Auteur Sujet: Mon amour est parti au mois d'avril  (Lu 111221 fois)

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Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #225 le: 26 septembre 2017 à 23:37:31 »
Fédérico, Martine, Mononoké, Qiguan... Merci du fond du cœur... Comment vous témoigner un peu de cette chaleur qu'a fait naitre en moi la lecture de vos commentaires... Je sais que vous savez. Que vous vivez, chacun à votre manière, le poids de ces mots.

En ce moment, je lis "La pesanteur et la grâce" de Simone Weil (pas la ministre, la philosophe). Et ce titre m'évoque beaucoup de choses... Faire vraiment l'expérience, du poids. Du poids immense de vivre parfois... et savoir encore accueillir les instants de grâce...

Je vous souhaite, profondément, de pouvoir encore de temps à autre faire l'expérience de cette grâce, qui certains matins, discrètement, sait encore nous trouver au milieu des décombres.

Je vous embrasse et vous envoie toute mon amitié.

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #226 le: 28 septembre 2017 à 21:22:41 »
Je ressens l'envie ou plutôt le besoin de vous partager quelque chose...
Je me sens impuissante face à la souffrance de ma belle-fille, M. Cette petite puce, plus si petite que ça, qui vient juste d'avoir 13 ans cet été... Avant le décès de mon chéri, elle venait tous les weekends à la maison, alors petit à petit, nous avons appris à nous connaitre, nous apprivoiser, nous aimer. Comment pouvait il en être autrement? C'est un petit ange.
Mais voilà... la vie m'a repris mon chéri, j'ai quitté notre appartement, la ville, la région où nous nous étions établis ensemble... Je me trouve maintenant à mille kilomètre de cette vie, de notre vie. Et de M.
Peu après le décès de mon chéri, les médecins ont détecté que l'anomalie cardiaque dont il était décédé est héréditaire.... Sa fille souffre donc de la même malformation. Et alors que nous étions déjà tous dévastés par son départ, il a fallu faire face à cette nouvelle et  à la perspective de l'opération à cœur ouvert de M. La pose d'un défibrillateur en vue d'entériner les risques de mort subite.  Ma souffrance et mes états d'âme dans cette histoire importent peu, en comparaison de ce que cette nouvelle a du générer comme inquiétude et bouleversement pour elle...
L'opération en décembre s'est bien passée. Mais ensuite, en plus de toute la fatigue accumulée, elle a du faire face à l'infection d'une de ses cicatrices et à une attitude très peu compréhensive de la part de l'école.
Ajoutons à cela un contexte de tentions familiales réveillées par la mort de mon chéri...
Ensuite, au courant du mois de janvier, février, elle a du marcher un temps avec des béquilles à cause d'une cheville foulée, puis plus tard, en juillet, se faire opérer du pied pour se faire enlever un ongle incarné. Là encore, des béquilles pendant au moins deux semaines, et une dose d'antibiotiques conséquente....
M. veut toujours se montrer tellement forte, et gérer les situations "comme une adulte". En même temps, comment la blâmer pour ça, vu le nombres de situations auxquelles elle a du faire face du haut de son jeune âge? Je parle du décès de mon conjoint, mais également de crises familiales et situations complexes bien antérieures à cet événement...
Pendant un temps, elle répétait ce fameux et terrible "tout va bien" comme une litanie... Heureusement, petit à petit, au fil des mois, elle a lâché du lest et s'autorise davantage a parler de ses ressentis, émotions, craintes... Il y a des jours où ça va mieux, grâce à ses amis, son frère, sa sœur... à l'école qui, même si elle constitue un poids supplémentaire par moment lui assure une sorte de cadre rassurant... et puis il y a des jours où ça ne va pas, et le fait qu'elle s'autorise à vivre ces hauts et ces bas me rassure un peu.
