FORUM "LES MOTS DU DEUIL"

Comprendre et vivre son deuil => Vivre le deuil de son conjoint => Discussion démarrée par: Yevanna le 19 juin 2017 à 16:55:24

Titre: Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 19 juin 2017 à 16:55:24
Bonjour,

Je vous écris aujourd'hui dans l'espoir que les mots allègent un peu mon fardeau. Je pensais être seule au monde, et en lisant vos témoignages, je m'aperçois que si nos histoires sont toutes différentes, la douleur est, elle, tristement banale.

J'ai rencontré mon âme il y a environ 5 ans. Nous étions tous deux passionnés de jeux vidéos, et c'est naturellement que nous nous sommes croisés "en ligne". Nous sommes très vite devenus fusionnels, et j'ai tout quitté en quelques semaines pour le rejoindre dans sa région d'enfance et démarrer notre histoire. Une histoire magnifique dans laquelle j'étais son premier amour, et lui le mien. Tout était parfait, nous nous étions intégré parfaitement à la vie d'un petit village paisible, j'ai trouvé du travail sans trop de difficulté et notre vie à deux était jalonnée de rires et de douceur. La seule ombre au tableau avait un triste nom : la mucoviscidose.

Si les deux premières années ont été bucoliques, les deux suivantes ont été marquées par une longue descente aux enfers. La maladie est devenue plus agressive, les traitements plus lourds, mais notre attachement plus fort que jamais. Nous n'envisagions à aucun moment cette issue fatale. Certains appelleront cela de la naïveté, d'autres de l'espoir, nous nous contentions juste de nous aimer.

Au mois de décembre dernier, tout est devenu plus sombre. Son état s'étant beaucoup trop aggravé, il a du être hospitalisé d'urgence. La seule solution envisageable pour le sauver était la greffe. Affaibli comme il l'était, l'opération s"avérait trop dangereuse, il s'est donc battu pour regagner tellement de poids et de souffle que les médecins en ont été impressionnés. Ils étaient tellement confiants qu'ils nous ont encouragé dans nos projets, nous avions effectué des prélèvements pour concevoir un enfant juste après cette greffe, nous consultions les annonces pour l'achat de notre maison. Et comble de chance, il a été appelé 24h après avoir été mis sur lite d'attente, un parcours idéal... Sauf qu'au bout d'une attente interminable, un médecin est venu m'annonce qu'il ne se réveillerait pas. Mon ange s'est encore battu une semaine dans le coma, avant que la maladie ne l'emporte, avec tous nos espoirs et nos projets, le 9 juin, un mois avant notre mariage.

Et depuis je suis seule au monde. Notre maison, ce petit paradis, se vide jour après jour à mesure que nous évacuons ce qui doit l'être, et se remplit de son absence. Je ne sais plus ce que je dois faire pour atténuer cette douleur qui m'empêche de respirer. On me dit de laisser faire le temps, je comprends donc que je suis supposée attendre et subir. C'est inhumain. Je ne sais plus quoi faire de mon temps, que nous occupions à deux sans cesse, ni de tout cet espace vide. Ma belle-famille cultive le souvenir, mais chacun d'entre eux est un coup de poignard. Et si seulement ils étaient mortels... Mais je n'arrive même pas à envisager de le rejoindre. Je n'ai plus envie de vivre, mais pas envie de mourir non plus, comme prise au piège dans une dimension à part. Que je laisse couler mes larmes à l'infini ou que j'essaye de me "changer les idées", la douleur reste la même. La compassion que je lis dans les yeux de ceux qui m'entourent m'est également insupportable, au moins tout autant que leurs "conseils" vides de sens.

Bref, je suis perdue, anéantie. A 29 ans, je dois continuer le chemin seule en tirant une croix sur toutes les perspectives que nous avions. Au delà de nos projets personnels, nous rêvions d'un monde meilleur, alors la seule chose qui me fait tenir debout, c'est de poursuivre en bâtissant la maison dont nous rêvions. Et puisque nos enfants ne verront jamais le jour, j'y accueillerai ceux que la vie n'a pas épargnée, pour les aider à se construire. Je lui avais offert ma vie, mais elle n'a pas suffit, il ne me reste qu'à la consacrer à ceux qui en auront besoin, dès que je serai en mesure de me lever.

En remerciant ceux qui auront eu la patience de me lire.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 20 juin 2017 à 01:17:53
Ce que tu vis est si terrible.

Au décès de mon épouse à 38 ans, j'ai sombré, j'ai souffert dans ce monde que je ne comprenais pas.
Tout était anéanti et je la revoyais encore et encore mourir dans mes bras.

J'ai reçu de l'aide que j'ai accepté l'aide de la part de professionnels. Parfois certaines personnes ont besoin d'aide, au moins pour dormir un peu.

Chacun je crois va faire ce qu'il peut, réagit et agit différemment et va recevoir de l'appui de ceux qu'il peut, il n'y a pas de guide pour surmonter la perte de son amour.  Je ne sais pas s'il y a des conseils à suivre, je ne me crois pas qualifié pour en donner.
Ça ne se décrit même pas la perte de son amour, comme d'autres souffrances. Pour moi ce n'est pas une épreuve je ne trouve pas ce terme adapté, et les étapes du deuil je n'ai jamais trop compris ce principe...

Je souffre toujours et je me demande souvent ce que je fous là.
Je ne me vois pas reprendre une vie comme avant, discuter bricolage avec des collègues... Bref...

Mais bon, j'ai pu survivre, je crois, en ayant des projets, quelques perspectives, malgré la douleur, l'envie de mourir et la fatigue.

C'est pour cela que je me suis permis de te répondre.

Tu évoquais quelques projets que tu feras quand tu seras plus apte.
Je ne veux pas donner des conseils encore une fois, de toute façon, il y a un moment où je crois qu'il n'y a que la souffrance, les pleurs et les hurlements.
simplement, après, je dis que grâce à des projets j'ai pu survivre et sortir un peu de la souffrance, segmenter es choses en accordant un temps au deuil et un temps aux autres choses de la vie pour construire quelque chose.

Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 20 juin 2017 à 09:17:13
Je te remercie pour ta réponse Tony. C'est exactement ça, j'essaye de fragmenter. Aujourd'hui j'essaye de reprendre le travail, encore une première fois sans lui bien difficile. Je ne sais pas combien de temps je vais supporter ce bureau sans les petits messages que l'on s'envoyait à longueur de journée. Mais je ne supportais plus de rester sur ce canapé à ruminer non plus.

Des projets, des projets, des projets...
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 20 juin 2017 à 11:30:24
Alors ça, le travail... Je ne supporte plus.
Pour ses messages qu'il y avait tout le temps et qui me manquent, pour les collègues qui sont très gentils mais avec qui je me sens décalé (je me force en fait à être un peu sociable mais je m'en fous moi de leur vie), et pour l'intérêt du travail que je ne trouve pas.

J'envie ceux qui font quelque chose de passionnant, ça peut les occuper au moins, mais pour ceux qui ne sont pas dans cette situation ? Que faire ?
Je me pose des questions existentielles sur le sens de la vie, sur l'au-delà, alors l'utilisation du logiciel trucmuche débile dont le guide d'utilisation fait 796 pages ça me semble complètement inutile.

En plus, crevé, je ne comprends pas grand chose.

Peut-être que dans ton cas, le travail pourra t'occuper, tout dépend de ce que tu fais. Dans tous les cas, le canapé ou le lit, non c'est terrible...


Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 20 juin 2017 à 19:55:08
J'ai lu ton message sur le travail Tony,  et aujourd'hui, jour de reprise pour moi, je me suis reconnue dans tes mots. J'ai aussi un travail de bureau alimentaire, que je n'avais trouvé que pour lui, enfin pour nous. Mon cher et tendre ne travaillait pas à cause de son handicap, et mon job nous permettait de nous maintenir financièrement. Se retrouver le cul sur une chaise de bureau à voir défiler des mails commerciaux, vivre et mourir pour engranger toujours plus de fric, quand tu penses que même les funérailles sont un honteux business... Moi aussi je me demande ce qu'attend le monde pour changer. Nous, peut-être.

Ce matin j'ai fait l'erreur de vouloir tromper la douleur, j'ai retenu mes larmes. Et le résultat ne s'est pas fait attendre, je me suis retrouvée littéralement au bout du rouleau, épuisée, criblée de douleurs musculaires, le cerveau en grève. Mon travail implique certaines responsabilités, et me voir si diminuée a été un double choc, je suis devenue une ombre.

