Tout commença sur un réseau social bien connu. J'envoyai un message pour savoir qui souhaitait sortir sur la ville où j'habitais et il a juste répondu "moi".
Nous avons fait connaissance par mp. Très vite il a commencé à m'expliquer qu'il était atteint d'une maladie relativement rare dans sa forme aigüe, la neuro-sarcoïdose. Pour ceux qui ne connaissent pas, la sarcoïdose est une maladie qui provoque des cancers et qui se loge en priorité dans les poumons. La sienne avait eu la mauvaise idée en plus de se loger dans le cerveau. Il en était rescapé car après s'être battu contre 3 cancers (rate, foie et lymphome), il s'en était sorti alors que les médecins avaient demandé à la famille de venir lui faire ses adieux. "Je suis increvable" qu'il me disait tout le temps. Je lui répondais qu'il y avait des limites à tout, inquiète que j'étais. Il avait pu être sauvé de ses cancers grâce à une greffe de cellules. Enfin, quand je dis sauvé, il a pu vivre 15 ans de plus grâce à un généreux donneur.
Lorsque j'ai fait la connaissance de Christian, il avait 48 ans et j'en avais 43. Je le revois toujours tenant par la main son petit garçon de 8 ans qui était atteint de trisomie 7. C'était un grand bonhomme costaud moustachu et bourru, ce qui lui avait valu le sobriquet de "Nounours", mais pour moi il allait vite devenir mon "Doudou d'Amour"qui passait son temps à fumer et à manger des pastilles de Vichy à la menthe. Il était aussi gentil qu'il râlait. En ce qui me concernait, il n'oubliait jamais une date et m'invitait au restaurant très régulièrement. Nous aimions passer des weeks-ends rien que tous les 2 en amoureux (nous étions en train de faire tous les coins de la Bretagne lorsque la mort l'a fauché). Il m'offrait des fleurs et des bijoux. Il était aussi très paternaliste envers moi car il savait que j'avais besoin d'être protégée. D'ailleurs, aujourd'hui encore je me sens protégée par lui. Malgré sa mort il est toujours présent et me rassure encore.
La neuro-sarcoïdose le rendait vraiment vulnérable face aux maladies telles que les pneumopathies et les cancers. Il devait recevoir des anti-corps plusieurs fois par semaine sous cutanée pour booster son système immunitaire. C'était une habitude et rarement je l'ai entendu se plaindre concernant ce lourd traitement. Une seule fois il a oublié de le faire, c'est tout.
Christian était un battant, sauf sur la fin où vraiment il baissait les bras. Il me disait qu 'il fatiguait beaucoup et je me demande aujourd'hui si le cancer n'avait pas repris le dessus, bien qu'il fût totalement guéri à une époque. (Guérit-on vraiment d'un cancer ?)
Un mois avant sa mort, il s'est tenu devant moi et a commencé à chercher sa respiration en se tenant la poitrine. Je l'ai fait asseoir et lui ai demandé s'il souhaitait que je prévienne les pompiers. Ce à quoi il m'a très vite répondu que ce n'était rien. 5 minutes plus tard il reprenait ses activités habituelles. Je l'ai tout de même tanné pour qu'il prenne rendez-vous chez le médecin. Comme il avait rendez-vous rapidement chez son professeur pour sa neuro-sarcoïdose il en a donc parlé à ce moment là. Le professeur lui a dit qu'il l'hospitaliserai dans quelques jours pour des examens complémentaires. Cela m'avait paru un peu léger mais bon, il était médecin et savait de quoi il parlait non ? Les jours sont passés et l'hospitalisation s'est faite attendre. Christian utilisait sa Ventoline pour mieux respirer mais je sentais bien que le problème était autre. Je l'ai donc envoyé chez son généraliste qui n'a rien vu à l'auscultation.
Puis vint le jour où Christian alla avec mon fils chez une amie pour chercher un matelas. Je ne saurais dire pourquoi mais j'avais senti qu'il ne fallait pas que Christian parte ce jour-là. Au moment de nous dire au revoir, je lui avais fait un énorme bisou. Quand le téléphone a sonné et que mon fils m'a annoncé que Christian n'était pas bien j'ai senti sa mort venir. Nous avons appelé les pompiers ensemble et ils sont arrivés assez rapidement. J'ai rappelé mon fils qui m'a dit que Christian bavait. Je l'entendais derrière mon fils en train d'essayer de parler. Comme je l'ai déjà lu quelque part d'ailleurs, Christian n'arrivait à prononcer que les voyelles. Qu'est-ce que j'ai regretté d'être loin à ce moment-là... Mon fils et des gens qui étaient autour ont sorti Christian de la voiture car il était en train de s'évanouir. Ils ont commencé un massage cardiaque sur la demande des pompiers en attendant leur arrivée ainsi que celle du samu. Une fois sur place, les pompiers ont repris le relais et ont insisté le plus longtemps possible sur le massage cardiaque. Il n'avait que 55 ans et il fallait que le cœur redémarre. Jusqu'au moment où le médecin réanimateur a demandé à me parler. JE SAVAIS. Il m'a demandé de m'asseoir et je lui ai dit « il est mort n'est-ce pas ? » il m'a simplement répondu que oui. A ce moment là j'ai hurlé. J'ai demandé pourquoi certaines personnes font plusieurs infarctus, ont des steins et vivent avec alors que lui n'a même pas eu le droit à une seule chance ? En fait, son cœur avait fait plusieurs « minis » infarctus (si toutefois on peut dire cela comme ça) ce qui l'avait vraiment trop abîmé pour redémarrer ce jour. En gros, son cœur s'est littéralement déchiré dans sa poitrine. Vous imaginez la souffrance ? Mon Doudou d'Amour était parti.
Quelques jours plus tard, la secrétaire du professeur de mon mari appelle pour donner les dates d'hospitalisation de Christian. « C'est trop tard. Il est mort » lui ai-je simplement répondu. Que pouvais-je ajouter d'autre ? Christian attendait son hospitalisation et ils appellent après sa mort.