Auteur Sujet: Mon amour est parti au mois d'avril  (Lu 111175 fois)

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Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #30 le: 24 août 2016 à 14:00:26 »
Sensation d'irréalité... d'être hors du temps... Je me sens comme anesthésiée. Déconnectée. Comme si je flottais dans un épais brouillard. J'ai l'impression que tout m'est indifférent. Que la vie coule sur moi et non en moi. J'ai l'impression que tout m'est indifférent, jusqu'à ce qui est arrivé, jusqu'à ce qui lui est arrivé, jusqu'à ce qui nous est arrivé... Sensation qui me glace d'effroi. Mes parents me parlent de mon beau-père, de sa peine. Mon beau-père qui a cette force de réussir à parler de son fils avec tout le monde, de pleurer avec les gens. Mes parents me parlent de lui et de sa peine comme s'ils souhaitaient que je prenne exemple. Parce qu'avec la mienne de peine, avec la façon étrange, décousue qu'elle a de se manifester: ils ne savent pas quoi faire. Et moi non plus d'ailleurs... J'en veux à la terre entière, à lui, à moi... Manque d'indulgence à nouveau. Aujourd'hui, ou plutôt en cet instant, je nage dans les illusions. J'ai le sentiment d'être une des pires versions de moi-même. Mais j'ai déjà connu ça, alors je sais qu'il y aura un lendemain... C'est une promesse que je te fais mon amour... Il y aura un lendemain. Un lendemain qui m'autorisera à te dire "Je t'aime" avec confiance et sérénité. J'ai tant besoin que tu saches que je t'aime, lorsque moi-même j'ai la sensation que mon cœur s'est changé en pierre...
« Modifié: 24 août 2016 à 14:07:09 par Ela »

Hors ligne Orfila

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #31 le: 24 août 2016 à 18:40:53 »
Oui sensation d etre la pire version de soi-même. Indigne au fond du cadeau qu' il m'a fait de tenir ma main.
Moi aussi: je me dis que Tous autour relève les yeux le poing et regarde le ciel en lui adressant un " merci de nous avoir tant donné"
Or moi je regarde le sol. Et ne me connais plus. Je vous aime mon amour et et et.....?