Par chance une collègue a su trouver les mots pour faire sortir les larmes, et nous avons pris du temps pour vider ensemble ce trop-plein d'émotion. Et petit à petit, la personne que je suis a commencé à refaire surface.

Maintenant je le sais, on ne trompe pas la douleur. Si mon esprit ruse, elle attaque mon corps. Mais j'aurai sa peau, je ne la laisserai pas salir son image.  Je veux et je dois retrouver la douceur, l'amour et l'apaisement que m'a toujours inspiré sa pensée, la joie de vivre qu'il se battait pour transmettre. Une demi-âme s'est envolée, mais même à moitié morte je continuerai de porter haut nos couleurs.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 20 juin 2017 à 23:10:04
Un certain apaisement viendra petit à petit peut-être.

Le monde est abjecte, trop matérialiste, on en oublie les choses les plus importantes que sont les sentiments, les pensées et les émotions. Plus abjecte encore lorsqu'on a croisé le chemin de l'immense douleur, je crois.

Je vois le deuil comme une spirale que j'avais d'ailleurs dessinée (ne pas y voir une connotation religieuse, tout cela reste symbolique), de la douleur à la colère à la déchéance ou à l'action de rebâtir quelque chose, puis retomber dans la spirale, ou pas, et ainsi de suite... j'avais peint ça :

http://www.hostingpics.net/viewer.php?id=406154lamortcreladouleurqui.jpg

Peut-être segmenter les choses, avec le travail d'un côté, et ce qui est plus important de l'autre, je n'en sais rien, ça dépend de chacun. J'envisage parfois de faire autre chose de plus utile mais je ne vois pas quoi... Si tu en as l'énergie, un jour peut-être tu envisageras ou pas quelque chose d'autre mais la société ne facilite pas ce genre de changements. Tu verras quand cette foutue douleur se sera apaisée ou se sera transformée en énergie constructrice, peut-être.

Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 23 juin 2017 à 20:17:08
J'essaye.
J'essaye de me montrer digne de ce que tu voulais pour moi, alors que tu savais que tu étais mon seul bonheur.
J'essaye de me dire que si tu me vois, il ne faut surtout pas que tu t'en veuilles d'avoir été vaincu, même si je suis seule.
J'essaye de faire remonter les bons souvenirs et j'essaye de m'en réjouir, même s'ils font couler mes larmes.
J'essaye de m'imprégner de ta force, je suis toujours aussi fière de toi.
J'essaye de bannir les projections de ce qu'on aurait pu être si tu n'étais pas parti.
J'essaye de croire que tu m'attends quelque part alors que tu sais que je ne crois en rien.

Je te jure que j'essaye de lutter de toutes mes forces. Mais aujourd'hui c'est trop. J'ai pleuré et hurlé au volant de la voiture, tu savais que ma vie s'arrêtait avec la tienne, je t'avais prévenu mon ange!

Aujourd'hui je vois un couple se déchirer et je les hais, profondément, viscéralement, de gâcher cette chance qu'ils ont d'être en vie ensemble.
Je déteste tous ces gens qui me disent "heureusement que vous n'aviez pas d'enfants, c'aurait été compliqué", s'ils savaient tout ce que je donnerais pour remonter le temps et te donner cet enfant dont nous rêvions tant, au lieu de me retrouver toute seule comme une conne avec mes souvenirs et mon chien.
Je déteste tous ceux qui me disent "oh ben ça va tu tiens le coup, t'es forte" alors que je suis littéralement détruite, je ne sais même plus qui je suis. Et quoi alors, il faudrait que j'atteigne quel fond pour vous satisfaire?
Comme tous ces gens qui m'appellent une fois par jour pour savoir si "ça va". Non ça va pas, mais c'est pas grave, tant que je réponds c'est que je me suis pas encore jetée dans le lac, c'est bon signe hein?

Je hais cette haine qui ne me ressemble pas. Tu serais là tu m'engueulerais, tu me dirais de ne pas être aussi amère, que ces gens sont maladroits mais qu'ils s'inquiètent pour moi. Nous rêvions de tendre la main pour fonder un monde meilleur. Nous voulions que notre force soit un moteur de paix. Mais tu vois pour ça, il faudrait qu'il y ait encore un nous, affronter ça toute seule mon ange, c'était pas dans les plans.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 23 juin 2017 à 22:20:56
Je me souviens de ma mère qui m'avait dit avec délicatesse, à la mort de ma femme : "je te croyais plus fort que ça"... Et des conneries j'en ai entendues.

Les maladresses des gens sont courantes. Mais on ne peut que faire avec. Je sais que cela provoque la colère, c'est normal.
Je me souviens qu'avant, je ne savais pas comment me comporter avec quelqu'un qui avait vécu de quelque chose de terrible, alors je préférais ne rien dire que de donner des conseils ou des avis idiots.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: souci le 23 juin 2017 à 22:46:47

   @ Tony: dans ton tableau, j'aime bien ton tas de têtes de mort, à droite, je trouve qu'elles sont "croque-la-mort", à la manière des tableaux de James Ensor ...
   Donc, je te passerais commande pour que tu me fasses un tableau avec rien qu'un tas de ces petites têtes regroupées, en renaissance du rythme ... et donc, au fond, en contradiction avec l'angoisse du néant ... Bye, Titine.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Alexandra le 23 juin 2017 à 23:23:17
Yevanna,
je voulais t'écrire cette semaine mais je n'avais pas les mots... Je me retrouve dans ce que tu écris, les projets envolés au début de nos vies, l'impression d'être morte avec lui...

En te lisant ce soir, en lisant ces jugements et ces conseils stupides qui te mettent en colère, moi j'ai envie de te dire: et si tu n'essayais pas? Et si tu t'autorisais le chagrin et la colère? Quand on me sert tous ces jugements, tous les "il n'aimerait pas que tu ...", les "tu es forte", "tu dois être forte pour lui", je me dis que si mon compagnon avait pu imaginer la souffrance et l'horreur de vivre sans lui, jamais il ne m'imposerait de faire semblant d'aller bien.

Alors rien ne t'oblige à essayer, les beaux souvenirs et la force de ton compagnon vont t'accompagner mais ils ne t'obligent pas à être "digne" (qu'est ce que je détestevce mot!) alors que tout vient de s'écrouler. De tout coeur avec toi,
Alex
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Ela le 24 juin 2017 à 00:43:57
Chère Yevanna... J'ai lu ton histoire... qui entre en résonance avec ce que j'ai vécu... ce que je vis... Comme toi, j'ai moi aussi perdu mon amour. Lui est parti sans prévenir... d'une crise cardiaque... le  14 avril 2016. Il avait 33 ans. J'en avais 25 quand ça s'est produit, 27 aujourd'hui.
Je me reconnais dans ce que tu vis à bien des niveaux... Tu as écrit:

Citer
Au delà de nos projets personnels, nous rêvions d'un monde meilleur, alors la seule chose qui me fait tenir debout, c'est de poursuivre en bâtissant la maison dont nous rêvions. Et puisque nos enfants ne verront jamais le jour, j'y accueillerai ceux que la vie n'a pas épargnée, pour les aider à se construire. Je lui avais offert ma vie, mais elle n'a pas suffit, il ne me reste qu'à la consacrer à ceux qui en auront besoin, dès que je serai en mesure de me lever.

