Auteur Sujet: Oser demander justice suite au suicide de mon mari ? Des conseils à me donner ?  (Lu 3954 fois)

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Hors ligne Denpaolig

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Bonsoir,

Mon histoire,  je l'ai racontée sur ce forum sous le titre "Bis repetita". Aujourd'hui, 4 mois après le suicide de mon mari sur son lieu de travail, je suis perdue face aux suites ou non à donner à son geste. En effet, mon mari a mailé à son avocat le matin de son suicide un "testament" dans lequel il fait part des raisons de son geste. Il accuse trois de ses supérieurs hiérarchiques de harcèlement moral. Malheureusement (oui les choses auraient été plus simples), le mail n'est pas signé et selon l'avocat spécialisé en droit du travail que j'ai consulté, le mail peut être contesté et donc n'avoir aucune valeur légale. Mon notaire me déconseille également d'aller en justice car d'expérience, il sait qu'un mail pas signé ne vaut rien. Je pense que si mon mari a expliqué les raisons de son passage à l'acte, c'est qu'il espérait peut-être que quelqu'un (moi ?) fasse ce qu'il n'a pas eu le courage de faire (se battre) et aille en justice pour dénoncer et obtenir réparations.

Mon mari était civil dans une institution militaire depuis 27 ans. Je sais pertinemment que je n'obtiendrai aucun témoignage de collègues car ces gens sont soumis au devoir de réserve (l'institution n'est pas nommée la Grande Muette pour rien !) et qu'ils auraient à craindre des sanctions.
J'ai interrogé son médecin référent qui ne l'a pas vu en consultation depuis mai 2016 soit presqu'un an avant son suicide. Pas de trace donc d'arrêt de travail, de prescriptions médicamenteuses qui pourraient corroborer un mal-être quelconque. Je n'ai aucune preuve du harcèlement si ce n'est le fameux mail pas signé !

J'ai ouvert cette discussion pour avoir des conseils, des avis sur ce qu'il convient de faire ou pas. Un couple d'amis vu cet après-midi me dit de ne pas tenir compte de l'avis de l'avocat, d'en consulter un autre car celui-ci n'a peut-être juste pas envie de se frotter à l'Etat.

Je me sens de plus en plus mal car je crois qu'il y a un délai pour demander à ce qu'un suicide sur le lieu de travail soit reconnu comme accident du travail. Il est temps que je prenne une décision. Je me dis que j'ai un devoir envers mes enfants (2 sont encore mineurs, le 3è a 18 ans) et qu'il est important que je défende leurs intérêts également... Mais aurai-je la force de me battre ? Est-ce que justement, je ne me sentirais pas mieux d'être frondeuse plutôt qu'être victime collatérale ? Je suis perdue et ça décuple ma colère déjà grande...

Je suis preneuse de tous vos conseils, vos remarques, votre aide...

Merci.

Prenez bien soin de vous et de ceux qui vous sont chers.

Muriel.

Hors ligne souci

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    Bonjour Muriel,

    Beaucoup de choses peuvent "trembler" parce qu'une personne en quête de Justice a osé menacer une montagne avec une petite cuillère ...

    Ce sera TON combat si telles sont tes convictions ...
    Je n'ai rien de plus précis à te dire, hélas ...
    L'histoire du pot de fleurs contre le pot de m ... ?
    A toi de sentir si ça fait partie de toi "depuis" ...
    Les brutes dorment toujours mieux que les agressés ...
    Tendrement, Titine.

    PS: une idée: s'il est impossible de combattre par la "condamnation des méchants", il sera peut-être possible de créer ou rejoindre une assoc de soutien (ne fût-ce que virtuelle) aux gens qui sont sous la coupe de harceleurs, pour qu'ils arrivent à résister psychologiquement, à se motiver pour changer de vie plutôt que de se suicider ?