Nous continuons à nous appeler très souvent (un peu moins ces derniers temps) et à nous voir régulièrement. Je descends dans le sud pour la voir, tous les  1mois 1/2 - 2 mois environ, et ces derniers 15 mois, elle est déjà venu me rendre visite 3 fois en Alsace. Ces moments sont toujours pleins d'échanges très riches, de  convivialité, de joie aussi. Nous parlons beaucoup de son papa, et toujours, après quelques jours passés ensemble, elle s'autorise à nouveau à me confier un peu plus en détails ce qui lui pèse...
Plusieurs mois en arrière, j'étais très inquiète de son état d'esprit et de son impossibilité à déposer son fardeau quelque part. Je n'ai pas de jugement à porter sur sa maman et la façon dont elle gère tout ça, mais je sais que parfois, M. et elle sont dans une relation trop "égalitaire"... Pour le dire autrement, sa maman, parfois, est encore un peu une mère-enfant. Et M. cherche à la préserver, à ne pas l'inquiéter. Elle s'occupe de beaucoup de choses à la maison du haut de son jeune âge. Se réveille seule pour aller à l'école, prend soin de son petit frère et de sa petite sœur...
Comme je suis relativement en bon terme avec sa maman, qu'elle me fait confiance, je lui ai suggéré d'emmener M. voir une psychologue. Histoire qu'elle puisse décharger certaines choses quelque part en étant sure qu'il n'y aura pas de retombées. Que ce qu'elle dira ne viendra pas non plus envenimer les relations des personnes autour d'elle (tentions entre la maman et mes beaux parents notamment). J'ai pas mal insisté car j'étais vraiment inquiète, et de là où je suis je ne voyais pas vraiment quoi faire d'autre. M. a accepté d'aller à ces rdv, et cela semblait lui faire du bien. C'est d'ailleurs un peu après les premiers rdv avec sa psy qu'elle a commencé à lâcher ce discours systématique du "tout va bien". Seulement voila. Comme la maman de M. était en galère financière, je m'étais proposée de payer les frais de la psy. Autant de fois que nécessaire, ce que j'ai fait. Jusqu'à ce que j'apprenne un jour de la bouche de M. qu'elle avait cessé de consulter et que maman avait eu besoin d'utiliser l'argent pour autre chose.
Je vous avoue que j'ai moyennement apprécié... Mais j'ai fini par considérer que de rajouter une couche de tension supplémentaire et de laisser ma colère se cristalliser n'arrangerait certainement pas les choses pour M.
Alors j'ai laissé un peu filer cette histoire, j'ai attendu de voir. D'autant plus que M. semblait aller un peu mieux (je veux dire par là qu'elle n'était plus dans le refoulement systématique de sa souffrance), et qu'elle était capable de m'expliquer sincèrement, je pense, que ces rdv avec la psy lui avait fait du bien mais que là, elle pensait pouvoir s'en passer (j'avais quand même toujours en tête un doute... qu'elle se sente obligée de dire ça pour ne pas embêter sa maman avec des dépenses "inutiles").
Ces derniers temps, depuis sa rentrée en 4ème, je trouvais qu'elle avait une" bonne "voix au téléphone. Un ton sincère. Pas un ton qui tente de masquer le malheur derrière un grand sourire quoi... Elle me disait qu'il lui arrivait certains jours de rester dans sa chambre pour pleurer, qu'elle était très stressée par moment mais qu'elle prenait un traitement naturel à base de plantes qui lui faisait du bien... mais à côté de ça: elle était heureuse de retrouver ses amis à l'école, elle avait des projets plein la tête... J'étais donc assez confiante.
Et puis ce soir, je l'appelle, et elle m'apprends qu'elle a fait une chute dans les escaliers du collège et qu'elle s'est cassée la cheville.... A nouveau, jambe dans le plâtre pendant 1 mois.... Bien sur, je suis inquiète et consternée de ce sort qui semble s'acharner sur cette petit puce... mais dans un premier temps de la conversation, sa voix semble relativement confiante, et empreinte d'une sage acceptation tellement impressionnante chez une enfant de son âge... Ça me rassure un peu... Elle fait même de son mieux pour plaisanter de la situation. Alors, je rigole avec elle au téléphone pour tenter de ne pas plomber l'atmosphère.... J'avoue me sentir désemparée. Et avec mon optimisme un peu forcé, je m'entends sonner tellement faux... C'est terrible... Mais j'essaye de faire de mon mieux... Je tente de réorienter la conversation vers quelque chose de plus posé, de plus sérieux... De faire ce que je peux pour créer un petit quelque chose qui pourrait l'aider à se confier...
