Auteur Sujet: Mon amour est parti au mois d'avril  (Lu 109540 fois)

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Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #15 le: 06 août 2016 à 14:17:33 »
Hier j'ai rêvé de lui, de sa fille, de nous. Merveilleux cadeau d'un bienfaiteur anonyme. Hier j'ai vu des amies, j'ai parlé, j'ai même un peu ri. Hier j'ai senti de la joie et tout au fond, toujours, cette tristesse qui ne me quittera jamais (et je ne voudrais pas qu'il en soit autrement). Hier j'ai ressenti notre amour vibrer plus que jamais... Hier je l'ai senti tout près de moi: sa lumière, son "énergie"...  Aujourd'hui, je ne sais pas... Mais hier m'a montré qu'il existe un chemin. Une pensée pour vous tous.

Hors ligne Vanessa

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #16 le: 06 août 2016 à 23:06:49 »
Comme je comprends ce que tu ressens..... Car tout Ca c est exactement mes sentiments..
Cette impression d être seule au monde, que tout le monde est géné de ma présence car ne savent pas quoi me dire... Ou alors me sortent des énormités... Et la j ai juste envie de leur crier dessus... Pourtant les pauvres, ne le font pas expres.. Mais moi j en peux plus de tout cas... Ça fait moins de 2 moins que celui qui aurait dû devenir mon mari l année prochaine est parti.. Seulement 2 mois... Je ne vis plus,plus envie de rien... Mon cerveau me rappelle tout... Notre rencontre, nos problèmes, toutes nos parties de rigolades, la naissance de notre fils, qui aujourd hui, marche tout seul et Ca, îl ne l aura meme pas vu....
Bref tout ça pour dire, que je suis fatiguee ....  Que je me sens dans la 5 eme dimension et que mon amour etait , j en suis sur, l homme de ma vie...
Je ne sais pas si je vais m en sorti un jour... Et si je sourirai de nouveau pour de vrai et non pas, pour ne pas continuer à inquiéter les gens...
Je t souhaite beaucoup de courage...
Continue d écrire si ça te fais du bien.. Moi je n ai rien trouve qui me fasse un minimum de bien... Je suis un zombie..

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #17 le: 06 août 2016 à 23:58:44 »
Vanessa... Merci pour tes paroles.  Tout ce que je peux te dire ce soir, c'est que je suis moi aussi solidaire de ta douleur... Si tu as envie de parler, n'hésite pas. Je crois qu'on ne peut pas faire grand chose, si ce n'est s'accrocher... Kompong speu et Loma m'avait écrit il y a peu qu'on est comme des petits bouchons de liège pris dans la marée et son ressac... C'est exactement ce que je ressens... Hier, j'ai entrevu un peu d'espoir, aujourd'hui je suis à plat... Chaque jour, je fais face à ce qui se présente, au dehors et surtout au dedans de moi... Je ne vois pas quoi faire d'autre pour le moment.
Je t'embrasse. Courage à toi.

Hors ligne Orfila

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #18 le: 07 août 2016 à 09:30:12 »
Ressac. Une vague qui revient nous chercher. On la pensait un peu moins haute. Elle revient nous desoler encore davantage.  Ton fils est sa présence. Embrasse le.
Caresse le, touche le, embrasse le.
Courage à toi. À vous.

Hors ligne Stana

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #19 le: 08 août 2016 à 11:43:19 »
  Je suis heureuse de savoir que tu as pus connaître une petite embellie-d'ailleurs il n'y a pas de "petite" embellie, chaque progrès, chaque instant de mieux-être comptent, c'est toujours un répit très bienvenu qui permet de souffler un peu, de laisser "le malheur se reposer un peu, comme on dit. Ces instants précieux doivent être acceuillis et vécus dés qu'ils se présentent. Il ne faut surtout pas être tenté de culpabilisé dans ces cas-là, c'est un cadeau que la vie nous fait, et ils ne signifient pas que l'être aimé est oublié, ne serait-ce que provisoirement, que nous l'aimons moins. Ils resteront toujours dans notre cœur, c'est juste que dans ces moments-là, le deuil devient plus supportable. Tu as droit à ces rayons de soleil, c'est ce qu'aurait voulu ton conjoint.
*Où que tu sois, ne m'oublie pas. Ici, ta voix résonnera encore et toujours. C'est un nouveau monde qui s'ouvre à toi; mais c'est un monde où je ne suis pas...* (Dark Sanctuary)

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #20 le: 10 août 2016 à 00:52:11 »
Merci Stana...