Je ne sais pas bien pourquoi, mais cette phrase m'a touché... Ou plutôt si... je sais... Comme toi et ton chéri, mon Hanaël et moi cherchions à nous tourner vers le monde, les gens... Nous avions des idéaux. Lui, surtout... Et moi je me laissais porter par son élan, son optimisme incroyable... Alors comme toi, cette réflexion que tu t'es faite s'est imposée à moi dès son départ... et elle m'a aidé à tenir bon tant bien que mal dans les pires moments... La perspective de faire quelque chose dont il serait fier, dont il est fier... peut être.
Et puis, à côté de ça, j'ai la sensation de deviner en toi cette même intransigeance que j'ai pu avoir, que j'ai parfois encore vis à vis de moi même. L'envie de le rendre fier qui nous pousse à mettre la barre trop haut, trop vite... Alors ce soir, je choisis de joindre ma voix à celle d'Alexandra pour te dire que tu as le droit... d'être pommée, folle de chagrin, imprévisible même à tes propres yeux... le droit d'être en colère même si une part de toi reste consciente du fait que beaucoup ne sont pas malveillants, juste maladroits... et bien merde! Leur maladresse te fait mal. Elle appuie là où tout est déjà décapée, à vif... Alors tant pis si tu te montres en colère, si certains ne comprennent pas. Tant pis si tu ne corresponds pas au stéréotype que les gens se font du conjoint "digne" et "fort". On s'en fout.
Cette colère, elle est légitime. Comme toutes les émotions qui te traverseront au fil des semaines, des mois... Nous sommes dans un monde obsédé par le contrôle et la maitrise, alors oui... ressentir toutes ces choses extrêmes crée un décalage énorme entre nous et la plupart des gens... Beaucoup réussissent à garder le contrôle car aucune épreuve n'est venue les faire sortir de leurs gonds. Alors ils ne comprennent pas forcément qu'à certains moments de l'existence, c'est impossible. Toutes ces choses qui te traversent, aussi étranges, paradoxales, douloureuses, surprenantes soient-elles... elles sont une réaction naturelle à cette épreuve terrible. Et elles se fichent pas mal du fait que les gens les perçoivent comme déplacées ou preuves de faiblesse. Comme beaucoup ici, j'ai entendu un sacré paquet de conneries au courant des derniers mois... J'ai usé ma colère, ma rage... Elle revient encore parfois. Moins fréquemment qu'il y a quelques mois encore... Il y a quelques mois, moi qui me mettait si peu en colère avant tout ça, et bien elle me faisait hurler. J'enfonçais ma tête dans des coussins, je frappais de toutes mes forces... J'ai même jeté de la vaisselle contre les murs (si tu as des vieux services hideux dont tu veux te débarrasser... ça soulage pendant un temps!!)
Et crois bien que ton chéri, s'il le pouvait, voudrait seulement te soutenir, t'encourager, te porter, te soulager dans cette épreuve. Te dire combien il t'aime. Et certainement pas porter un jugement sur la façon dont tu fais face à cette souffrance.
Je t'écris tout ça, car je sais combien il est difficile parfois de s'adresser ces paroles à soi-même. De s'accorder ce droit de lâcher une certaine pression, une certaine "exigence morale"... même dans les pires moments.
En cela, ce forum est d'un grand secours. Parce que dans ce que nous vivons, on se sent seul comme jamais, et paradoxalement... on redécouvre petit à petit à quel point on n'est pas tout puissant. A quel point on a besoin des autres. A quel point on a besoin parfois des paroles de soutien, des encouragements, des retours positifs, de la reconnaissance... lorsque soi-même on ne sait plus se les donner.
Chère Yevanna: je t'envoie toute mon affection. Je te redis ce que d'autres ici me disent lorsque moi-même je n'arrive plus à y croire: tu n'as pas à prouver que tu es forte. Tu es forte, parce que tu continues de vivre malgré la souffrance, malgré les questions sans réponse.
Je pense fort à toi. Prends soin de toi, un pas après l'autre, comme tu le peux.
Je t'embrasse.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 24 juin 2017 à 08:17:25
Alexandra, Ela,

Je vous remercie pour vos messages. Ils m'ont permis d'aller lire vos histoires, c'est étrange comme nous nous ressemblons. Je me sens comprise, c'est à la fois dramatique et apaisant.

J'entends le fait que j'aie le droit de lâcher prise, mais c'est un droit que je ne me suis pas accordée pendant ces années difficiles. Je refusais d'admettre qu'il allait me quitter, et ce masque m'a permis de le soutenir du mieux que je pouvais. Aujourd'hui, ces derniers mois de souffrance me reviennent plus souvent que les bons souvenirs, et c'est plus fort que moi, je lutte encore et toujours, comme si j'avais besoin que notre combat continue. Alors les moments où je lâche prise ce ne sont plus des vagues, mais de véritables typhons.

Avant lui j'étais criblée de problèmes, familiaux, financiers, sans objectif. Il m'a sortie de cette vie, poussée vers l'avant pour que je gagne confiance en moi. La découverte de la campagne, le permis, un travail à responsabilité, une véritable vie de famille. Mon pilier s'est écroulé, il n'y a plus personne pour me protéger de ce monde, au fond sous le masque je suis morte de trouille.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Alexandra le 24 juin 2017 à 09:08:10
Oui tous ces mois tu as tenu, vous avez tenu en espérant que ce dont vous rêviez allait devenir réalité. Et aujourd'hui, tu as le contrecoup, non seulement d'avoir perdu l'homme que tu aimes mais aussi de tous ces mois à tenir bon. C'est tellement violent tout ça, tu n'as plus à tenir bon pour ne pas l'inquiéter lui.

Je me retrouve aussi quand tu dis que tu as perdu ton pilier, j'ai le sentiment que Tom m'avait sauvé la vie et que je suis à nouveau morte. Je ne peux pas, pas sans lui, même avec les forces qu'il m'a données... Et c'est terriblement dur de se protéger quand on n'a plus celui qu'on aime à nos côtés, moi je n'en n'ai même pas envie, ça me paraît presque illégitime de vivre cette vie qu'il n'a plus.

Alors pour l'instant, je crois vraiment comme je te l'ai dit hier soir que tu n'es pas obligée de te battre en permanence, pas pour l'instant. Il faut que ça sorte ces mois d'angoisse, il faut que ça sorte de l'avoir perdu et il faut que ça sorte toutes ces angoisses pour ce qu'il y aura "après". Mets le pilote automatique pour le boulot et la paperasse si tu peux, le reste tu peux bien hurler au volant de la voiture et oublier l'aspirateur au fond d'un placard. Peu importe, il faut juste que ça sorte. Je t'embrasse

Alex
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: qiguan le 24 juin 2017 à 14:47:03
en vous lisant je reconnais les méandres de ces étapes du deuil
oui il faut que ça sorte !!!!!!!!!
ne pas culpabiliser, se transformer, ne pas se reconnaitre même dans la manière de le sortir
oui c'est ça
continuez ainsi
 c'est la voie que chacun(e) vis de façon personnelle
juste souvenez vous que des anciennes personnes qui ont eu vos types de vécu ne savnt ni comment
ni pourquoi
mais sont encore là
vous lisent
je vous embrasse
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 25 juin 2017 à 08:26:44
Hier j'ai ouvert grand les vannes. Je me suis autorisée à penser à lui, à nous, à ce que j'allais devenir sans lui. La déferlante a été terrible, du réveil au coucher. Impossible de me lever, de manger, juste des pleurs et des cris, et cette douleur qui me donne envie d'en finir. J'ai tout essayé, je lui ai parlé, hurlé ma peine, je l'ai supplié de revenir, puis de m'emmener. J'ai écrit aussi, j'ai même été mettre un message de désespoir sur son facebook, je n'ai décidément plus aucune pudeur. Toujours les mêmes réponses "tiens bon pour lui, vous étiez si forts, nous aussi il nous manque", oui mais bordel, chacune de mes respirations est un supplice, je la puise où cette foutue force sans lui?

C'est quoi d'ailleurs cette envie de mourir, elle sort d'où? J'ai toujours été une amoureuse de la vie, je l'adorais cette vie, jusqu'à ce qu'elle me l'enlève. Aujourd'hui l'enfer a encore commencé dès que j'ai ouvert les yeux, je suis usée. Je relis mes anciens messages et je m'aperçois que la douleur me bouffe mentalement et physiquement, jour après jour. Hier soir j'ai fait le bilan, en me demandant ce que j'aurais loupé si je n'avais plus été là, il était pas fameux. Lui il se battait pour nous, il puisait de la force dans notre lien, moi je ne sais même pas pourquoi je dois me battre. Probablement parce que comme beaucoup d'entre nous, j'attends la fin sans vraiment la chercher, et on ne meurt pas de chagrin.