Je lui dis que je sais bien que derrière cet humour dont on s'arme pour tenir bon, c'est tout sauf facile. Ça ne l'est pas pour moi non plus et qu'il est important pour moi qu'elle sache qu'elle n'a pas besoin de se montrer forte. Que j'aimerais savoir comment elle se sent ces derniers jours... Est ce qu'elle dort la nuit? "non" elle ne dort pas.... Et là elle me dit que de sa propre initiative elle est allée voir la psy scolaire, parc'qu'elle n'allait vraiment pas bien. Qu'apparemment, la psy l'aurait exhortée à recommencer un suivi auprès de ce qu'elle m'a décrit comme étant un CMP ou quelque chose dans le genre. "Elle l'a dit à maman?" "oui. oui." "Donc  maman va te prendre un rdv?" "je suppose..." Et puis je continue à lui poser des questions, et elle me dit qu'elle a vraiment des idées noires à certains moments ces derniers temps... "Tu veux me parler de ces idées?" "Non. Pas vraiment. Pas maintenant." "Tu dis tout à maman?" "Beaucoup de choses, mais pas tout." "Pourquoi pas tout? Tu n'as pas à avoir honte de tes idées noires tu sais (et j'en sais quelque chose). "Je ne veux pas l'inquiéter. Qu'elle s'inquiète pour rien..." "Elle s'inquiète pour toi parce qu'elle t'aime. C'est normal. Mais je suis sure qu'elle préfèrerait savoir quelles sont ces idées noires qui te font souffrir, et que tu te sentirais mieux si tu pouvais les confier à quelqu'un." "Ben je les confierai à la psy..."
Bon sang... Je me sens impuissante!!! Je ne sais pas si sa mère va faire le nécessaire pour s'assurer que M. ait un endroit où déposer tout ça. Et non seulement, légalement je n'ai aucun droit d'exiger qu'elle me rende des comptes sur ses agissements, mais plus le temps passe, plus ma légitimité à donner mon avis s'émousse... Au début, la maman de M. m'écoutait un peu, me concertait même parfois.... mais petit à petit, je me retrouve, de fait, à distance. Je ne suis que la belle maman. Et je ne sais pas ce que je peux faire...
Je voudrais seulement être sure que M. ne vivra pas cette terrible souffrance de ne pas réussir à confier ce qui lui pèse. De ne pas s'y autoriser, de ne pas avoir de lieu pour le déposer en toute sécurité. Je lui répète sans cesse que si elle en a besoin, je peux tout entendre. Vraiment tout. Je lui parle de ma propre souffrance en tant qu'adolescente pour lui faire comprendre que lorsque je dis "tout entendre", ce ne sont pas des paroles en l'air... Mais que faire de plus? Le téléphone, la distance sont forcément des obstacles à la confidence. Que je le veuille ou non... Et même si je tiens à descendre la voir aussi régulièrement que possible, je n'ai pas non plus la force de vivre sans arrêt écartelée entre deux lieux géographiques qui se trouvent à 1000 kms de distance! Ce n'est pas comme si, pressentant qu'elle ne va pas bien, je pouvais systématiquement sauter dans un train pour, le lendemain, l'emmener faire une balade, manger quelque part... Je le faisais un peu au début.... Mais je n'ai plus de pied à terre là bas. Et bientôt, quand ma carte-jeune sera HS, je n'aurai même plus le budget pour me payer ces allers-retours en train....
Je veux continuer à faire de mon mieux pour faire confiance à sa maman, l'ex compagne de mon chéri... La soutenir plutôt que la blâmer. Mais parfois c'est difficile... Car je ne sais rien. Toutes les infos que je reçois, c'est M. qui me les donne, ou mon beau papa quand il parvient à connaitre le fin mot de l'histoire... Mais autrement: impossible de savoir comment M. gère sa peine, ses angoisses.... Si sa mère prend cette histoire de psy au sérieux ou non, etc.
Si vous avez un nouvel éclairage à poser sur tout ça, je serai heureuse de vous lire. Même si ce n'est pas le cas, je crois que ça m'a fait du bien de poser tout ça par écrit et de le partager avec vous...
Voila... Je vous embrasse.