Ce soir, je réalise qu'une impression m'accompagne, depuis les premiers instants, une impression qui ne m'a pas quitté d'une semelle et que je n'avais pas identifié avant... Celle que je suis seule responsable désormais de la survie de notre lien, seule garante de la survie de notre amour. Et je réalise que cette impression fait peser un poids énorme sur mes épaules et ma poitrine... Je me sens comme porteuse d'une mission qui ne tolère aucun échec, celle de trouver la voie pour sauver, sauvegarder en moi notre relation, notre amour. Celle de trouver comment ouvrir un chemin en moi pour pouvoir continuer à être avec lui, pour qu'il puisse communiquer avec moi d'une autre manière. Et mon cerveau cherche, inquiet du matin au soir, comment faire. Sans indications, sans mode d'emploi, dans un brouillard épais... Est ce cela l'essence de ce "travail de deuil"? Je réalise que la peur d'échouer et les conséquences que j'y rattache: que notre amour disparaisse, qu'il bascule dans l'oubli, me paralysent. M'empêche d'accueillir ce qui vient... J'analyse constamment ce que je vis, ce que je pense, ce que je ressens, ce que je fais...  dans l'espoir de trouver des bribes de solution... mais du coup, je crois que quelque part, je fais barrage aux émotions... Pourtant, la douleur est là, immense... Mais souvent, j'ai cette sensation qu'elle est emprisonnée, bridée, quelque part en moi. Qu'elle ne me parcoure pas librement, mais que je dois la chercher, la faire éclater, car je me sens trop en tension, sous contrôle... Cette après midi, j'ai craqué, en regardant une vidéo de lui, en écoutant des chansons... Une fois les vannes ouvertes, je me suis sentie submergée, remuée, secouée... Mes larmes, ma souffrance, tout était là. Et puis tout de suite après, sans même que je le veuille, quelque chose en moi a repris le contrôle... C'est comme si une part de moi essayait de répondre à cette tempête, à ce raz de marée qui s'est abattu sur ma vie de la façon dont on chercherait à résoudre un problème sur les bancs de l'école... Je me retrouve happé dans ce rôle de la "bonne élève" qui s'acharne à trouver LA solution à un problème insoluble, auxquels sont rattachés des enjeux démesurés... D'autres que moi ont-ils ressenti cette pression? Parvient-on toujours à recréer ce lien intérieur avec la personne qu'on aime, quoi qu'il advienne? Que de questions.... Cependant j'entraperçois le chemin particulier qu'il me faut emprunter. Celui de la confiance, du lâcher prise... Il faut que j'apprenne à apprivoiser mes peurs, mes angoisses... Et lorsque j'y parviens, je sais qu'il est là. Toujours.
Mon amour, tu me fais un sacré pied de nez... Je te vois, je t'entends... Ton absence m'oblige à affronter tout ce sur quoi tu me rassurais... Aujourd'hui c'est à moi de le faire. Je sais.... Mais tout n'est pas noir. Non, tout n'est pas noir.  Ce soir j'ai parlé de toi, j'ai évoqué des souvenirs, des anecdotes avec ma mère et une amie. Des images de toi qui m'ont faite sourire. Je souris même d'y repenser... Il y a en moi un flot d'amour, de tendresse qui ne demande qu'à continuer de couler jusqu'à toi... Je prie de trouver la force et la patience de détruire en moi tous les barrages et les obstacles... pour te trouver. Te retrouver... Je t'aime.

Hors ligne Stana

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #21 le: 10 août 2016 à 01:19:05 »
  Je vois très bien ce que tu veux dire ela. J'éprouve précisément la même chose: je me sens en communion avec mon compagnon et ça gonfle mon cœur d'une très douce émotion, et à certains autres moments-moins rapprochés que pour toi parce-que ça fait plus longtemps, mais les personnes extérieures ont tort de croire que ces moments sont anodins-l'absence, les souvenirs de lui quand il était en fin de vie sont encore très difficiles. Mais je tiens bon quoi qu'il arrive, pour lui, en mémoire de notre amour, toujours présent d'ailleurs. Je te souhaite de connaître, dans un laps de temps pas trop long, davantage de moments plus sereins.