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #32 le: 24 août 2016 à 20:19:50 »
Tu sais mon amour, aujourd’hui ça ne va pas. Ça ne va pas. Et je sais qu’il y avait un jour avant celui-ci, et que demain, le soleil se lèvera et qu’il y en aura un autre. Je sais que ce que je ressens maintenant n’est pas figé. Je te fais confiance pour le comprendre aussi. Mais j’ai besoin de te dire ce que j’ai sur le cœur.
Je suis en colère. Je suis en colère parce que je me sens abandonnée. Parce qu’à côté de l’amour et de la gratitude infinie que j’éprouve à ton encontre, il y a aussi une blessure, celle de t’avoir parfois trouvé égoïste. Parce que ta mort a été à l’image de ta vie et de notre relation. Un coup de théâtre. Pas une mise en scène non. Pas un coup de théâtre dans le sens d’une comédie, d’un mensonge orchestré. Je te savais et je te sais toujours entier, sincère, authentique comme personne. Mais un coup de théâtre dans le sens d’un excès, d’une folie, d’une bourrasque impétueuse qui balaye tout sur son passage. Tu ne pouvais pas supporter de rater la moindre miette de vie. Tu voulais tout vivre, tout ressentir, tout exprimer, tout le temps, tout de suite… Comme un enfant : avec sa beauté, sa candeur, mais aussi ses caprices. Et peu importe les conséquences. Tu voulais pouvoir te mettre en colère, rire aux éclats, parler fort n’importe où n’importe quand, profiter de chaque instant… sans te préoccuper des conventions, des « on dit », des jugements... Toujours en quête de buts grands et nobles : de justice, d’amour, de  vérité… Tu traversais la vie avec sincérité, authenticité, courage… et en même temps avec impétuosité, irrévérence, insolence… Tu attirais, tu repoussais. On t’admirait, tu agaçais. Le philosophe de la caverne de Platon, c’était toi. Le poète incompris, c’était toi.
Et moi, j’étais quoi là-dedans ? Je suis quoi ?!! Celle qui tentait d’amortir les chocs pour que tu ne te fasses pas trop mal, celle qui était là pour arrondir les angles, celle qui était là pour assouvir ton besoin d’aimer et d’être aimé, de déverser ce besoin excessif, incompressible de tout donner, tout le temps, sans tenir compte de la capacité de l’autre à recevoir ? Celle qui faisait office de médiateur lorsque tes humeurs creusaient un fossé entre toi et le reste du monde ? Celle qui se faisait molle, flexible, arrangeante, quitte à se faire mal, pour éviter que tout explose sans arrêt ? Le petit astéroïde terne qui a eu la chance de pouvoir graviter autour d’un astre éclatant ? Je suis quoi moi ? Un personnage secondaire dans l’épopée tragique d’un héros ? Condamnée à renouer avec la banalité, avec la normalité, avec les conventions, condamnée à ne « pas faire de vagues », à sourire timidement, à s’excuser, à rassurer, « non, non, je ne veux pas déranger », « ça va, je vous assure… »… Parce que oui, face à ceux qui osent tout, qui n’ont pas de limites, il faut bien des gens sans saveur qui s’écrasent pour éviter le cataclysme…
Alors, ça me travaille, ça me torture. Est-ce que tu m’aurais aimé autant si je m’étais affirmée davantage ? Si j’avais répondu en miroir à ton tempérament ? Je l’ai fait parfois. J’ai réveillé ma fougue pour tendre à un plus grand équilibre et j’ai bien vu tous les efforts que tu as fait toi aussi pour agir avec plus de retenue, de tact… Nous étions en chemin, je le sais. Et ce qui nous poussait à avancer, à changer, c’était l’amour, je sais. Mais ta mort me laisse ce goût affreux d’inachevé. Cette frustration. Et j’ai besoin de la laisser éclater aujourd’hui.
Alors oui, ce soir, je rage. Je rage d’endosser une ultime fois le rôle dans lequel tu m’as mis si souvent. Celui de composer avec ce que tu m’imposes. Celui de ramasser les morceaux après l’explosion. Celui de me démerder, de gérer les conséquences après les coups d’éclat. Et je crois t’entendre me dire que tout comme toi, j’ai été et je  suis libre de faire ce que je veux, d’accepter ou non les cadeaux qu’on me fait, de prendre ou non les choses personnellement, de tenir compte ou non des normes et des dictats. Je crois t’entendre me dire que je suis libre, que tu ne m’imposes rien. Moi j’ai besoin de te dire que cette liberté, sous cette forme-là, s’il est peut-être possible de s’en saisir je m’en méfie parce qu’elle est forcément un peu égoïste. Moi aussi j’étais et je suis libre. Je sais que j’ai choisi. Je n’ai pas de regrets. Aucun, Mais le seul choix que j’ai fait, c’est celui de continuer à t’aimer, toujours. De rester, de me battre pour que ça marche entre nous, en prenant sur moi. Tu m’as tellement apporté, tu m’as tellement aimé, mais j’ai besoin que tu saches tout ça aussi. De te dire ma blessure. Ma blessure que je t’ai déjà montrée auparavant sans que je sois sure que tu l’ais réellement vue pour ce qu’elle est.
Et j’ai besoin aussi de me mettre à nu ici, publiquement et en même temps anonymement, dans ce lieu virtuel et impersonnel où je sais que je serai lue, comprise ou non, mais sans les conséquences qu’engendrent les confessions auprès des proches. J’assouvis ainsi ce besoin impulsif (car je peux l’être aussi, et je sais que tu le savais) de hurler mes émotions sur la place publique. C’est comme une catharsis. C’est ce dont j’ai besoin là maintenant. Pour ne pas disparaitre. Pour ne pas devenir réellement cet astéroïde gris et mort qui dérive dans l’espace après l’explosion d’une étoile…
P.S : Nos engueulades me manquent. Autour de moi, tout est tellement lisse, contenu, polissé… Tu m’énerves. Je t’aime.