Hors ligne Mononoké

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #227 le: 28 septembre 2017 à 23:09:58 »
Oh Ela, ce que tu nous partages est si bouleversant, je ne sais que te dire, toi qui trouve des mots si chaleureux, si bienveillants. Moi je trouve que ce que tu fais pour ta belle-fille est magnifique. Elle a de la chance de te connaître, et je suis sûre qu'elle sait que tu es là pour elle.
Je ne sais pas si tu le sais mais les enfants ont accès au CMP gratuitement,( ça ne sera pas un frein pour la maman). c'est un service proposé par l'état aux enfants, ça passe par l'école et la démarche des parents.
Il existe aussi des maisons des adolescents (11-21 ans), de l'adolescence dans beaucoup de grandes villes, ils peuvent y aller sans l'autorisation des parents, accueil libre, confidentiel et anonyme, avec ou sans rendez-vous,
ici il y a toute une liste de ce type d'accueil :
http://www.anmda.fr/nc/les-mda/la-carte-de-france/

tendrement

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Hors ligne qiguan

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #228 le: 28 septembre 2017 à 23:18:01 »
Ela tu prends si bien soin de ta belle fille ... Ton aimé, son papa ne peut qu'être fier.
Tu vas apprendre à aider tout en restant à distance, laissé toi guider, ne craint pas la nouveauté de cette situation.
Sois confiante que le meilleur pour elle trouvera un chemin, laissé son libre arbitre naître et grandir.

Regardes
http://lumiere-du-coeur.e-monsite.com/pages/les-membres-inferieurs-maux-causes.html

Cela donne un point de vue parmi d'autres ...
Bien affectueusement
"il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé" A. Einstein
"Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque" René Char

Hors ligne Alexandra

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #229 le: 29 septembre 2017 à 11:56:00 »
Bonjour Ela,
l'autre solution serait que tu prennes en charge le/la psy sans en passer par la maman de M. J'imagine bien que ça doit être difficile, parce que normalement tu n'as pas à t'interposer... Mais quand j'avais 15 ans j'ai eu besoin d'aide et ma grand-mère payait directement la psy sans que mes parents soient au courant. J'ai bien conscience que c'est une situation différente pour M. et qui l'obligerait à avoir un "secret" avec toi mais si elle n'a pas accès à un CMP, c'est une solution possible.

Je t'embrasse,
Alex

Hors ligne souci

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #230 le: 29 septembre 2017 à 19:54:01 »

    Pensée pour la petite M.
    Pour le bien que tu essaies de faire, malgré la distance, l'inconséquence de sa maman ...
    Décidément que le sort peut être mauvais.

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #231 le: 04 octobre 2017 à 18:13:47 »
Merci à vous chères amies de ce forum :)
Ça me fait du bien d'avoir partagé ce pan de mon histoire avec vous. Je vais continuer comme je l'ai fait, à lutter contre mes propres démons pour rester disponible, du mieux que je peux, pour M., pour ceux qui comptent pour moi, et pour moi-même aussi.  Je vais tacher de ne pas céder à la panique et rester à l'écoute... Tacher de ne pas lâcher cette histoire d'"idées noires" et de psy... Je verrai peut être la puce pendant les vacances de la Toussaint, rien n'est encore arrêté, mais nous verrons...
Je vous embrasse. Prenez toutes et tous soin de vous.

