'ai écris un pavé , et qu'en plus c'est un peu confus parfois...
Ecrire à pris la forme d'un exutoire j'en ai bien l'impression... Cela m'a fait du bien , c'est déjà ça.
En tout cas merci à ceux qui auront pris la peine de me lire.