Hors ligne Ela

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Re : Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #33 le: 24 août 2016 à 20:32:36 »
Oui sensation d etre la pire version de soi-même. Indigne au fond du cadeau qu' il m'a fait de tenir ma main.
Moi aussi: je me dis que Tous autour relève les yeux le poing et regarde le ciel en lui adressant un " merci de nous avoir tant donné"
Or moi je regarde le sol. Et ne me connais plus. Je vous aime mon amour et et et.....?

Orfila... Quelques heures ont passé et me voilà sortie des bras de l'abattement pour me glisser dans ceux de la révolte. Une bonne chose? Je n'en sais rien, c'est comme ça. C'est tout. Mais comme chaque émotion s'accompagne de nouvelles perspectives, j'ai envie de te dire que nous ne sommes pas indignes. Nous ne sommes pas indignes. Blessées, mutilées, mais pas indignes. Nous sommes debout, nous faisons ce que nous pouvons, c'est tout.
Merci pour tes marques de soutien. J'espère que toi aussi tu trouves quelques petites béquilles sur ce forum. Je  t'embrasse et t'envoie toute mon affection.

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #34 le: 25 août 2016 à 13:52:36 »
Jour nouveau...
A force de te hurler à quel point j'aimerais que tu sois là, je ne t'entendais plus répondre. Je t'aime <3

Hors ligne Orfila

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #35 le: 25 août 2016 à 23:02:17 »
Chères âmes soeurs seules
Passez une nuit douce
La chaleur n est pas tendresse humaine
Je vous envoie mon affection


Hors ligne Orfila

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #36 le: 25 août 2016 à 23:07:02 »
Il est fou de la vie.
Nous étions insensés
Nous étions deux planètes aimantes et aimantées
Nous nous sommes percutées....
Mon étoile d amour brille brille et je brillerai pour que tu me reconnaisse je suis celle qui brûle....