Hors ligne Mononoké

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #232 le: 04 octobre 2017 à 18:58:07 »
oui, Ela, merci
et toi,  prends bien soin de toi
tendrement
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Hors ligne Stana

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #233 le: 12 octobre 2017 à 16:37:24 »
  Ton récit m'a profondément émue Ela. M. a, de toute èvidence, beaucoup de courage et de maturité dans ses injustes èpreuves, et, de ton côté, tu fais de ton mieux pour l'aider, ça doit lui faire du bien, en dépit de tout, de se sentir soutenue. J'espère de tout mon coeur que ça vas aller mieux pour elle, qu'elle pourra trouver toute l'ècoute dont elle peut avoir besoin.
  Douces pensées pour toi aussi  :-*
*Où que tu sois, ne m'oublie pas. Ici, ta voix résonnera encore et toujours. C'est un nouveau monde qui s'ouvre à toi; mais c'est un monde où je ne suis pas...* (Dark Sanctuary)

Hors ligne élia

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #234 le: 16 octobre 2017 à 20:02:36 »
merci Ela
tu mets des mots sur ce qui tourbillonne en moi...je ne prends plus le temps d'écrire, de lui écrire... j'aime un homme qui n'est plus de ce monde....je ne fais que pale figure chaque jour au milieu d'un espace et un temps que je ne reconnais ...je me déteste, agis comme une poltronne...je ne comprends même plus ce que je ressens...sauf quand tout me rattrape et que je fonds en larmes pendant des jours...je sais qu'il n'est plus là car les couleurs du monde qu'il m'avait fait découvrir près de lui n'existent plus...
merci du fond du coeur

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #235 le: 18 octobre 2017 à 19:15:04 »
Merci à toutes, du fond du cœur.
Mononoké, Qiguan, Alexandra, Souci, et Stana et Elia (je suis heureuse de vous lire et d'avoir de vos nouvelles).
J'ai parlé à ma belle fille avant hier. Elle ne va pas bien en ce moment, non. Mais elle arrive à mettre des mots dessus et ça me rassure. Et bien qu'elle soit en souffrance, elle n'est pas désespérée. Elle continue à faire des projets, à apprécier les petits bonheur de l'existence. Je pense donc qu'elle traverse, à sa façon et à son rythme, les émotions du deuil, mêlées aux difficultés liées à son état de santé et à cette période spécifique de l'adolescence. Ce n'est pas simple, mais je veux croire (et j'espère vraiment ne pas me voiler la face) qu'il s'agit là d'un processus naturel, "normal", dans lequel nous ne pouvons que l'épauler, la soutenir, l'entourer. Je suis rassurée, car sa maman a pris les choses en main. Elle consulte désormais la psychologue du CMP, avec qui le courant passe plutôt bien. De plus, la psychologue du collège semble garder un œil sur elle, ce qui est une bonne chose car tout ne dépendra pas de la relation qu'elle parviendra à établir avec celle du CMP. Elle m'a raconté tout ça au téléphone, et je n'ai pas senti de malaise... de tentative de me dissimuler quelque chose sur ce qu'elle vit. Mais je reste vigilante car je sais à quel point elle peut afficher une façade, se montrer plus forte qu'elle ne l'est par moment...
Pour ma part, j'essaye depuis peu d'assumer, à travers des actes, des petites prises de décision... d'être encore en vie... Mais ce n'est pas simple, non. Et la machine à "pensouiller" est toujours prête à s'emballer... J'essaye petit à petit de "faire". De sortir de ma passivité. En envisageant à nouveau l'idée de chercher du travail (pas pour alimenter la roue capitaliste non... mais dans l'espoir de me sentir à nouveau un peu plus dans le monde des vivants), de m'investir dans des projets qui me tiennent à cœur...  L'un de ces projets concerne mes TOC. En refusant d'être identifiée à travers eux, j'ai trop longtemps nié la place qu'ils ont pris dans ma vie, et j'aimerais aujourd'hui m'engager plus ouvertement. Car tout comme on se sent seul face à la perte d'un proche, la maladie mentale isole tellement... Et il me faut accepter que sur mon chemin de vie, la perte incommensurable liée au décès de mon amour se mêle à cette problématique. Il y a cette part de moi qui après s'être nourrie de mes plus grandes peurs, de mes pires cauchemars et de mes faiblesses... menace toujours de m'engloutir. A force de me faire douter de moi, de ma valeur, de mon droit d'exister.... Elle se sert de chaque petit questionnement, de chaque peur, de chaque souffrance liée au départ de mon amour et agit sur eux comme une loupe. Tentant de me faire croire que mon chéri ne m'aime plus. Que je nuis pas digne de l'avoir connu, d'avoir été aimée de lui. Que je suis un monstre. Que je suis insensible. Que je suis malsaine et que je devrais m'éloigner de sa fille. Qu'il aurait mieux valu que je meure et qu'il soit toujours là... Cette voix, je ne peux pas toujours la faire taire du fait de la maladie, mais j'apprends chaque jour à ne plus la laisser diriger ma vie. A ne plus faire mes choix en fonction d'elle....
Mais je suis triste.... car mon amour.... je le sens souvent plus lointain. Sa présence est de moins en moins palpable pour moi. Dans ma pensée, trop de choses se mélangent pour me permettre de me replonger dans nos souvenirs sereinement.... Je continue de ressentir, tout au fond de moi, que nous sommes liés.... d'un lien puissant. Mais il me faut trouver d'autres moyens d'avancer avec lui que cette volonté de le maintenir sans cesse vivant dans ma pensée, car le mental chez moi est le siège de trop de souffrances....
La semaine prochaine, je partirai trois jours dans un monastère bouddhiste... J'espère retrouver dans la pratique de la méditation, l'intuition de ce lien si fort qui nous unit, au delà des apparences... Il me manque tellement, car en plus d'être l'homme que j'aime, avec qui j'ai eu la chance de partager toutes les petites et les grandes joies de l'existence, celui qui m'apportait de la tendresse, qui me connaissait mieux que moi-même... il était aussi ma moitié, mon "tout-autre"... celui qui me complétait. En étant à la fois... tellement moi, et tellement différent. Il m'exhortait à sortir de moi, me montrait des chemins que je ne pouvais apercevoir toute seule.... et ça, c'est un trésor inestimable qu'il me faut désormais apprendre à honorer sans lui...
Je vous embrasse.