Aujourd'hui ma belle famille vient m'aider à trier ses affaires. J'ai terriblement peur.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: rivage le 25 juin 2017 à 09:54:24
Oui yevana les vêtements sont une épreuve avec ma fille on a trié dans ces placards et donné beaucoup d'affaires à la croix rouge,mais j' interdit que l'on touche aux robes de chambre derrière les portes les sorties de bains ,il me semble qu'elle va revenir ,voilà tu vois depuis ce matin pas de vague j'étais étonné,je me disais peut être c'est fini,et dès que j'évoque ces pathétiques et dérisoires faits ,ça recommence parfois j'en veux au forum,je me dis je reviendrai plus ,mais je sais qu'il fait parti du rituel,de déversoir.
BON mais quand même il y a du mieux j'ai dormi presque 7 h et ce matin pas de vague,alors?
Alors hiers que c'est il passé : j'ai  pris un bain dans la piscine ,avant j'en prenais jamais ,même avec les prières de mes filles ,et j'ai fini le livre de Sabrina Philippe "tu verras les âmes se retrouvent toujours quelque part"je l'aime cette écrivain comme on aime une bonne musique,et la fin du livre elle parle de ses théories sur les âmes soeurs,d' ailleur que je partage pas tout à fait,mais toute la soirée j'ai pensé à ce qu'elle écrivait,et j' ai établi moi aussi mais propres théories,et j'en suis arrivé à certaines conclusions qui m'ont mis dans un état comme quand je trouve une musique qui me touche.
La paix de l'âme est un long chemin et je pense que chacun doit trouver sa voie ,c'est pas facile ,et de plus pas de "gps"
je te souhaite de la force et du courage
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: loma le 25 juin 2017 à 12:19:48
"Aujourd'hui ma belle famille vient m'aider à trier ses affaires. J'ai terriblement peur."

Cela fait plus de deux ans que Marc est mort, et je n'ai toujours pas fini "le tri". J'ai choisi 3 vêtements que je souhaitais vraiment garder, et petit à petit, je donne , à la famille, à des oeuvres caritatives,  j'essaie de confier à chaque membre de la famille un objet en souvenir de Marc, ses montres à son frère , un appareil photo à une nièce, un coffret à une soeur, des lunettes de soleil à une autre soeur ... un objet personnalisé, en sa mémoire à chacun. Un héritage affectif.

Mais personne ne m'a imposé quoique ce soit, quelquefois j'ai eu une demande, du type "cela me ferait plaisir, en souvenir de Marc, d'avoir ceci ou cela ..." Marc n'appartient à personne, il appartient à tous à présent. Et ses affaires aussi. Une façon de perpétuer sa mémoire.

Chacun doit faire comme il le sent, et si c'est trop tôt pour toi, dis le.

Tendrement loma

Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: marijo le 25 juin 2017 à 13:11:41
Moment difficile que celui que tu vas vivre. Je n' aurai pas à le faire quant à moi. La succession est vacante. Les héritiers l' ont refusée et moi je ne suis personne. Je n'ai pas le droit de toucher à ses affaires, et de fait je n'ose même pas toucher à ses vêtements. Je vais partir et tout laisser. J' appréhende aussi. Dans tous les cas c'est une deuxième perte, un déchirement.
Douces pensées malgré tout.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 25 juin 2017 à 19:39:26
Je vous remercie pour votre soutien et vos encouragements, sincèrement. J'ai surmonté l'épreuve, difficilement, mais ça y est. Le plus difficile c'est tout cet espace inoccupé, nous n'avions jamais assez de place, et maintenant il y en a trop. Toutes les pièces ont été transformées depuis son départ, il ne reconnaîtrait plus sa maison...

J'ai choisi de faire comme toi Ioma, j'aimerais remettre chaque chose qui lui appartenait à une personne à qui il tenait. Nous avions nos souvenirs à nous, que je conserve, les autres ne m'appartiennent pas. Je préfère qu'il reste un peu de lui chez tous ceux qui l'ont aimé.
Tu sais Marijo, j'ai toujours été quelqu'un de très honnête (trop même à ce qu'il paraît), mais dans ton cas, je pense que si tu emmènes avec toi quelques affaires, ça n'enlèvera rien à personne, mais t'apportera peut-être beaucoup. Tu risquerais de regretter longtemps de "partir et tout laisser", certaines choses sont trop précieuses pour être abandonnées.

J'ai au moins la grande chance d'avoir une belle famille extrêmement bienveillante. Cette journée a été l'occasion de ressasser des souvenirs, les notres, les leurs, nous avons beaucoup pleuré, presque ri parfois. Ils trouvent au delà de leur douleur, la force de s'inquiéter pour moi et de me soutenir, et je n'ai plus les mots pour dire à quel point j'en suis touchée. Je vais mettre cette pensée sur la liste des choses que je n'aurais pas aimé louper, ce soir la balance penche un peu plus vers la vie.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: qiguan le 25 juin 2017 à 21:24:43
ton deuil est si frais
laisse sortir ta douleur ne l'enferme pas
oui note la chance d'avoir une belle famille bienveillante car tu as lu ici que ce n'est pas toujours le cas ni automatique
un pas à la fois parfois vivre juste d'heure en heure ..
affectueusement
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 29 juin 2017 à 16:14:02
Il y a un mois jour pour jour tu m'envoyais un petit message au bureau "Ca y est mon coeur, je suis inscrit, on y est! Je sais que c'est risqué mais j'ai pas de regret, je souffre trop. On la mérite cette nouvelle vie, on va y arriver!". 24h plus tard j'entendais ta voix pour la dernière fois... Ouaip, on la méritait cette nouvelle vie...

Bonne nouvelle, j'ai arrêté de lutter contre ce foutu deuil. J'accueille, comme dit Régine. Les vagues vont et viennent, un coup je meurs, l'instant d'après je revis, c'est comme une sorte de valse un peu morbide. Un pied dans ce monde, l'autre je ne sais où. C'est pénible de ne pas croire, je regarde le ciel quand je lui parle, un vieux réflexe que je ne m'explique pas puisque je n'arrive même pas à me convaincre qu'il y est.

Les crises d'angoisse sont devenues inquiétantes pour mes proches, ils craignent qu'un jour pas fait comme un autre, un de ces ouragans m'entraine. On voudrait que je thérapise, on voudrait que je médicamente, moi je m'en fous. Je crie, je pleurs, j'échafaude une multitude de scénarios pour le rejoindre, je le supplie mais rien n'y fait. Lui ne revient pas, et moi je ne m'en vais pas.

Les gens de mon village sont d'une discrète bienveillance. Ils me regardent dépérir de loin, on n'ose pas trop se montrer, on respecte la douleur. Alors ils vont trouver mon amie pour lui confier pudiquement qu'on m'a vue me poser au bord de l'étang pendant des heures, que mon corps se décharne de jour en jour, que la vie est une chienne et qu'on espère que je vais tenir le coup. Nous devions nous marier le 8 juillet, on la méritait cette nouvelle vie...
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 30 juin 2017 à 01:05:02
Ce soir tu me manques physiquement, mon ange. Il manque ta main dans ma nuque pour la soulager, tes bras autour de moi pour me réconforter, le souffle de tes éclats de rire, tes lèvres, tout. Alors ce soir j'ai mal. J'ai mal dans mon cou, j'ai mal dans mon ventre, je vomis ton absence, il n'y a que mon coeur brisé qui reste une métaphore.

J'écris pour pleurer, parce que ce soir ma détresse va au delà des larmes. Il y a ce foutu "plus jamais" dans chacun de nos souvenirs et ces souvenirs dans chacune de mes pensées. Je me fous de tous ces projets, j'aurais pu vivre toute une vie à tes côtés sans eux, mais sans toi... Tu m'as ensorcelée petit ange, j'aimais tellement la vie, mais je te l'aurais offerte si l'air de mes poumons avait pu te faire respirer. C'aurait été moins pénible que de respirer sans toi, et alors mon fardeau serait devenu le tien. Aurais-tu été plus courageux?