pitchounette

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #37 le: 26 août 2016 à 14:19:22 »
Bonjour Ela et tous les autres,
Ça fait très longtemps que je n'ai plus rien écrit sur ce forum et pourtant je vous lis beaucoup.
Lorsque ça va pas, et ça arrive souvent, je lis toutes vos histoires  et ça m'aide. Sans doute parce que je trouve toujours beaucoup de similitudes avec la mienne. Les sentiments ressentis sont identiques au point que parfois je me dis que ces mots qu'un tel ou une telle écrit, j'aurais pu les écrire moi même. Parfois je trouve même que certains ont le don de pouvoir écrire leurs ressentis d'une façon si simple et complète ... Alors que moi je n'y arrive pas.
Mon histoire je l'ai écrire maintes fois sur ce forum et c'était il y a 20 mois.
Une éternité .. Et une seconde a la fois tellement le temps semble s'être arrêté a ce fameux 15 décembre 2014.
Jusque la je pouvais dire que j'avais eu de la chance dans la vie.
J'avais Trouve l'amour de ma vie, on venait juste d'avoir notre deuxième petit garçon et notre plus gd avait déjà 2ans.
Hugo était fait pour être papa et c'était un mari exceptionnel.
Je sais que les gens me diront " tu l'idolâtres" mais tous ceux qui ont eu la chance de le connaître ne m'ont jamais contredis
Il avait 41 ans et est vraisemblablement décédé d'un malaise cardiaque suite a une myocardite,
Je dis vraisemblablement parce qu'on ne saura jamais et cet absence de sertitude est difficile a gérer.
Il avait eu de la fievre la nuit précédant le drame et s'est senti mal d'une seconde a l'autre alors que nous étions près a dîner , nous étions en vacances en Picardie ( je viens de Bruxelles).
encore aujourd'hui j'ai des trous de mémoire, je ne me souviens pas du retour a Bruxelles et d'autres choses arrivées apres le drame. Par contre je pourrais dire tout ce qu'il a dit ce jour la et la veille...
Je ressasse ces moments en continue, me disant que j'aurais du voir que qqch n'allait pas. ..moi qui le connaissait tellement bien. Mais Hugo se plaignait jamais et la veille au soir alors qu'il me disait qu'il couvait qqch il me disait aussi" je suis désolée de te gâcher ton WE". Une perle partie beaucoup trop tôt avec tellement de choses a apporter a bcp de monde... Surtout ces enfants. Et la je rejoins les mots d'une personne qui disait qu'on est tellement triste pour eux pcq nous on voit ts ces changements et lui non, les premières panades, les sourires, les mots, les pas, la crèche, l'école ... Les anniversaires .
Rien ne sera jamais parei, tt occasion sera tjs entachée par son absence. Je parle de ça parce que demain c'est l'anniversaire de Samuel, il aura 4 ans .. Et malgré cet événement heureux, c'est encore la tristesse qui domine.
Je ne voulais pas ça pour mes enfants. Ils avaient un papa qui aurait tt donne pour eux et qui les adorait et c'est tt ce que je peux leur dire..
Parce que Parler d'Hugo est tjs douloureux, ça nous ramène a cette triste réalité de notre nouveau quotidien et qui est " qu'il n'est plus la".  On accepte jamais ça. On essaye de vivre avec et c'est ça le travaille que fait le temps...
Le temps n'élimine pas l'amour, il est omniprésent mais ne peut plus être partage et c'est très difficile et triste.
Ce deuil nous plonge aussi dans une solitude. On se sent plus a notre place avec les autres.., on est différent, on est changée parce qu'on a été traumatisée, on nous a empire d'une partie de nous et cette personne que nous étions n'existe plus.
Celle qui reste survie, honore du mieux qu'elle peut tt ce que l'autre aurait voulu ..
Parce que c'est pour elle aussi qu'on continue et parce que c'est tt ce qu'on peut faire encore pour elle.
Apres 20 mois, les gens pensent qu'on va mieux, ils nous voient vivre... Travailler et même sourire parfois mais peu sont ceux qui creusent pour savoir ce qu'il y a en nous , dans notre cœur de peur...
De peur de quoi???  Il est difficile de partager des émotions que SEUL ceux qui sont passes par la savent vraiment.
On se sent souvent incompris mais peut on les blâmes?
Oui je suis tjs en colère de voir que des bons partent et que des mauvais eux restent.
Oui je culpabilise tjs de ne pas avoir pu faire qqch.
Oui je lui enveux parfois de ne pas s'être plainds et de ne pas s'être alarme.
Je suis triste pour mes enfants et pour lui et a chaque instant il me manque et me manquera et il faudra vivre avec.
Je remercierai jamais assez ma sœur et ma famille d'avoir été et d'être tjs la aujourd'hui ....
Désolée d'avoir été longue et si vous voulez discuter ou même se voir ... Faites moi signe.
Parler ... Ça aide
Bisous