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #236 le: 18 octobre 2017 à 21:08:40 »
Je continue sur ma lancée car je ressens ce soir le besoin d'écrire... Ce deuil (j'emploie le mot, même si il n'a jamais signifié et ne signifiera jamais pour moi qu'il est possible (ni même souhaitable) un jour de "tourner la page"... je tente de continuer, avec lui).... ce deuil, donc, ne ressemble en rien à ce que j'aurais pu imaginer, à ce que j'espérais... Il échappe totalement au contrôle, au vouloir... J'espérais tellement, qu'au fil du temps, je le sentirai à nouveau présent à mes côtés. De manière plus forte, plus palpable... Pour le moment, il n'en est rien. Mes souvenirs s'estompent, mes repères se brouillent, chaque jour un peu plus...
Et je découvre que malgré tout, il est possible de continuer à vivre. Je découvre que même si tout ce qui était palpable, physique, humain... dans notre amour s'efface, il y aura bien quelque chose... la force du lien, de l'amour... qui demeurera. Qui ne me quittera plus... J'essaye d'apprendre, chaque jour, à accepter cette réalité sans amertume. A l'accueillir avec reconnaissance et non avec frustration... C'est dur. Tellement dur encore. Peut être parce qu'au delà de tout ce que nous partagions tous les deux, en terme de philosophie, de valeurs... Au delà même de cette énergie, de ce magnétisme, de cette magie entre nous, invisible à nos yeux mais bien palpable... il y avait aussi ce lien charnel, physique.  Je ne parle pas uniquement de sexualité, je parle avant tout de cette tendresse. De toute cette communication non-verbale. De cette présence. De cette chaleur. De ces regards... Tandis que toute ma vie, mon cerveau? ma personnalité? mon caractère? m'ont poussé vers l'intellectualisation à outrance, l'analyse, l'abstraction... dans notre amour j'ai renoué avec cette part de moi méconnue ou oubliée.  Cette capacité à aimer avec simplicité... Cette sensibilité à fleur de peau. Cet élan instinctif de donner de l'amour, à travers les gestes, les attentions... J'ai eu l'impression de renouer avec ma vraie nature. Celle qui se passe de mots... mon chéri me disait toujours à quel point il était touché, au plus profond de son être, par ma communication non-verbale. Et je sentais moi-même, que grâce à lui, quelque chose d'autre prenait parfois les commandes en moi... une spontanéité échappant au contrôle de mon mental.
Alors ce qui me manque aujourd'hui, c'est lui, bien sûr... tellement... et c'est aussi de ne plus pouvoir aimer ainsi. Ne plus pouvoir aimer comme je l'ai aimé. Ne plus pouvoir lui démontrer à lui, mon amour, de cette manière...
Je me retrouve rejetée dans ce registre de la pensée, de l'abstraction, de la recherche d'un sens... toutes ces questions qui stimulent ma capacité d'analyse, ma réflexion... Toute cette dimension cérébrale prédominante. Je ressens cette impossibilité de lui témoigner mon amour dans les gestes comme une amputation. Je suis un peintre sans pinceau, un pianiste sans instrument... J'ai du vocabulaire et je peux user des mots à outrance, mais ce que j'aimerais continuer à lui témoigner, où qu'il soit à présent, se passe de mots. Se trouve au delà des mots... et si je commençais tout juste à comprendre à ses côtés la possibilité d'exprimer certaines choses dans les gestes, il me faut aujourd'hui à nouveau redécouvrir une autre façon de lui exprimer mon amour...
