Je ne crois pas qu'il y ait une recette et une seule pour vivre son deuil.
Il y a autant de mode que de personnes et aussi que d'histoires de deuil même si la douleur est la même, le vécu lui est différent.
Moi, j'ai eu besoin de recueillement, de solitude, de silence, de tout arrêter et je me retrouvais tous les jours immanquablement avec ma page blanche à accoucher de mon état. Impossible pour moi de m'occuper d'autre chose que de cette urgence-là, le seul dérivatif était ma fille, pour elle, je me levais, je faisais les courses, lui préparais à manger. Je me devais de le faire c'était une manière de rassurer Pierre... de lui dire que je prenais le relai, que j'assurais l'éducation de notre fille, que je ne démissionnais pas de mon rôle de mère même si je démissionnais de mon rôle de vivant.
Le monde m'était devenu inhabitable. Les seuls que je tolérais étaient nos intimes, indéfectibles amis pendant la tempête et pendant la mort mais même eux c'était à dose homéopathique, très vite je désirais ce silence qui me rapprochait de Pierre.
A un peu plus de 1 an de sa mort, je ne regrette pas d'avoir saisi cette douleur à bras le corps, de ne pas l'avoir fuie, de l'avoir accueillie, tenter de l'user sans jamais l'apprivoiser. Elle est rebelle et sans crier gare au détour d'un éclat de rire elle me surprend encore parfois!
Mais je dois dire que le monde m'est redevenu habitable et que mon cercle s'ouvre, je suis apte maintenant à accepter tout type d'invitation et si les pleurs viennent et bien qu'ils viennent, je les accueille, je ne les réprime pas. Les autres comprendront et s'ils ne comprennent pas ce n'est pas de mon ressort.
J'ai repris mon travail en avril après, près de 7 mois d'arrêt et je suis heureuse d'avoir tenu tête à mon médecin qui voulait me faire reprendre en novembre. Quand j'ai repris, j'étais suffisamment solide sur mes pattes pour avoir du plaisir à retrouver mes collègues et ce métier que j'aime.
Ma plus grande joie cette année a été la réussite scolaire de ma fille. Elle passe tout juste mais elle passe! Je sais que son échec aurait été le mien, je me sentais responsable vis à vis d'elle d'avoir été si anéantie les premiers mois. Certes, je m'occupais de l'intendance mais c'était du mode pilote automatique.
Si recette il y a c'est celle de s'écouter, écouter ses besoins et ne pas se laisser prendre par l'impatience du monde qui a hâte de nous voir sécher nos larmes! L'urgence c'est celle de se répare,r pas de faire bonne figure, d'ailleurs ce n'est pas possible de faire semblant ou alors je pense que ça coûte trop cher, on se plombe le plexus avec du béton armé si on essaie de taire cette douleur-là car elle est féroce et tenace et je crois que c'est normal! On a perdu un être essentiel à notre être au monde, comment voulez-vous ne pas être anéantie, bouleversée et prête parfois à sombrer dans le gouffre qui nous tend si dangereusement les bras?
Surtout, patience, indulgence, douceur tendresse avec vous-même, voilà mon conseil.
Tendrement.