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #38 le: 26 août 2016 à 16:45:36 »
Pitchounette, Orfila, Elia... Je vous lis avec beaucoup d'émotions et vous remercie de partager un peu de votre histoire ici. Moi aussi, ça me met un peu de baume au cœur de retrouver des bribes de ce que je vis dans vos récits. Je vous souhaite, à chacune, beaucoup de courage, de douceur... D'être toujours entourées, malgré tout, de personnes compréhensives, bienveillantes... Je vous souhaite, comme à moi-même, de réussir à maintenir, retisser, transformer, consolider vos liens avec vos êtres aimés. Pour qu'ils vous accompagnent à chaque instant et que vous puissiez toujours ressentir leur amour...
Mon chéri à moi, j'ai l'impression qu'il est encore là, quelque part. J'y crois. Plus j'avance sur ce douloureux chemin, et plus la conviction que cette vie-ci, telle qu'on la connait n'est que la partie visible de l'iceberg grandit en moi... Bien sûr, c'est parce que pour moi, concevoir le contraire serait tout simplement insoutenable... Mais c'est aussi parce que ce qui lui est arrivé, même si je ferai tout, tout, tout  pour l'annuler si j'en avais la possibilité, m'a obligé à me confronter à toutes ces questions qu'avant, je préférais refouler ou survoler...
Je crois qu'il est toujours là, du fait des signes que j'ai reçu, mais bien plus encore à cause d'une intuition très forte. Que je ne cherche pas à expliquer. Et parce que je crois que l'amour, ce n'est pas quelque chose qui peut exister en dehors d'une relation. Alors, si j'éprouve encore de l'amour pour lui, selon moi, c'est bien que cet amour trouve écho quelque part. Qu'il vibre entre moi et lui, quelle que soit l'endroit où il est, les nouveaux paramètres avec lesquels il compose...
Mais c'est si douloureux, de ne pas avoir de réponse directe à mes questions, de ne pas pouvoir le voir,  le sentir, le toucher... Souvent, lorsque je me sens nulle, c'est parce que je suis désespérée de ne pas réussir à recréer parfaitement en moi son essence. Par exemple, ma mère me dit souvent "pense à ce qu'il t'aurait dit ou à ce qu'il aurait fait dans cette situation"... Et ce que mon esprit imagine alors, même si ça m'aide un peu, reste tellement en dessous de la vérité. Tellement imparfait... Car il était lui. Avec son histoire, sa personnalité. Tellement imprévisible... Je ne suis pas lui. Je ne peux pas et ne pourrai jamais être lui.
Pour cette raison je crois, j'entretiens un rapport en dents de scie avec mes souvenirs et plus généralement avec toutes les pensées qui me ramènent à lui. Je les recherche, les entretiens en permanence pour ne pas l'oublier et en même temps je les fuis. Parce que ce à quoi je pense, ce que j'imagine, ce dont je me souviens, c'est de lui mais au travers des filtres de mon esprit, de mon histoire, de mes raisonnements, de ma sensibilité... Et j'ai si peur de le remodeler, de le dénaturer dans mes pensées... Maintenant qu'il n'est plus là pour affirmer qui il est, dire ce qu'il a à dire, agir en son nom... Maintenant qu'il n'est plus là pour créer avec moi de nouveaux souvenirs teintés de sa joie de vivre et de sa spontanéité...
Ça fait plusieurs semaines que je ressens comme une urgence: celle d'écrire, de noter le maximum de petites anecdotes, de souvenirs partagés... J'ai si peur d'oublier... Mais je sens bien que je fuis cette mission que je me suis donnée... J'ai peur de m'y mettre... Pour les raisons que j'ai évoquées, pour d'autres sans doutes aussi... Par peur de réaliser que j'ai déjà oublié tant de choses... Par refus aussi de m'engager dans une démarche qui ressemblerait à une tentative d'"archivage" de notre histoire... Car on archive ce qui est clos, achevé... Or pour moi, rien n'est achevé et je désire que ça reste toujours ainsi.
Je réalise que je pense relativement peu à nos souvenirs... Au passé... Ça me fait mal. Et puis ça me demande d'énormes efforts de concentration... Comme si mon esprit tirait à l'autre extrémité d'une corde pour m'empêcher de hisser toutes ces images à la surface. Je crois aussi que pour moi,évoquer les souvenirs c'est un peu comme repenser avec nostalgie à des amis d'enfance avec qui ont a coupé les ponts. Je ne peux pas penser à mon amour de cette manière. Car je n'arrive pas à considérer que notre lien est coupé, que notre histoire est terminée.... Du coup, quand je pense à lui, c'est davantage au présent qu'au travers de mes souvenirs... Je lui parle. Je me demande où il est, ce qu'il fait. Comme si nous vivions à nouveau dans une relation à distance (ça a été le cas pendant un temps) d'un nouveau genre. Suis-je la seule à fonctionner ainsi? Comment pensez vous à ce que vous aimez? En évoquant des souvenirs? Ou bien y a t'il des personnes qui se reconnaissent un peu dans ce que j'écris?
Ça me questionne vraiment... Car si je suis heureuse d'avoir ce sentiment de continuer à vivre des choses avec mon chéri différemment dans le présent, le fait d'avoir tant de mal à accéder à mes souvenirs est une source d'angoisse et de stress considérable... J'ai peur qu'un jour les images de tous ces moments partagés s'éteignent parce que je ne les aurai pas assez convoquées, ravivées...