J'ai ressenti parfois, depuis son décès, en de rares et si précieux instants de grâce, cet amour circuler en moi, entre lui et moi... partout... Ça m'est arrivé fréquemment, au cours de la première année, lorsqu'à une vague de souffrance extrême succédait... une sorte d'espace de vacuité... un instant suspendu... empli de sérénité, de douceur..... d'une chaleur presque palpable. Dans ces moments là, l'amour que je ressentais, de lui à moi et de moi à lui était presque... physique, charnel. Cela n'avait rien d'une projection mentale, d'une idée... C'est difficile à expliquer... Pour moi, ces instants sont révélateurs de la possibilité pour la conscience d'emprunter une voie se situant au delà du mental.... J'imagine que c'est ce genre de vécu que certains expérimentent dans la prière, la méditation... Enfin... je ne l'imagine pas. C'est ce que j'ai moi-même vécu, et je m'accroche à la réalité de ces quelques étincelles lumineuses... Ce sont des instants qui se situent hors du temps, ou tout prend son sens... qui sont très difficiles à décrire... Des instants que j'étais prête à accueillir probablement.... du moins.... je sens qu'ils n'étaient pas le fruit d'un pur hasard et que mon attitude les a quelque part, rendus possibles... et en même temps, paradoxalement, ces expériences n'étaient pas le fruit de ma volonté... Et aujourd'hui, c'est un paradoxe qui continue à me questionner..... La place de la volonté dans la "grâce"... Cet équilibre si subtil à trouver entre le fait de "se prendre en main", et de "lâcher prise"...
Aujourd'hui, les vagues de souffrance sont moins intenses, mais je garde au fond de moi la sensation d'une lutte permanente et les instants de sérénité emplis de notre amour( tels que ceux que j'ai décrits) se font rares. Et je me demande pourquoi... Je tente de résister à la tentation de me juger, de m'en vouloir pour ce revirement de situation... J'ai la sensation d'une brèche qui se referme, toujours plus, et je me demande s'il me faut accepter de la laisser se refermer... même si ça implique de plonger dans ce brouillard, dans cette absence de repères où tout est moins intense... la souffrance, mais le reste aussi.... ou si au contraire je dois m'employer à trouver un moyen de renouer avec cette intensité.... J'aimerais pouvoir vivre ces moments de sérénité, cette présence lumineuse dont je parle plus haut... sans avoir pour cela à passer par des moments de grande souffrance... J'aimerais vivre le calme après la tempête, sans la tempête...
Je ne sais si ce que j'écris aura du sens pour vous... J'ai la sensation que pour pouvoir continuer à avancer dans cette vie, il me faut suivre un fil tellement ténu, tellement subtil.... qui se faufile au milieu de tant de paradoxes...
Je me réjouis de ces quelques jours qui m'attendent au monastère... J'espère parvenir à ne pas trop projeter d'attentes sur cette expérience... J'ai également tenté de prendre contact avec un groupe de personnes qui s'intéressent à la voie du soufisme près de chez moi... Le soufisme est une branche de l'islam qui recèle d'une telle sagesse....
J'aimerais d'ailleurs partager avec vous ce poème que j'ai écrit... après avoir découvert l'histoire de cet amour extraordinaire entre le poète Rûmi et le derviche Shams de Tabriz... Mon chéri, c'était mon "Shams", mon soleil à moi.... Cette histoire est venue raisonner si fort en moi... J'ai écrit ce poème il y a bientôt deux mois... Peut être l'une des dernières fois où j'ai eu la chance, l'espace d'un instant, de le sentir si proche...
Merci d'accueillir mes paroles. Je vous embrasse, toutes et tous. Vos présences sur ce forum, et sur cette Terre, sont précieuses. N'en douter jamais.

