Claire,
La soirée était électrique hier, moi, c’est avec mon père que j’ai eu une grosse grosse dispute.
Et je me suis couchée, ruisselante de larmes … avec un Lysanxia entier. Et ce matin, mes yeux ressemblent à de vilaines saucisses à apéritif que l’on aurait oubliées dans le micro onde et j’ai la tête pleine de coton.
Dimanche, dure journée le dimanche.
Pour petit rappel, mes parents, octogénaires vivent avec nous depuis plus de 4 ans, et avec moi seule depuis le départ de Pierre, il y a 2 ans. Maman, seule était en fauteuil roulant au départ, mais en avril, papa a fait une mauvaise chute et à son tour a trouvé le fauteuil roulant à son gout. Le corps médical assure qu’une bonne kiné et un peu d’effort suffiraient pour qu’il remarche, mais non, aucun effort. J’ai du faire appel à des aides, 2 fauteuils, 2 exigences, 2 surveillances… Je ne parviens pas à retrouver un sommeil normal, car la nuit ils m’appellent pour telle ou telle chose, font des cauchemars ont des besoins urgents… bref j’ai l’oreille aux aguets.
Tout cela est très fatiguant mais normal. Que je m’occupe de mes parents n’est pas de l’héroïsme comme toi, tu t’occupe de ta fille.
Cependant, il y a des limites à l’abus de faiblesse.
Ta fille et mes parents, sans doute « immatures » et surtout égoïstes, ont bien compris que ne pas s’inquiéter des autres et en particulier de nous, était payant, que notre manque d’Amour, notre fragilité, notre besoin de contact affectif étaient une aubaine, nous mettant aussitôt dans la position de demandeur, prêts à accepter tout en échange d’un peu de tendresse.
Oh, c’est inconscient, certes, mais bien réel. Dans la nature, si la nourriture vient à manquer, on sacrifie le plus faible pour nourrir les autres. Bon, j’en conviens, je fais dans le grossier, mais ma dispute d’hier n’est pas passée. Et ta phrase : « Les gens extérieurs nous blessent mais les plus grandes blessures nous sont faites par nos proches... » m’a interpellée sérieusement.
Oui, tu as raison.
Mon père m’a dit hier : Mon Dieu, que tu as changé, tu es devenue acariâtre et aigrie! On ne peut rien te demander, c’est toujours « non ». Et comme je lui disais que j’avais du mal à gérer ma propre vie depuis le départ de Pierre, et que j’avais besoin qu’ils m’aident au lieu de me compliquer la vie, il m’a répondu : Trop facile de tout ramener à la mort de Pierre. Cela ne te rappelle pas quelque chose, Claire ?
Comme toi, Claire, hier soir en prenant mon Lysanxia, je me suis dit, tiens, pourquoi ne pas terminer la boite. Propre, net et sans bavure.
Comme toi, avec Pierre, nous pouvions être en désaccord, il y avait discussions, échanges, parfois passionnés, pour tenter de convaincre l’autre et au pire, nous gardions chacun notre opinion, sans disputes, sans rancune.
Il était ma force et quand je ne parvenais pas à faire quelque chose il venait à la rescousse et tout était simple. Il me conseillait, me stimulait, me rendait belle et heureuse.
Bon, et bien ce matin, le soleil s’est encore levé. Il va falloir assumer. Alors, on va assumer, toi, comme moi, comme tous les autres qui sont en souffrance. Et attendre un mieux.
Marina