Nandou_Guanaco

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #39 le: 26 août 2016 à 17:02:02 »
Comment vous faites pour avoir des souvenirs, vous en rappeler avec précision? J' en suis pantoise, moi je cherche à oublier, le passé je veux l' enterrer lui aussi, le devoir de mémoire, ce sera pour quand je la perdrai, les photos je ne les regarde plus dans les albums ou sur le PC par contre je suis bien obligée de voir les photos de groupe des mariages des enfants ça et là dans le séjour et le monsieur en costume, qui n' était qu' en costume pour les mariages, ah ben si finalement j' ai des souvenirs, au moins celui-là, bref, je commence à regarder le passé avec détachement comme une vache regarde passer le TGV. J' en suis au stade amnésique. Puisque vous mettez souvent des liens, voici le mien pour mon humeur-humour du moment:

http://michel.buze.perso.neuf.fr/lavache/muriel_robin_l_amnesique.htm

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #40 le: 28 août 2016 à 01:17:49 »
Oui, le stade amnésique... L'esprit plein de brume. Qui nous camoufle les images qui font mal... Mais dans mon cas, je oscille entre l'envie et le besoin de maintenir ce brouillard et par moment, la nécessité urgente de le dissiper. Car oui,  malgré tout, je sais que je ne désire pas oublier. Je ne veux rien oublier, même si ça me fait mal. Je ne sais pas... chacun(e) de nous développe ses propres béquilles et sa propre façon de faire face je suppose...

Et puis, un peu comme pour les photos de groupe dans le séjour, je crois que même si je voulais oublier, il y a trop de choses dans le quotidien qui le rappellent à moi.... Ce soir, c'est la fête de mon quartier. J'entends la musique et les rires chez mes voisins.... L'an dernier, nous y étions ensemble... Sa fille était là aussi... Il était radieux, au milieu de ma famille, de mes voisins, de mes amis d'enfance... Un instantané de bonheur. Un moment plein de promesses de lendemains heureux...

Mon amour, je t'ai dit au revoir mais pas adieu... A moins qu' "à-Dieu" veuille dire que je te reverrai lorsque ce sera mon tour de fermer les yeux... Mon amour, j'ai envie de croire que si la mort à l'échelle d'une vie ressemble à une fin, au regard de l'éternité elle est une renaissance et que tes yeux se sont ouverts sur encore plus de joie, d'amour et d'harmonie ... Mon amour j'ai envie de croire que dans cette éternité, nous aurons droit à d'autres lendemains heureux... Ensemble.
Je t'aime.
« Modifié: 28 août 2016 à 01:38:40 par Ela »

Hors ligne Noëlle

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #41 le: 28 août 2016 à 09:54:18 »
Je retrouve Ela dans tes écrits ce que je ressentais les premiers temps après avoir perdu l'amour de ma vie : cette peur d'oublier,  chercher le moindre souvenir dans sa mémoire, même si ça fait mal, et le besoin, l'envie d'écrire, imaginant que ça peut soulager et finalement ne pas y arriver parce que c'est trop douloureux, ou parce qu'on ne trouve pas les mots. ça me donne l'impression d'un oiseau enfermé dans une cage qui cherche la sortie et se cogne sans cesse sans la trouver : inconsciemment peut-être échapper à l'envahissement de cette souffrance, à cette irréalité.
Et aujourd'hui, après huit mois, même  si ce mal est omniprésent, et le manque permanent, je n'ai rien oublié ; les souvenirs reviennent tout seuls sans que je les cherche ; bien sûr c'est très douloureux aussi, mais la mémoire est là. Je crois que cette crainte d'oublier n'a pas lieu d'être, on n'oublie pas. Ce qu'on a vécu était trop bon pour qu'on l'oublie.
Et je cherche aussi un sens, à la vie, à cette fin qui m'a emportée avec elle, autrement.
De tout coeur avec vous,

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #42 le: 29 août 2016 à 19:02:17 »
Merci Noëlle. Merci Noëlle de tout cœur pour ces douces paroles... J'ai besoin de temps à autre de ces témoignages qui me rappellent que si chacun vit les choses à sa manière, en fonction de son histoire, il existe des sensations, des émotions communes entre nous. Ça me donne l'impression d'être un peu moins seule. Moins isolée dans ce que je vis.