Je me sens comme Prométhée, condamnée à un supplice éternel. J'affronte chaque jour et chaque nuit, mais chaque matin me réveille dans la douleur, inlassablement, incontournablement. J'affronte bravement, comme tu me l'as appris, puisque c'est tout ce qu'il me reste à faire.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Ela le 01 juillet 2017 à 18:36:08
Nous sommes ceux qui restent... ceux qui demeurent sur le quai de gare, et regardent le train s'éloigner... ceux qui agitent leur mouchoir debouts sur le port... Privés du voyage: de ce qu'il réserve, quelle que soit la nature de la destination... privés de cette aventure, des épreuves, des peurs ou des surprises qu'elle réserve... démunis face au mystère, aux questions,  à l'absence d' issue... Fixant l'horizon, suspendus, dans l'attente de ce qui ne reviendra pas...
Pourtant, ce déchirement, ce n'est pas le lien qui se brise... C'est ce lien si fort, qui nous lie à ceux que nous aimons, tendu aux extrêmes de la vie, qui tire au plus profond de nous à nous arracher le cœur....
Ma chère Yevanna. Je n'ai pas de pommade pour soigner ce manque physique terrible, cette déchirure. Je peux juste te dire qu'elle est la preuve, douloureuse, que le lien à ton aimé perdure. Comment? Je l'ignore... Comme toi, le bateau est parti est je suis restée sur le quai avec toutes mes questions...
Pourtant, j'aimerais te dire te t'accrocher... Car ce fil, tendu à t'en déchirer la poitrine, petit à petit, lorsque tu comprendras qu'il ne pourra pas être rompu, il finira par se détendre un peu... et au delà du manque et de l'indicible tristesse, qui seras toujours là, tu pourras ré-apercevoir de petites lueurs... Des petits éclats de beauté, qui te rappelleront que si la vie est cruelle parfois, elle n'est pas désenchantée...
Le mystère de ce qu'il y a derrière cet horizon, derrière lequel nous irons tous demeure entier... Et toi, ma chère Yevanna, en attente comme moi, comme nous tous sur ce quai, prends soin de toi... Du mieux que tu peux, jour après jour... Cette souffrance, tu ne pourras pas la fuir, mais elle n'aura pas raison de toi. Tiens bon.
Je t'embrasse.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 02 juillet 2017 à 17:18:21
Chacun est tellement différent et a vécu une histoire différente. Et chacun a des cartes différentes à jouer pour avancer ensuite.
Même si "avancer" ça ne veut rien dire je trouve, on peut avancer en passant ses journées à picoler dans un bar.

Je suppose que Prométhée a fini par "supporter" davantage son supplice aussi cruel soit-il.

Ce qu'on peut dire, c'est que beaucoup arrivent plus ou moins à faire quelque chose après la mort de l'être aimé, bricoler un truc comme je dis.
Après un temps exclusivement réservé à la souffrance.

Tous les jours encore aujourd'hui je me demande ce que je fous là sans ma femme. Mais je continue à bricoler quand même des trucs.

Prends soin de toi, comme le dit Ela, oui, même si c'est plus facile à dire qu'à faire.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 03 juillet 2017 à 17:30:37
Merci. Je mets du temps à répondre parce que je ne sais que répondre d'autre. Je suis touchée de ce soutien, j'ai l'impression de me plaindre, de me plaindre... On a beau savoir qu'on vit tous la même chose, on est tous seuls face à notre peine.

Mais voilà, plus j'avance et moins j'avance. Je suis bien d'accord, je ne sais plus ce que veut dire avancer. On me dit "tu dois continuer, tiens bon", mais continuer à quoi? A morfler? Oui ça, ça fonctionne bien, jour et nuit sans interruption. Je disais plus haut que j'accueillais les vagues. Quelle chance! Maintenant il n'y a plus de vague, c'est juste un flot continu de détresse.

Je me dis que les mots sont parfois guérisseurs alors je viens vider mon sac ici. Mais ça ne marche pas, plus rien ne marche, c'est un chemin sans issue. La mort est à tous les coins de rue dans le fil de mes pensées. Je suis terrorisée.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: souci le 03 juillet 2017 à 23:51:42

    Bonsoir douce Yevanna,

    Quand plus rien ne marche ...
    La Musique zique ...
    Je t'ai choisi une petite chanson, et si ça marche pas ...
    se repasser un petit Derrick bien soporifique ?
    Trop d'énergie face à l'impossible renforce l'impossible ...
    Bien tendrement et solidairement, Titine.
    https://www.youtube.com/watch?v=Z8co7nlNymI (https://www.youtube.com/watch?v=Z8co7nlNymI)
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 04 juillet 2017 à 12:28:25
Je ne sais pas pour combien de temps tu vas continuer "à morfler" en continu.

Les spécialistes (médecins et autres) disent qu'à un moment la douleur s'atténue. Qu'il faut du temps.
Cela paraît peu crédible quand on le vit, mais je répète donc l'avis des spécialistes qui est sans doute vrai dans certains cas : la douleur s'atténue.

Peut-être que tu fais partie de ces personnes pour qui la douleur s'atténue, alors il faut s'accrocher et attendre même si on a dans cette situation envie de crever, mais alors vraiment envie de crever.

Bon, je ne vais pas partir longuement dans des théories sur ce qui se passe après la mort, moi je crois que ce n'est pas une bonne option que de souhaiter vivement rejoindre nos défunts, se laisser mourir et par la même occasion de croire que cela supprime la douleur.
Je pense qu'au contraire, cet état de souffrance perdure au-delà de la mort et qu'on ne dispose plus de notre corps physique pour agir... Donc on souffre dans le vide, comme perdu.
Pour cette raison et plein d'autres (les proches), il faut continuer.

Facile à dire, continuer !

Continuer à quoi ?
A vivre une vie de douleur ?

Encore une fois, pour certaines personnes la douleur s’atténue, il y a quelques éclaircies qui valent le coup.
D'autres doivent combattre.

Combattre la mort de l'être aimé, ça n'a pas de sens.
Déjà combattre physiquement pour ne pas se laisser dépérir ce qui n'arrange rien : le cerveau est mal alimenté et les idées ne sont pas claires.
Après, combattre c'est quoi ? Je sais pas :  continuer d'exister, construire quelque chose, autre chose, chercher du sens. En fait, combattre c'est d'abord chercher une voie, une issue, une porte mais ce n'est que mon humble avis.


Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 06 juillet 2017 à 00:32:42
Combattre physiquement : première étape. Ma belle-mère m'a fait subtilement promettre de consulter un médecin. Cette femme est un ange, elle sait qu'elle est la seule à pouvoir m'en convaincre, je ne lui résiste pas.

Il parait que je fais un deuil difficile. Je voudrais bien t'y voir à ma place Doc, essaye de vivre avec une moitié en moins... Mon corps s'épuise, s'autodétruit, je ne suis plus à même de me battre toute seule. Alors ça y est, on y est, début du traitement. Un comprimé pour les crises d'angoisse, un autre pour essayer de sauver l'humeur. Chouette. Quelque chose de "léger" pour commencer, dans une semaine si je m'enfonce, on ne rigole plus : on augmente la dose, on arrête de travailler, on s'installe chez quelqu'un pour pas "rester seule". Et ce petit quizz à peine déguisé quand j'ai évoqué mes idées noires. Quelle est la réponse qui m'a fait échapper de peu à l'hosto? Je la connais Doc, je suis anéantie mais pas dupe.

Voilà où j'en suis, moi qui ai toujours tout porté sur mes épaules. Constat d'échec flagrant. Double échec même, je n'ai pas réussi à nous sauver, ni lui, ni moi. Je m'écroule, et le monde autour de moi n'a de cesse que d'essayer de me relever. Je suis touchée, mais tellement usée. Il n'y a pas si longtemps je marchais aux côtés d'un lion, on me dit qu'il dort désormais en moi. J'essaye d'y croire.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 13 juillet 2017 à 12:18:49
Me revoilà, j'ai eu un grand élan de doutes. Je me suis demandée si ce forum ne me faisait pas plus de mal que de bien... Comme tout le reste d'ailleurs.

Hier, après une première semaine de traitement, nous avons fait le bilan avec mon médecin. J'ai entamé les anti-dépresseurs mais les effets secondaires m'ont fait peur, je n'ai pas voulu coupler aux anxiolitiques prescrits. Il a été surpris. Je lui ai expliqué que j'avais lu énormément de choses, et que je n'étais pas convaincue qu'il fallait bloquer mes émotions à coups de médicaments, que je ne voulais pas "dormir" et encore moins arrêter de travailler. Doc m'a expliqué que je n'avais pas l'air d'avoir bien conscience de ce qui m'arrivait, alors on est rentré dans le concret. On m'a expliqué que je traversais un deuil pathologique, avec troubles anxieux et important risque suicidaire, les médicaments ne sont pas en option. On m'a rassurée aussi, en me disant que c'était loin d'être perdu, qu'on allait pas me laisser tomber. Et que si jamais le cabinet n'avait plus d'option, on me remettrait entre les mains d'un hôpital spécialisé. Ah...

