Personnelement je n'ai pas eu envie de vomir lorsque je mangeais au début de mon deuil; cela dit il m'a fallu quelques mois pour avoir le courage de cuisiner à nouveau, d'essayer de retrouver un èquilibre alimentaire-enfin, à peu près-pour manger pour d'autres raisons que biologiques. Les premières semaines je mangeais n'importe quoi, genre une part de pizza froide devant mon frigo...je sais qu'il n'aurait pas voulu que je me laisse aller.
Pendant environ 5 mois, ce sourire que j'ai pus garder sur mes lèvres depuis le début-pour me protèger, un genre de réflexe de survie, et aussi pour lui rendre hommage. Sourire, même tristement, même entre deux sanglots s'il le fallait...j'ai pus, peu à peu, réapprendre à sourire naturellement, par intermittence, puis plus fréquemment. Mais je sais qu'il y a toujours une part de tristesse dans mon sourire, ainsi que dans mon regard, même s'il aut être subtil pour s'en rendre compte.
Les tous premiers temps, il m'est arrivé de culpabiliser lorsque j'avais un élan de joie naturel, même un rire à travers mes larmes. Puis j'ai compris que c'est ce que Pierre aurait voulu, et qu'accepter un mieux-être, même très éphèmère les premiers mois, puis plus rapprochés était également l'un des meilleurs moyens d'honorer sa mémoire adorée, qu'il pourrait être fier de moi de là où il est.
Pour ce qui est des sorties, moi c'est le contraire: les 5 premiers mois, je sortais tout le temps, je marchais des heures, je passais du temps dans tous les bars, brasseries...endroits où nous avions passé de bons moments ensemble, parce-que ces lieux étaient comme impregnés de sa présence, et surtout parce-que j'avais besoin de parler de lui, particulièrement à des personnes qui l'ont connu. J'avais besoin de me sentir entourée de vie-même si je m'y sentais exterieure-de ce que je prenais pour de la chaleur humaine, que les bruits, musiques, voix...me rassuraient, me berçaient..jusqu'à ce que je comprenne que de nombreuses personnes étaient malintentionnées, et que ce n'est pas parce-qu'on me parlait, me souriait qu'on m'appréciait. J'ai recu le soutien précieux de véritables amis et autres personnes dotées d'empathie, auquelles je serai toujours reconnaissante, et rien que pour ça cela valait la peine, mais d'autres ont été tellement cruelles que j'ai pris mes distances.
A présent je n'èprouve plus le besoin de sortir, je suis en paix dans mon repaire comme je dis^^je continue de passer d'agréables moments avec les bonnes personnes, mais je les espace et évite certains endroits. Sans Pierre physiquement là pour me protèger de son amour, je suis trop vulnèrable. C'est ce qui me convient.
J'ai eu 10 secondes de déni quand on m'a annoncé le dèçès de mon ami, puis j'ai compris. J'ai été quelques semaines dans un état d'hébétude, où je errais, en mettant mécaniquement un pied devant l'autre, où j'exécutais comme un automate le moindre geste du quotidien. Je savais, je m'efforçais d'"accepter"-je savais combien il aurait été dangereux d'être dans le déni-mais une partie de moi restait sous le choc, comme incrédule, souvent je me disais (tout en sachant qu'il était bien mort, parti): "Pierre, mourir? C'est ridicule! C'est impossible!" Comme un enfant dirait: "C'est pas possible, papa ou maman ne meurent pas!" Je le pensais en ces termes aussi: "Pierre ne meurt pas".
je rêvais parfois éveillée que tout ça n'était qu'un cauchemar, un cauchemar èpouvantable, inconcevable, qu'il m'attendait chez lui, ou que j'allais le croiser...mais jamais ces impressions n'ont pris le pas sur la réalité, je savais que j'ètais en train de "rêver".
Le lendemain matin de sa mort, je me suis forcée à me regarder dans le miroir de ma salle de bain, droit dans les yeux, en me disant à moi-même à voix haute: "Pierre est mort." C'était nécessaire, même si je savais que ce serait très dur-et ça l'a été.
C'est entre un et deux mois que 'ai pleinement réalisé ce que serait le reste de ma vie sans lui, parce-que je commençais à en faire l'expèrience, que ce serait ainsi jusqu'à la fin de ma vie et que la vie c'est long. Que je ne le reverrais jamais dans cette vie-ci. Ca a été ma dernière prise de conscience.
Je ne possède qu'une toute petite photo de lui, mais 'ai plusieurs souvenirs, et les contempler, les toucher, me gonflent maintenant le cœur de joie et d'une très douce nostalgie. Même au début j'en ètais comme avide, en dépit de la douleur ils me mettaient du baume au cœur. Ce qui m'a déchiré le cœur est de ne pas avoir pus en garder davantage.