Mon Pouêt pouêt... 16 mois aujourd'hui que tu es parti. Dehors, le soleil est revenu . Je me sens relativement bien... En cet instant, je te sens étrangement proche et la panique de te voir t'éloigner à nouveau se fait moins pressente... Peut être parce que je sais désormais qu'inévitablement, je traverserai à nouveau ces instants douloureux où tu me sembleras inaccessible... Il y en a eu tellement. Mais je sais aussi, sans savoir pourquoi ni comment, que certains jours, tu seras à nouveau là, naturellement présent au creux de chaque instant.
Aujourd'hui, c'est comme si je retrouvais des sensations de notre vie à deux, de notre quotidien... J'ai souvent du mal avec nos souvenirs... Ils sont comme enfermés dans un coffre dont j'aurais perdu la clé... Ceux qui me reviennent le plus facilement, le plus fréquemment, sont ceux chargés d'une grande force émotionnelle: nos plus beaux partages, nos plus grosses engueulades aussi... les instants significatifs... Aujourd'hui, c'est différent... Je ressens ta présence, je suis imprégnée de ton souvenir, comme si nous étions encore ensemble dans notre petit chez nous, lors d'une journée ordinaire, vaquant chacun à nos occupations, partageant simplement quelques mots, ou des silences... Un baiser, un sourire...
Je ne savais pas quoi faire aujourd'hui. Je ne veux pas me forcer à faire quelque chose de spécial chaque "14" du mois. Que ces dates deviennent une pression supplémentaire sur mes épaules... et en même temps, je ne parviens pas non plus à vivre ces anniversaires comme des jours ordinaires... Au moins, aujourd'hui suis-je parvenu à ne pas paniquer, à ne pas me forcer à quoi que ce soit...
Spontanément, j'ai fabriqué des panneaux "incroyables comestibles", "nourriture à partager" pour cette jardinière pleine d'aromates que j'ai mise à disposition du voisinage. Et je me suis souvenue de cet optimisme dans l'action que nous partagions tous les deux. Ou plutôt que tu savais raviver chez moi. Je te vois, chantant des chansons avec ta guitare dans la rue, distribuer nos récoltes du jardin partagé aux gens dans le tram... Leurs sourires et leurs regards déconcertés!! ^^
J'aimerais trouver la force de ne pas me laisser durablement contaminer par l'idée que culpabiliser d'être encore en vie est une façon de te rester loyale... Pour l'instant, elle est encore bien présente, cette culpabilité. C'est comme ça.... En fait, oui, c'est une façon de te rester loyale... De te prouver, de me prouver que tu es et resteras au centre de ma vie jusqu'à la fin. Mais ce n'est pas la seule façon. Il y en a d'autres... Et l'admettre me demande du courage.
Admettre que tu aimerais probablement mieux me voir continuer dans le chemin que nous empruntions ensemble, plutôt que de me voir verser dans la misanthropie. Admettre que la source à laquelle nous puisions notre force toi et moi, n'était pas uniquement présente dans l'autre. Admettre qu'il y a encore des possibilités de connaitre la joie, même si tu n'es plus physiquement à mes côtés... Ça demande du courage, parce que plus on remonte, plus on prend le risque de retomber de haut... Ça me demande, tout en acceptant qu'elle soit présente, de ne pas laisser les commandes de ma vie à cette culpabilité qui cherche à obscurcir chaque petite victoire.
Mon amour, tu m'inspires tellement... Je te charriais sans cesse. Je t'engueulais, lorsque mes angoisses prenaient le dessus et que malgré tout, tu tentais de m'aider à voir le verre à moitié-plein. J'étais exaspérée parfois... Je te disais "laisse moi trouver cette vie dégueulasse..." Ou alors je haussais les sourcils et je disais d'un air moqueur "et voila qu'il rapplique à nouveau sur son blanc destrier, le chevalier du positivisme." Et toi tu gardais toujours ce courage et cet aplomb de me répondre: "d'accord, mais toi, laisse moi continuer à dire que la vie est belle." Je me rends compte aujourd'hui de ton courage, de rester fidèle à toi-même, à cette joie en toi suffisamment profonde pour ne pas se laisser altérée par le fatalisme ambiant...
Je pense souvent à ce proverbe qui dit que "lorsqu'une personne exprime sa détresse, elle n'a pas besoin de gens pour se lamenter avec elle, mais de quelqu'un qui assume de parler plus fort que son malheur". Je ne suis pas toujours d'accord bien sur... Se lamenter ensemble, ça fait du bien parfois... Mais parfois aussi, je n'ose pas sortir de cette configuration. Je n'ai pas ou plus le courage de l'optimisme. Et dans ces moments là, je me rends compte, avec une lucidité toujours accrue, de cette force qui était la tienne....
Mon chéri, comme tu me manques... Et comme tu m'inspires. Tu me guides, tu m'apprends, tu illumines ma route.... même dans ton absence... Continue à me faire enrager en refusant de te lamenter avec moi. Rappelle toi sans cesse à mon esprit, avec ce sourire lumineux et confiant qui était le tien. Je te suis infiniment reconnaissante. Quelle chance j'ai d'avoir croisé ton chemin mon "RMIste fou" ^^...
Et maintenant, je vais sortir dans le jardin, planter quelques fleurs jaunes pour toi. Mon soleil. Je t'aime.