Bon sang Martine,
Ce que tu dis, sur le manque de rebond, si ce n'est celui de rallumer la lampe à deux heures pour noter un début de poème... c'est tout sauf des "conneries nulles"! Ou alors je suis aussi "connement nulle" que toi... ce qui ne me dérange pas d'ailleurs. Je te lis souvent et tes conneries nulles me font toujours beaucoup de bien et sont toujours empruntes de sagesse et d'une douce folie.
Tes mots me parlent.. Ce décalage... même avec ta meilleure amie... je connais ça aussi. La difficulté à rebondir, s'investir, faire des projets... Pour l'instant, je n'ai pas d'énergie... Il y a des projets qui m'inspirent, des valeurs que je veux défendre, peut-être même plus qu'avant. Mais les seuls engagements qui parlent encore à mon cœur sont ceux qui impliquent de se mouiller humainement. De faire tomber les masques. De se montrer authentique... Même au quotidien, je ne supporte plus les conversations pour ne rien dire, sur la pluie et le beau temps... J'ai envie de sentir, quand je parle à mes proches, qu'il n'y a rien de superflu, pas de faux semblants. Qu'ils ont conscience comme moi que chaque minute compte...
Les projets, les conversations un peu futiles... avant... je pouvais m'y confronter. Car lui n'était pas superflu, ni futile... Ce qu'il y avait entre nous non plus... Alors, peu importe: d'être entourée de faux semblants, de désirs illusoires... Peu importe d'avoir l'impression, soi-même, de jouer un rôle par moment. De faire le caméléon. Peu importe, quand on vit intimement, intensément, quelque chose qui compte. Quand on sait qu'il existe au moins une personne, qui nous voit. Qui nous voit vraiment. Qui sait les larmes derrière les rires et la ténacité de l'optimisme derrière les pleurs et les angoisses.
C'est dur, cette exigence. Que j'ai toujours eu mais qui d'un coup se fait plus pressente, impérieuse. Cette exigence de "tomber les masques". Autour de moi, je vois tellement de paroles, de projets superflus, de paraître... Mais je ne peux blâmer personne, car vivre ainsi, "à nu", à chaque instant, demande un courage que moi-même je n'ai pas en ce moment. Du moins pas face aux autres... Et pourtant, l'authenticité, c'est la seule chose qui me semble encore avoir de l'importance.
Du coup, oui, rester seule me donne l'impression de ne pas faire semblant. De ne pas me renier... Mais c'est une cachette dans laquelle je ne pourrai pas rester éternellement, je le sais bien. Pour l'instant, j'y reste car en sortir serait me faire violence. Parce que: pas d'envies... Pas envie de me projeter, d'organiser, de me bouger... Pas envie de faire... Envie d'"Etre". Oui. Peut-être. Sans doutes... Et donc? Pour "Etre", que faut-il "faire"? Justement?
Je perçois cet écueil... Celui d'avoir tellement conscience, désormais, de ce qui compte vraiment, de la fragilité de la vie... que je pourrais en rester paralysée... Dans un autre post Martine, tu parlais de la dimension "Héroïque" du deuil... Oui... je ressens ça aussi... Comme si l'épreuve nous obligeait à regarder des vérités, qu'avant, on préférait se cacher un peu, et qui donnent à notre vie une dimension épique... Avant, en y pensant, on trouvait ça tellement énorme qu'on préférait en rire... Et peut être que c'était important, pour avancer, de pouvoir en rire... De pouvoir rire de la dimension épique d'une vie...
Le problème, c'est qu'en ce moment, je n'arrive plus à en rire... Et pourtant, j'aime tellement ça, rire...
En attendant, sourire à toutes et tous...
Je vous embrasse.