Il me manque terriblement...

Ces derniers jours, j'ai tenté de me donner un regain d'énergie. J'ai fait la cuisine, suis sortie au jardin, ai joué aux cartes avec mes tantes et même ri un peu avec elles et mes parents... Je dis que je "me suis donnée un regain d'énergie" car à d'autres moments, je traverse des phases où j'ai l'impression de me maintenir volontairement, consciemment dans la douleur pour être sure qu'elle ne disparaisse pas... Toujours cette peur étrange qu'il se sente abandonné si j'allais mieux. Cette culpabilité d'être encore en vie alors qu'il n'est plus là...

Et là, donc, j'ai décidé d'essayer de lâcher un peu cette idée. D'essayer de faire quelque chose de ma journée et en même temps, de lâcher un peu prise sur ma tendance à vouloir contrôler mes pensées pour les ramener vers lui coûte que coûte...

Ça a marché par moment, et puis à d'autres j'ai réalisé à quel point c'était absurde de ma part de penser que la douleur allait disparaître si je ne l'entretenais pas, ou que j'allais l'oublier si je ne cherchais pas à penser à lui.

La douleur n'est pas un effet de ma volonté. Pas que en tous cas. La douleur est là que je le veuille ou non parce que je l'aime. Parce que je l'aime et qu'il n'est plus près de moi. Plus de la même manière en tous cas. Alors je peux bien m'autoriser des accalmies puisque de toutes manières, la souffrance se rappellera à moi toute seule, bien assez vite et pour le reste de ma vie... Je sais que pour certains, l'idée d'avoir peur de ne plus souffrir est incompréhensible. Sachez juste que dans mon histoire elle a un sens. Car ayant connu des périodes d'angoisse terribles vers la fin de l'adolescence, mon cerveau a développé une tendance à me protéger par l'anesthésie des émotions lorsque je vais trop mal. Et pour moi, c'est cette impression de ne plus rien ressentir le véritable enfer. D'être un zombie. Pour moi, c'est bien pire encore que d'avoir mal...

Mon amour me manque tellement... Je suis un disque rayé... Sa disparition a déclenché un bug dans mon système... Mon disque dur n'arrive pas à intégrer qu'il n'est plus là... Et puis, sans être là, il est partout. Partout. Tout le temps. Même sans penser à lui je pense à lui... Depuis deux semaines, peut être plus ou un peu moins (j'ai perdu la notion du temps), je fais des rêves agités. Toutes les nuits, je rêve que je le cherche... Je le cherche. Parfois je le trouve en rêve, ou plutôt je trouve une image de lui mais je sens que ce n'est qu'un avatar, une pâle copie... Tout de même, ça me réconforte un peu et puis il disparaît à nouveau....

Parallèlement et paradoxalement, j'ai lu des témoignages sur les expériences de mort imminente, des récits de médium... Je lis des choses qui s'associent à mes expériences de vie, aux signes que j'ai reçus... et tout ça renforce ma confiance dans l'idée qu'il est toujours là quelque part. Dans l'idée que la mort, c'est comme ouvrir les yeux à la fin d'un rêve pour se rendre compte que le degré, la sensation de réalité est plus forte maintenant qu'on a ouvert les yeux que lorsque l'on dormait... Tout ça me réconforte... Mais m'oblige en même temps à assimiler cette réalité douloureuse: que je ne le reverrai pas ici, sur Terre, avec ce corps, ces expressions, ce sourire, cette voix...