Alors voilà, cela faisait environ un mois que je n'avalais presque plus rien et j'ai commencé à m'affaiblir sérieusement, à faire des malaises. Je commence depuis lundi à réapprendre à manger. Mon corps a faim, mais mon esprit essaye de le tuer, sacré lutte. Comme c'est cocasse... Nous avons lutté ensemble contre la maladie, pour que la vie perdure à tout prix. Et maintenant je me retrouve en lutte contre moi-même pour ne pas aller vers la mort. Je m'en veux de ne pas être partie avec lui, puis je m'en veux de ne pas arriver à vivre pour lui, à respecter cette vie qu'il aimait tant. C'est sans fin.

En attendant le rendez-vous chez le psy, il parait qu'il faut que j'écrive mes angoisses. Alors j'écris ici, parce que cette solitude me bouffe.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 16 juillet 2017 à 18:38:48
Je ne sais pas trop quoi dire.

Tout ce que je peux me permettre d'écrire c'est de relater ce que j'ai traversé non pas par égocentrisme mais simplement pour dire qu'à un moment, les choses peuvent "s'améliorer". Le terme n'est pas très bien choisi mais je ne sais pas comment expliquer ça et je ne veux pas tomber dans des choses du genre "on reprend goût à la vie", "on admire un coucher de soleil", "on rigole à une blague", "la vie continue"... "un pas devant l'autre".

Peut-être que ce ne sont pas des inepties et que cela fonctionne pour certaines personnes, chacun est différent.

Certaines personnes peuvent déjà commencer par apprécier de petites choses de la vie.

Certains ont la chance d'avoir des enfants, des petits-enfants, une famille, des amis, un chat...etc...
Alors oui, essayer de reprendre goût à la vie en se raccrochant au reste, évidemment, ce n'est pas débile même si la souffrance est là, ça ne l'enlève pas mais il y a des raisons pour ne pas se laisser aller.

Moi, j'en avais rien à foutre des couchers de soleil et je ne voyais pas de choses assez valables pour me battre. Simplement, je ne voulais pas imposer ma mort à mes parents, sachant à quel point la mort des autres et particulièrement des plus proches est une chose abominable à vivre.
Je crois que de me laisser mourir aurait été comme de tuer directement mes parents en les faisant souffrir. Après tout, sa propre mort, ce n'est pas si terrible que ça, on meurt, tout s'arrête, c'est la mort des autres qui est dure à encaisser.

Bref, j'ai connu une espèce de vie où tout me paraissait irréel. Tout s'était écroulé. Pas envie de luter contre la mort car on pas d'intérêt pour une vie sans l'autre ou une vie de souffrance. Ou alors j'avais envie de luter parfois, et d'autres fois non, et puis de toute façon j'étais tellement faible physiquement.

C'est important qu'il y ait un suivi médical sérieux.

Je me suis penché sur des questions métaphysiques alors que je ne croyais pas à tout cela. La vie après la mort, les signes, etc... J'ai cru que le fait d'avoir vécu une telle expérience me rendait plus réceptif. Je me suis dit que ma femme n'aimerait pas que je devienne une espèce de taré alcoolique. Je me suis dit aussi que si je me laissais mourir, l'après-vie pourrait être dans la continuité : une période de souffrance.
 
On n'y croit ou on n'y croit pas, je ne vais pas développer.

Sur les choses concrètes, j'ai décidé d'agir et de construire des choses comme je pourrais. Aujourd'hui j'ai construit des choses, tant bien que mal. Au travail je suis complètement à la ramasse, en relations humaines je ne suis pas au top, mais bon, il y a des domaines où j'ai vraiment, vraiment avancé.

Ce que je peux dire aussi c'est qu'il faut attendre. J'ai attendu comme on m'a dit, et mon monde en ruine s'est un peu amélioré mais pour moi comme je n'avais pas grand chose j'ai du agir et bricoler des choses, reconstruire, dès que j'ai eu un peu de forces.










Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: qiguan le 16 juillet 2017 à 22:36:20
Tony
Un peu plus de 2 ans de deuil pour toi et tu peux écrire cela
Oui ça prend aussi du temps qu'il faut traverser ...
Affectueusement à tous
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 17 juillet 2017 à 20:41:32
Tony
Un peu plus de 2 ans de deuil pour toi et tu peux écrire cela
Oui ça prend aussi du temps qu'il faut traverser ...
Affectueusement à tous

c'est quand même très douloureux, par vague, et je me demande comment rester debout, souvent, tout en avançant
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: nounouto le 17 juillet 2017 à 21:51:01
courage Tony cela ne fait que 2 ans c'est court.

Les vagues de tristesse vont et partent. Elles nous submergent et d'un seul coup une éclaircie on en sait pourquoi.

Pour ma part cela fait 10 mois et j'ai des moments où je sombre complètement mais que je mets à une tâche que je suis dans l'action pour ne plus penser j'arrive à gérer. La solitude parfois je la souhaite et parfois je la crains.

Tu es sur le bon chemin semble-t-il accroches-toi nous sommes de tout cœur avec toi.

Chaleureusement
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 19 juillet 2017 à 15:17:08
Merci.

Ce que je voulais dire à Yevanna, c'est qu'on plonge dans quelque chose de tellement horrible que ça semble irréel.
C'est le cauchemar.
Alors, on se raccroche à ce qu'on a, ou on bricole quelque chose (et c'est très difficile car on est un zombie), mais à un moment on peut sortir de ce quelque chose cauchemardesque.

Voilà, j'ai été au fond à vouloir mourir, à me laisser dépérir, et puis j'ai quand même réussi à bricoler (plus que bricoler : construire) quelque chose de nouveau.
Dans mon cas j'ai du me battre car je n'avais pas grand chose de concret (travail : bof, père en phase terminale de cancer). 

Alors voilà, juste un témoignage pour dire que déjà, on peut avancer un peu. Je ne sais pas si ça se fait tout seul, comme je disais, se raccrocher à ce qu'on a, ou devoir se forcer à avancer, ça, c'est propre à chacun y'a pas de recette de cuisine psychologique.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 29 juillet 2017 à 22:20:44
Tu nous disais chanceux. Tu disais que ce que nous vivions, peu de gens le vivaient. Que l'amour souvent, c'était trouver un moyen de ne pas rester seul, alors que nous, nous attendions juste sagement de nous trouver. Il fallait quelque chose de terrible pour nous arracher l'un à l'autre, même ta maladie ne nous faisait pas peur. Ta mère était fière de nous tu sais, pour ta cérémonie elle a clamé devant tous ces gens : "tu étais son pilier, et elle était ta force". Mon édifice s'effondre.

La maladie ne me faisait pas peur parce que j'ai toujours cru qu'on finirait ensemble, que mon coeur s'arrêterait de battre avec le tien. Tu ne concevais pas non plus que je puisse continuer sans toi, c'est pour ça que tu te battais si fort.  Et je t'ai laissé affronter la mort seul, je t'ai abandonné. Je ne suis plus celle qui prend soin de toi, je ne suis plus rien.

Si tu savais que cet amour si beau deviendrait si destructeur. On rêvait d'une vie de douceur, teintée du rire joyeux de nos enfants. Aujourd'hui, je vois la tristesse et l'inquiétude dans les yeux de tous ceux qui croisent mon regard. Je ne rentre chez nous que pour dormir, cet endroit est devenu absurde sans toi. Il y a ces deux bureaux vides dans la pièce du haut, ce lit trop grand, les armoires sans vêtement, la vaisselle qui prend la poussière...

Si tu savais ce qu'il reste de moi depuis qu'il ne reste plus rien de toi. J'ai passé la journée sur le canapé à fixer l'escalier, celui que tu ne pouvais plus monter, celui sous lequel je me vois pendre. "C'est pas ce qu'il aurait voulu" me dit-on. Moi non plus c'est pas ce que je voulais. Mais je ne peux pas me résoudre à te laisser seul. Puisque tu n'as pas pu rester, pourquoi ne pourrais-je pas partir?

Doc m'encourage à parler de ces idées noires, pour les "désamorcer". De mieux en mieux, je suis une sorte de bombe à retardement. J'entame une hypnothérapie lundi, il pense qu'elle m'aidera à me défaire de cette obsession que tu as toujours besoin de moi, pour pouvoir entamer un vrai travail de deuil. Deux jours à tenir, on verra bien. Mais s'il te plait, ne hante pas trop mes nuits.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 30 juillet 2017 à 14:27:16
J'espère que ça t'aidera.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: qiguan le 30 juillet 2017 à 21:56:05
Yevanna
as tu écouté
https://www.youtube.com/watch?v=oBesFh2U00Y

affectueusement
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 30 juillet 2017 à 23:54:05
Crois-moi Tony, je l'espère aussi, même si ça ne transparaît pas forcément dans ce que j'écris.

