Je connais cette sensation Doudouzoe... Je rêve que je le cherche toutes les nuits... Parfois dans mon rêve, comme toi, j'apprends qu'il est mort ou alors je le sais déjà et c'est l'angoisse: j'essaye de trouver une impossible solution... ou alors je suis avec lui et c'est au réveil que je réalise l'impensable... Courage... <3
De mon côté, j'ai l'impression depuis quelques jours de nager en pleine absurdité tant l'écart entre les différents états qui me traversent est immense... J'ai l'impression d'être schizophrène et d'être guidée tour à tour par les différentes personnalités qui m'habitent... L'autre nuit, j'ai à nouveau pleuré jusqu'à tard dans la nuit, dévorée par son absence, puis j'ai connu des moments de réelle accalmie et me suis sentie proche de lui, puis par moment, je me suis sentie comme coupée, détachée de tout: de ce qui m'arrive, de ce que je vis avec l'impression de poursuivre ma vie "comme si de rien n'était", "normalement"... Quand j'y pense: "comme un robot" serait sans doutes plus approprié même si ces moments là en particulier s'accompagnent d'une impression terrible et difficile à définir: celle d'être en partie dans une sorte de déni, d'en avoir conscience mais de ne pas pouvoir m'en extraire....
A tout ça s'ajoute la présence d'une sourde colère... je croyais qu'elle s'était atténuée, mais elle est toujours là... Révolte contre ce qui est arrivé, contre cette réalité qui nous oblige à accepter cette violence terrible qui nous est faite sans avoir de réponses... Et puis colère aussi contre les gens... Ras le bol... Une partie de cette colère est sans doutes injustifiée d'ailleurs, mais je suis parfois si fatiguée que je n'arrive pas à faire la part de choses. Et puis cette colère m'aide je crois... Elle me fait ressentir que je suis en vie.
Je suis particulièrement en colère contre mon père... que j'aime, là n'est pas là question, mais que j'ai de plus en plus de mal à supporter. Il est dans une totale incapacité de faire face à ce que je vis et du coup m'évite complètement lorsque je montre que je vais mal, ou pire, nie totalement mon état (consciemment ou pas) en continuant de parler comme si de rien n'était, en faisant des blagues, en rigolant, en sifflotant... Ma mère a tenté de le lui faire remarquer à plusieurs reprises, mais il ne semble pas réaliser que le fait qu'il m'aime en son fort intérieur (car malgré tout, je suis sure de son amour) ne me suffit pas en ce moment mais que j'ai besoin d'un minimum de soutien... C'est difficile, car je suis seule avec lui à la maison toute la journée (il est à la retraite et ma mère travaille encore). Au début, le malaise était tellement palpable que maintenant, je "fais comme si" et lorsque ça ne va vraiment pas, je vais dans ma chambre ou pars me promener....
Je crois que d'être dans cette atmosphère contribue également à nourrir ma propre tendance à ravaler voir minimiser ce que je vis, puisque, le plus souvent, c'est le message que me renvoie mon environnement... Et ce problème ne date pas d'hier...
Du coup, gros gros ras le bol aussi de tous ces conseils dont je suis abreuvée par les gens du village de mes parents (car ici tout se sait et tout le monde se connait) qui me disent "que je me fais du mal" (ah bon), "que je devrais sortir" et surtout, que "je devrais faire un effort pour comprendre et rassurer mon père et mes copines qui se font du souci pour moi mais ne savent pas comment s'y prendre"...
Merde. Merde et re-merde. Oui, je sais bien que les gens se font du souci pour moi. Je sais que leurs intentions sont bonnes. Je sais que je n'aurais certainement pas fait des miracles à leur place... Mais par pitié, là tout de suite, ne me demandez pas de trouver la force d'aider les gens à être à l'aise en ma présence. Ne me demandez pas en plus de ce que j'affronte de les aider à affronter leur propre peur de la mort, de la souffrance qu'ils me renvoient dans la tronche comme un miroir.
C'est vrai, j'ai du mal à parler, à trouver des gens à qui j'arrive naturellement à me confier... J'ai été élevée dans un univers où la colère, la tristesse n'ont pas de place. Où on tache de toujours se montrer sous son meilleur jour... Du coup aujourd'hui je réalise que même face à mes amis d'enfance: inconsciemment je ravale, je dissimule... Et mes proches (famille, amis...) qui ont eu une éducation du même ordre se comportent bien souvent de la même manière. Quels liens authentiques ai-je réellement réussi à tisser jusqu'à présent? Alors que j'étais une gamine hypersensible, à fleur de peau, débordante de vie, sortir mes émotions en présence d'autrui est aujourd'hui pour moi une tâche difficile dont j'ai perdu le mode d'emploi...
Avec mon chéri je m'étais réconciliée avec la petite fille que j'étais... Dans notre couple il y avait de la place pour tout. Pour tous les ressentis, toutes les émotions... Pour la joie, la folie, la colère, la tristesse et la joie à nouveau... Pour les sourires et les larmes, la douceur et les coups de gueule... Je suis partie de la maison très tôt pour ça je crois. Pour faire exploser ce carcan lié à mon éducation. Mais c'est avec mon chéri que j'ai réellement pu renouer avec cette part enfouie de moi-même.
De retour chez mes parents, je me sens comme amputée de moi-même. Amputée de lui, de notre amour, et amputée de toute cette palette d'émotions qu'il avait su réveiller en moi. Qu'il disait aimer, qu'il trouvait belles et qui ici ont si peu de place...
En même temps, je suis reconnaissante à mes parents d'être là pour moi... Ma mère a conscience de beaucoup de choses et sait se remettre en question. Nous parlons beaucoup... Cependant, dans ce décors de mon enfance, une part de moi étouffe, une part que je refuse de laisser disparaître car elle me relie à lui. A celui que j'aime et qui m'a appris tant de choses... En même temps, je n'ai clairement pas la force de recommencer ailleurs pour l'instant, de déménager, de me déraciner à nouveau...
Je ne sais plus quoi faire...
J'aime la vie. Je ne peux m'empêcher de penser qu'au fond, la vie est belle mais j'ai l'impression qu'elle m'a abandonnée... Cette impression d'être exilée, bannie, livrée à moi-même... Cette impression d'être dans une impasse... comme un GPS fou qui se réactualise sans cesse sans trouver la voie pour poursuivre.
Et je rumine, je rumine, je rumine...