Ça me ronge, à chaque seconde le cœur, les tripes...  Ça n'enlève rien à la part de moi qui sait encore s'émerveiller du mystère de la vie, de l'amour. A la part de moi qui renoue avec l'essentiel, avec une confiance et une foi nouvelle en l'existence d'une vie plus vaste. Seulement plus rien ne sera comme avant. Plus rien ne sera comme avant... Et je tente d'accepter avec un sourire triste, douloureux, ironique et pourtant emprunt d'une pointe d'espoir et de gratitude chaque nouveau cadeau que m'offre la vie. Cette vie qui nous oblige à avoir confiance en l'idée que si elle nous dépouille de tout c'est pour nous aider à accéder à l'essentiel...

Long et sinueux chemin... Mon chéri l'avait compris mieux que moi je crois... Comme j'aimerais pouvoir être une petite bougie pour apporter un peu de lumière sur son chemin à lui, où qu'il soit... Intuitivement, je me dis que c'est en travaillant sur le lâcher prise et la confiance et en prenant soin de moi ici que je l'aiderai. Et en lui communiquant mon amour, dans le silence, dans mes actes, par la parole... Là encore, il faut faire avec cet impératif édicté par la vie de "croire sans avoir vu"... Croire qu'il ressent mon amour, croire que mon bonheur participe du sien, croire qu'il m'aime encore lui aussi et qu'il ne m'a pas oubliée... J'ai été élevée dans la foi chrétienne et depuis quelque temps je pense sans arrêt à cette phrase de Jésus à l'encontre de Saint Thomas: "heureux celui qui croit sans avoir vu"... C'est fou comme cette phrase prend tout son sens dans ma vie à présent... Et comme c'est difficile. Comme cette idée même peut me révolter parfois parce qu'elle implique d'accepter les limites de ma raison, de faire taire mon scepticisme... Et pourtant face à la vie et ses lois, je ne fais pas le poids... Si je ne crois pas, elle ne me montrera pas pour autant ce que je désire voir plus que tout... Le Père Brune qui s'est beaucoup questionné sur la vie après la mort disait ceci: "on dit toujours qu'il faut le voir pour le croire, mais peut-être que parfois il faut croire pour le voir"... Peut être... Mais quel travail pour y parvenir...
 

Hors ligne Orfila

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QAS
« Réponse #43 le: 30 août 2016 à 14:24:29 »
Chères vous,

Hier un médecin me dit: - mais dans ce dévouement, y'a t'il une place pour Vous, vous Claire?

que cette souffrance n'EST PAS NORMALE
qu'un tel degré de détresse, non, n'est PAS dans l'ordre logique de chacun de nous.

Il s'agit d'Amour.
Absolument, folle d'amour, folle de chagrin

Avant de le perdre,
j'écrivais déjà que dans son sommeil, je me sentais seule.
Avant sa mort nous nous étouffions de désirs
Je me souviens de ces nuits passées à le regarder dormir, collée à lui
respirant son souffle, prenant le sien, prenant son rythme
collée à lui
fondue

L'Amour n'est pas donné à tous.

Je vais danser mon cri.


Hors ligne Stana

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #44 le: 31 août 2016 à 01:27:34 »
  Ce que tu ècris me touche beaucoup Orphila  :( :)
  Hé bien, il y aura toujours des gens dépourvus d'empathie-ou de compréhension, ou les deux-pour nous dire que "ce n'est pas normal". Ils voient les choses d'un point de vue extèrieur, et tout le monde n'a pas la sensibilité de comprendre.
  Moi ce que tu dis ne m'étonne pas, je sais ce que c'est: mon compagnon et moi étions également très fusionnels, si on ne se voyait pas pendant un jour ou une nuit on ètait littéralement en manque l'un de l'autre. Nous n'avions qu'une seule chaire, qu'une seule âme comme on dit. Nous nous adorions. Moi aussi j'aimais le regarder dormir, me blottir contre lui, sentir sa peau tout contre la mienne, sa merveilleuse cheleur, m'emerveiller d'être sa compagne.

  Je pense à toi  :)
*Où que tu sois, ne m'oublie pas. Ici, ta voix résonnera encore et toujours. C'est un nouveau monde qui s'ouvre à toi; mais c'est un monde où je ne suis pas...* (Dark Sanctuary)