Merci Qiguan. Je l'avais déjà visionnée mais je viens de le refaire.

C'est justement bien parce qu'il y a encore une étincelle en moi qui ne veut pas partir que je suis toujours là, et que je cherche de l'aide pour continuer. Je sais de manière rationnelle et intellectuelle que je peux et dois continuer à vivre, mais il y a cette partie sombre de moi que je ne connaissais pas, qui me pousse au fond continuellement. Cette lutte perpétuelle contre moi-même, je sens que je suis en train de la perdre. J'ai usé toutes les stratégies, je me suis occupée jusqu'à m'en écrouler, puis j'ai dormi jusqu'à en avoir mal ai crâne, j'ai pleuré, j'ai oublié, j'ai écrit... Et chaque fois au bout du compte, il y a ce foutu escalier. Vous allez finir par me prendre pour une dingue, mais je n'ai strictement aucune idée de ce qui ne tourne pas rond, je ne maîtrise plus rien. Bref, le week-end est enfin fini (si on m'avait dit que je dirais ça un jour...), j'espère trouver demain un début de réponse, une lueur d'espoir.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 02 août 2017 à 12:50:46
Merci Qiguan. Je l'avais déjà visionnée mais je viens de le refaire.

Vous allez finir par me prendre pour une dingue, mais je n'ai strictement aucune idée de ce qui ne tourne pas rond, je ne maîtrise plus rien.

Ce que tu as vécu est cataclysmique. Les gens qui fréquentent ce forum sont bien placés je pense pour savoir ce que ça fait ; je veux dire qu'il est compréhensible que tu sois complètement déstructurée.

Ton couple tenait une part prépondérante dans ta vie d'après ce que je comprends, c'est peut-être d'autant plus "déstructurant" je suppose. Je ne suis pas psy et je ne voudrais donc pas tenter une pseudo analyse mais je vivais aussi une relation fusionnelle et je n'avais plus pour ma part pas énormément de relations humaines vraiment importantes et fortes en dehors de celle avec ma femme, je n'avais pas d'enfants.
La chute a été d'autant plus vertigineuse car, concrètement, je me retrouvais privé de ma vie car ma femme était finalement toute ma vie (le reste c'était du détail, de l'occupation).

Encore une fois, pour ne pas jouer le mauvais psychiatre, je ne peux que te faire part de ce que j'ai vécu ces deux dernières années.
J'ai réussi un peu à avancer, il y a eu des évolutions positives. D'abord je me suis retrouvé en hôpital de repos où j'ai dormi et où j'ai changé de cadre, puis je  me suis focalisé sur une occupation (la peinture), j'ai beaucoup médité, et je me suis ouvert sur le plan spirituel. A chaque fois et toujours maintenant j'ai souffert terriblement et je trouvais que la mort aurait été une délivrance mais j'ai avancé car il ne faut pas mourir ou se laisser mourir.
Il ne faut pas mourir d'un point de vue cartésien pour les cartésiens car on a encore des choses à faire et à voir et d'un point de vue spirituel pour les spirituels car on a aussi des choses à faire et à voir mais si les mots sont les mêmes les significations sont très différentes qu'on regarde cela de façon cartésienne ou spirituelle. Je ne vais pas développer la question car ce n'est pas le sujet. Le sujet c'est cette chose sans nom que tu vis et comment au moins faire un pas pour s'en sortir un tout petit peu.

Chacun est tellement différent que les moyens ou les raisons d'avancer sont très variés. Est-ce que ça se fait tout seul suivant un processus naturel ? Oui pour certaines personnes. Ça n'a pas été mon cas car je n'avais pas trop de choses à quoi me raccrocher alors j'ai du les inventer. A 2 de tensions ça a été difficile.

Avancer, tu y arriveras toi aussi, enfin du moins à sortir de cet état complètement insoutenable et irréel, mais en effet, il faut dans un premier temps déjà survivre.
Les psychiatres, psychologues et professionnels de la santé sont là pour t'aider au mieux, te guider, t'épauler...
Ensuite, même si tu étais peut-être dans une relation très fusionnelle, il y a quand même autre chose à côté. Même si cet autre chose n'a aucune valeur à tes yeux ce peut-être déjà dans un premier simplement s'occuper l'esprit qui divague dans tous les sens : faire du dessin, du jardinage, de la couture... je trouve que quelque chose de créatif ou de manuel c'est pas mal mais c'est un un point de vue personnel.
 
Ensuite tu arriveras peut-être à inventer si tu en as besoin mais chaque chose en son temps, déjà sortir un tout petit peu de cette chose sans nom.

Voilà, je me répète mais il faut dans un premier temps déjà survivre.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 03 août 2017 à 10:35:56
Citer
Je ne suis pas psy et je ne voudrais donc pas tenter une pseudo analyse mais je vivais aussi une relation fusionnelle et je n'avais plus pour ma part pas énormément de relations humaines vraiment importantes et fortes en dehors de celle avec ma femme, je n'avais pas d'enfants.
La chute a été d'autant plus vertigineuse car, concrètement, je me retrouvais privé de ma vie car ma femme était finalement toute ma vie (le reste c'était du détail, de l'occupation).

C'est exactement cela. Nous avions une force, une volonté et des ressources infinies lorsque nous étions deux, puisque nous les puisions tour à tour l'un dans l'autre. Un univers riche, épanouissant, un brin décalé que nous avons construit et que nous chérissions plus que tout au monde. Qu'on me rende ma vie...

La spiritualité. J'envie sincèrement ceux qui y parviennent. Mais je ne ressens pas sa présence, je ne vois pas de "signes", et je n'arrive pas à me représenter un "après". L'idée qu'il puisse totalement avoir disparu de ce monde m'est intolérable, mais il n'y a aucune alternative qui parvient à naître dans mon esprit. Je n'exclue rien pour autant. Je ne sais plus qui évoquait le pari de Pascal sur le forum, mais c'est exactement ce que je ressens. Mon médecin l'a très bien formulé : je suis malade à l'idée de l'avoir laissé seul et qu'il puisse subsister une part de lui qui a besoin de moi, alors autant tenter, puisque s'il n'y a rien, j'aurai au moins mis fin à mes souffrances et le reste ne sera plus mon problème.

Seulement le reste, comme tu le dis si bien, c'est la souffrance des autres. Je lis celle de ceux ici, qui sont dans la détresse de ceux qui ont choisi de les quitter. Rien ne se perd, rien ne se crée, en trichant on ne fait que la déplacer sur les autres. Il reste suffisamment de compassion en moi pour ne pas les plonger dans cet enfer. Ma belle-mère y est déjà, y survivrait-elle une seconde fois...
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: tony36 le 03 août 2017 à 12:52:04
Citer
puisque s'il n'y a rien, j'aurai au moins mis fin à mes souffrances et le reste ne sera plus mon problème.

Mais s'il y a bien quelque chose après ?
Justement, dans la logique du pari de Pascal, moi je pense que s'il y a quelque chose et qu'on décide de partir dans la souffrance, elle perdure au-delà et que non seulement on reporte en effet le problème sur les autres mais en plus on ne le règle pas pour notre âme. C'est peut-être même pire car notre "âme" (ou l'énergie qui la compose) reste figée dans cette douleur dans laquelle nous étions juste avant la mort.

Il faut essayer de continuer après ce cataclysme et cette désolation,  je sais c'est que c'est horrible et que ça semble insurmontable, je le vis quotidiennement.


Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: nounouto le 04 août 2017 à 01:58:31
Oui yevanna je suis passée par là les cris, les larmes de désespoir de colère aussi lui demandant de revenir prête à croire n'importe quoi pour avoir un signe de lui.
Pleurer à ne plus pouvoir respirer espérer dormir et ne pas me réveiller
Et pourtant toujours à continuer ce semblant de vie.
Passage obligatoire yevanna mais on sait pas quand cela s'arrêtera.
Trier ses vêtements j'e suis incapable tout est sa place cela est très personnel et variable selon les personnes.
C'est une étape aussi difficile
Je te souhaite tout le courage possible yevanna
Douce nuit
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Yevanna le 09 août 2017 à 23:51:37
Lorsqu'on tape sur google "décès compagnon mucoviscidose", je me suis aperçue que je retombais sur
le forum, sur mon propre sujet. Ca peut paraître anodin, mais symboliquement, cela signifie que
quand je cherche une histoire qui me ressemble, je ne trouve que mes propres mots. Je me sens seule.