   
« Modifié: 26 août 2017 à 13:19:48 par souci »

Hors ligne qiguan

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il me semble que tu devrais mettre aussi un fil semblable dans la rubrique
http://forumdeuil.comemo.org/apres-le-suicide-dun-proche/
"il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé" A. Einstein
"Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque" René Char

Hors ligne kompong speu

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regarde la cassation pour les agents de Renault qui se sont suicidés, je crois que le délai est de deux ans mais a vérifier.
je crois qu'il te faut un avocat ayant déjà eu affaire a un suicide sur le travail
 preuve du lien direct entre le suicide et le travail peut souvent être difficile à rapporter en pratique. Mais dans certaines situations, le salarié pourra néanmoins bénéficier d'une présomption d'imputabilité.

Ainsi, lorsque le suicide (ou la tentative) est survenu sur le lieu et pendant le temps de travail, l'acte est présumé comme étant un accident du travail. Il appartient dès lors à l'employeur ou à la Sécurité sociale de démontrer que l'acte est sans lien avec la situation professionnelle du salarié. A contrario, lorsque le suicide a lieu en dehors du lieu et des horaires de travail (au domicile de la personne par exemple), il appartient au salarié ou à ses ayants-droit de démontrer le lien entre l'acte et le travail.

Exemples de la jurisprudence

En pratique, les juges considèrent par exemple que le suicide d'un salarié après un harcèlement moral à son travail peut être qualifié d'accident du travail. Il en est de même lorsque le salarié s'est donné brutalement la mort sur son lieu de travail après avoir subi des remontrances de la part de son employeur (arrêt 86-15690 Cass. soc. du 20 avril 1988). A contrario, un suicide n'est pas un accident du travail lorsqu'il s'agit d'un acte volontaire et réfléchi indépendant de la situation professionnelle du salarié.

http://www.avocats.paris/le-suicide-au-travail-0

http://www.souffrance-et-travail.com/media/pdf/Suicide_Guide_Ayants_droit.pdf

mille pensées pour toi

Hors ligne Nora

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  • " Ne me secouez pas, je suis pleine de larmes "
Bonjour Muriel,

Après le décès de mon mari ( pas par suicide, mais de maladie ), j'ai eu à prendre un grand nombre de décisions.

Des décisions qu'il n'a pas eu le temps de prendre, et sur lesquelles nous n'avons pas eu le temps d'échanger car sa maladie a été foudroyante, mais qui concernaient des éléments très importants pour lui.

Pour chacune j'ai tenté ( je dis bien "tenté " ) d'agir en fonction de ce que je pensais qu'il aurait fait. Cela a été difficile, douloureux. Cela m'a demandé un grand engagement, dans des moments où le chagrin et la colère m'atteignaient fortement et faussaient mon jugement, et j'ai parfois eu envie de baisser les bras.

Avec le recul de 2 ans et demi, je sais si j'ai bien fait, ou pas. Je me sens sereine avec certaines décisions prises, alors que penser à d'autres me tord le coeur, parce que je sais que je me suis trompée, ou que j'ai eu recours à la facilité.

Il y a deux points dans la demande que tu fais ici : 

" Dois je engager la procédure de reconnaissance du suicide de mon mari en accident du travail, le faut-il vraiment, le voulait-il, en aurai-je la force ? " : je crois que tu as déjà la réponse. Je t'ai lue, et je sens en toi la force, le respect,  l'honnêteté et une volonté profonde. Tu vas faire ce qui te semble le mieux, pour tes enfants, en souvenir de lui, et pour ne rien avoir à regretter.

Le deuxième point  concerne la faisabilité et les chances de réussite de la procédure.  Je ne suis pas juriste, mais à la lecture des éléments apportés par KPS ,  il me semble clair  que dans le cas d'un suicide sur le lieu de travail, c'est à l'employeur de prouver que l'acte a été  dicté par une motivation personnelle étrangère aux conditions de travail.

 La charge de la preuve lui incombe, et il faut donc savoir s'il est susceptible d'avoir des éléments dans ce sens.

Au cas présent,  le mail, même non signé,  n'a pas la charge de preuve et est un élément en ta faveur.

Voici mes sentiments " à chaud " après la lecture de ton post.

(et je le répète, je ne suis pas juriste : un avocat spécialiste en ces affaires pourra te renseigner. S'il le faut, change d'avocat ...)

Amicales pensées.

Nora