Shams
Soleil de mes jours et de mes nuits, derviche qui s’ignore,
Placé sur ma route pour éclairer les tréfonds de mon être,
Tu m’as ouvert la voie, honoré ici-bas tous tes engagements, gravés dans le secret des étoiles,
Et je devine au plus profond de mes entrailles, à travers ce contrat qui nous lie, qu’il me reste à accomplir, ma part.
Porter ta voix dans la société des hommes, être du soleil le rayonnement.
Et cette Vérité nue, que je cherche à contempler, tout en détournant le regard,
Fait battre la chamade dans mon cœur, amoureux et terrifié.
Saurais-je un jour, assumer de devenir, ce que Rûmi fut pour Shams ?
Faire de toi ma muse, devenir le poète ?
Car le soleil ne peut briller, sans que ses rayons n’acceptent de se briser sur le sol,
Et ta lumière sans être tienne, à travers moi, continue d’implorer en silence :
«  Laisse-toi me répandre… »
Où que tu sois désormais et au nom de l’Amour, je t’implore quant à moi de ne pas m’épargner, mais de me vaincre.
Brûle et révèle,
Apprends-moi à me consumer.



Hors ligne qiguan

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #237 le: 18 octobre 2017 à 22:15:55 »
la blessure de nos paradis perdus ...
qu'on ignorait ou jugeait autre que des paradis ...
va durer
mais évitons de la renforcer nous même, si on peut, pas à pas
je t'embrasse très fort
"il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé" A. Einstein
"Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque" René Char

Hors ligne souci

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #238 le: 19 octobre 2017 à 13:25:43 »

   Chère Ela,

   Tu as ressenti le besoin d'écrire et tu as bien fait, tes textes sont toujours riches et débordants d'amour ...
   Je ne ressens que carabistouille aujourd'hui donc je vais carabistouiller ... écritouille et pensouille ont congé ... dommage, pas ma souffrance, mais ça ...
   Merci à toi pour tes partages, à+, M.

Hors ligne Bulle 777

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #239 le: 04 novembre 2017 à 17:52:46 »
Je pleure moins, j'arrive même à ressentir une sorte de joie timide, qui se rattache à une foi, une confiance encore vacillante en l'existence d'une force qui nous dépasse, pleine d'amour, et qui détient le sens de toutes ces épreuves que nous traversons.

Tout est dit et bien dit, chère Ela !
Oui il est possible de survivre et de ressentir de la joie, c'est fou mais c'est vrai !

merci pour ta visite sur mon fil et tes mots.
 :-*
Bulle
Maman, tu es partie trop brutalement !
Maman, Requiescat In Pace.

Tu as pris de l'avance au pays de la Vie.