Je relis ce fil et je vois ma vie, mes souvenirs défiler entre les lignes.
Je me vois nue comme un ver, épancher mes sentiments les plus profonds.
Il y a un pseudonyme qui remplace mon nom, mais qu'est-ce que l'anonymat
quand on a déjà livré ce qu'on avait de plus intime, de plus précieux?
Ce n'est pas une histoire triste qu'on lit les jours de pluie pour s'émouvoir
un peu, c'est ma détresse, dans ce qu'elle a de plus réel et de plus sincère.

Ce soir je suis désappointée. J'ai la désagréable sensation de dériver seule sur un radeau,
au milieu de l'océan. Je sais qu'il y a d'autres survivants, nous étions nombreux sur le
navire de cette foutue maladie. Mais ils passent devant moi, prennent appui sur la planche
et continuent leur chemin, laissant ma main se tendre en vain.

Je sais ce qu'apporte le fait de lire les histoires des uns et des autres, puisque je
les lis. Mais si je sais qu'écrire peut être salutaire, je m'interroge encore sur la
nécessité d'être lue. Je ne cherche pas de réconfort, rien ne me l'apportera. J'ai perdu
la seule chose qui importait à mes yeux, le seul navire sur lequel je rêvais de naviguer.
Ce que je cherche, c'est un contact humain, un partage. J'apprécie les échanges que j'ai
sur ce sujet ou sur les autres avec ceux qui prennent un peu de temps pour partager. Mais
quand je vois le nombre de connectés chaque jour, et le nombre de messages postés, j'ai de
plus en plus la sensation de devenir un phénomène de foire, et cela me rend très mal à l'aise.
Ce n'est pas un jugement de valeur, nous souffrons tous, lecteurs comme rédacteurs. Mais
c'est juste un ressenti qui me pousse à m'interroger. J'ai honte de cette personne que
ceux qui lisent voient à travers les mots dictés par la douleur. Je crois qu'il vaudrait mieux
que je continue sur un journal.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: qiguan le 10 août 2017 à 23:21:34
Toi seule sait ce qui convient pour toi.
Ici tu seras toujours comprise dans le sens du processus du deuil quant à ton histoire personnelle précise nul doute que ce qu'elle représente pour toi est vraiment personnel.
Le processus du deuil, du veuvage permet de trouver des choses semblables voire identiques mais pas la partie perso.
Puisses-tu trouver une voie aidante
Affectueusement
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Ela le 11 août 2017 à 01:33:30
Chère Yevanna.... Voilà bientôt 16 mois que mon chéri est parti... et je me reconnais dans ce que tu écris... Je suis passée par ces mêmes ressentis, ces mêmes questionnements... Ces oscillations entre le besoin de partager et l'impossibilité de partager.... Parce que cette souffrance, elle est nécessairement, inévitablement... intime. Tellement intime.... Elle se vit dans la part la plus profonde de notre être. La plus inaccessible. Elle nous fait toucher du doigt un sentiment de solitude absolu... Alors parfois, quand cette solitude devient trop terrible, trop effrayante, elle nous pousse à partager... Mais ce partage demeure emprunt de frustration, parce qu'il est forcément incomplet, imparfait... Parfois même, on se relit et on se sent faux... Il y a ce décalage, ce gouffre impossible à combler entre ce que l'on vit, et les mots qu'on emploie pour le décrire.... Je n'ai pas de conseils à te donner sur l'attitude à avoir par rapport à ton besoin de partager ou non sur ce forum, ou en dehors... Je veux simplement te rappeler que si je ne peux partager ta peine, tu n'es pas seule dans ce processus... Pas seule à affronter ce sentiment extrême de solitude, à ne pas trouver les mots.... A ne pas savoir comment gérer ce besoin de tenir les autres à distance tout en ayant besoin d'un réconfort qu'ils ne peuvent te donner... Autorise toi à vivre ces oscillations... à t'éloigner du forum, pour finalement y revenir. A changer d'avis autant de fois que nécessaire, en fonction de l'évolution de tes ressentis... C'est si facile à dire, bien sur, mais je crois que s'il faut garder une chose à l'esprit, c'est de tenter de rester bienveillant vis à vis de cette inconstance qui se manifeste à tous les niveaux: l'inconstance de nos émotions, de nos opinions, de ce qu'on croit avoir accepté ou compris, de ce qu'on croit ne jamais pouvoir accepter ou comprendre.... tout bouge sans cesse... Même le lien qui nous unit à nos aimés... la façon dont on perçoit ce lien. Le lien qu'on entretient aux souvenirs... tout ça bouge sans cesse.... Et c'est tellement effrayant. Mais chacun dans notre propre solitude, nous vivons tous ce processus. Et quelle que soit les montagnes russes qu'il te faut et qu'il te faudra encore affronter, cela ne pourra, ne saura en aucun cas rompre le lien d'amour qui t'unit à ton aimé.  Ce lien: il se tend, se tord, s'emmêle..... mais il sera présent en toi à chaque instant de ta vie. Je le crois sincèrement, même si tout comme toi, spirituellement, le doute me secoue, me malmène, ne m'accorde aucun repos.... Mais ce que tu as vécu avec ton chéri, c'est là. C'est à toi, à vous, quoi qu'il arrive.
Je t'embrasse.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: Nora le 11 août 2017 à 05:38:34
La solitude fondamentale

https://www.youtube.com/watch?v=-iVurK3P9uE

Bien à vous

Nora
Titre: Re : Re : Nos espoirs
Posté par: PAVELLE le 08 octobre 2017 à 19:06:00
C'est exactement cela. Nous avions une force, une volonté et des ressources infinies lorsque nous étions deux, puisque nous les puisions tour à tour l'un dans l'autre. Un univers riche, épanouissant, un brin décalé que nous avons construit et que nous chérissions plus que tout au monde. Qu'on me rende ma vie...
Ces mots me parlent énormément Yevanna,  je me permets de dire que cela résume aussi mon couple et ma vie.

Je ne découvre toute cette conversation qu'aujourd'hui puisque je viens sur le forum irrégulièrement. En fait je viens surtout lorsque je vais très mal. Je lis les histoires des autres, qui me rappellent la mienne.  J'ai du mal à aller au bout de ma lecture car j'explose, les larmes brûlent les yeux et me font une tête de déterrée. Je me dis que cela me fait plus de mal que de bien de les lire.
Et pourtant au bout du compte, j'ai honte, car d'avoir lu que d'autres vivent le même enfer que moi me rassure et je me sens moins isolée. Je me demande si ce n'est pas un peu morbide de me complaire ainsi à lire tous ces témoignages lorsque je suis au fond du trou. Enfin non ce n'est pas ça, c'est plutôt que je suis rassurée de constater que mon ressenti et mes pensées sont sans doute "normales", puisque d'autres ressentent la même chose.
Pleurer aussi en lisant les histoires des autres fait peut être parti du processus de... réparation ?
En tout cas j'en ai parlé à ma psy, qui m'a répondu que si dans le fond venir sur le forum me soulageait un tant soit peu, et bien il fallait recevoir ce moment de soulagement.
Ma réflexion du jour sera, qu'à la lecture de témoignages comme ceux de Yevanna et Tony36 je comprends que ce n'est ni la durée de l'amour pour un l autre, ni notre âge qui conditionne nos capacités à supporter l'absence. Je me retrouve tellement dans vos témoignages. Vous lire me fait parfois très mal, et paradoxalement m'apporte aussi beaucoup.
Titre: Re : Nos espoirs
Posté par: qiguan le 08 octobre 2017 à 21:01:35
moi lire les autres a été ce qui m'a fait "survivre" à des heures indues devant l'ordi quand j'étais au plus bas à frôler la folie de la douleur ...
constater que d'autres avaient résisté m'a rassuré pour continuer.
Lire les autres ne m'a jamais détruit, sans doute à cause de ma vie de toujours, mes épreuves, celles de ceux que j'ai accompagné et de ma formation pro, j'ai eu dit que je me sens comme un "pompier" capable d'aider même si émue ...