  Une petite chanson qui évoque le deuil de manière très juste je trouve, avec une belle note d'espoir malgrès tout:

https://youtu.be/fw6jO_wbfVM

Partage  :)

Je pense à toi  :-*

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #22 le: 10 août 2016 à 13:47:43 »
Merci pour cette chanson... et pour ta réponse. Hier soir, j'ai fini mon message en disant que j'aimerais le trouver, le retrouver en moi, et juste après, en allant me coucher, j'ai reçu un magnifique signe (dont je parle dans une autre rubrique). Un signe dont je ne doute pas... Alors aujourd'hui, l'inquiétude me laisse un peu de répit et je choisis d'accueillir ce cadeau qu'il me fait. Je vais aller au jardin, faire un gâteau pour l'anniversaire d'une amie... et je sais qu'il sera là <3.

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #23 le: 11 août 2016 à 02:00:16 »
J'ai respecté mon programme, dans la joie... Tout l'après midi je t'ai parlé, tout l'après midi je t'ai senti près de moi... J'ai même cru avoir droit à un nouveau clin d’œil de ta part, lorsque j'ai perdu les clés du garage en jardinant... La dernière fois que nous avons jardiné ensemble, c'est tes clés que nous avions perdu... C'était il y a quelques mois... C'était hier... C'était il y a une éternité.... Le gâteau que j'ai fait pour C. est réussi je crois, j'en suis plutôt fière. C'est son anniversaire demain... L'an dernier, nous y étions ensemble... L'an dernier tu étais là. Ce soir, ma sœur et mon beau frère sont arrivés. J'étais heureuse de les voir et d'un coup, j'ai eu le cœur lourd. Si lourd. Lourd comme le monde. La dernière fois qu'ils étaient ici, tu étais là aussi. Et ce soir, nous étions tous assis autour de la table, comme l'été dernier... mais ta chaise était vide... Ils ont parlé du festival de jazz: nous y étions ensemble. D'une escapade à Strasbourg: je revois tes yeux et ceux de ta fille devant les illuminations de la cathédrale... Je réalise que je suis dans une bulle aseptisée ici... Et chaque changement, chaque intrusion dans cette bulle, chaque perturbation de la "retraite" que j'ai entamé ici il y a deux mois est une épreuve... Arriverai-je un jour à ressortir de cette bulle sans m'effondrer? Sans avoir le sentiment de te perdre une deuxième fois? Arriverai-je un jour à quitter ce silence dans lequel je me suis installée? A revoir des gens? A refaire des choses que j'aimais faire avant: sortir, voyager? Non. Non. C'est trop tôt. Je ne peux pas y penser pour le moment. Ça me fait peur... Le monde est tellement grand, immense, effrayant sans toi. J'ai besoin de cette bulle... Reste encore un peu dans cette bulle avec moi... Je ne veux pas, je ne peux pas penser à demain et à tous ces jours qui m'attendent. Je ne peux pas penser à ce monde si vaste que tes pieds ne fouleront plus. Ici, maintenant... c'est tout ce qui est à ma portée... Reste encore près de moi, ici et maintenant... Je t'aime.
« Modifié: 11 août 2016 à 02:02:08 par Ela »

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #24 le: 12 août 2016 à 16:36:50 »
Envie de parler de lui, de nous et de moi aussi... sans trop bien savoir par où commencer, quoi dire... Envie de trouver un moyen d'immortaliser notre histoire dans sa totalité. De créer quelque chose: un texte, une chanson, un tableau, un film... quelque chose qui contiendrait l'essence de "nous", son essence à lui surtout. Bien sûr je sais que c'est impossible. Ce que nous avons vécu, je ne pourrai jamais le recréer. Mais l'idée de distiller ce que nous avons partager pour en extraire un peu de beauté me maintient en vie je crois... Alors pour le moment, je consigne des bribes de pensées, de vécu ici. Ailleurs aussi, mais j'assume avoir besoin de ces regards, de ces réactions, de ces encouragements. Ceux que mon amour ne peut plus me témoigner aussi directement quand je me contente de lui parler dans le secret de mon cœur...
Hier j'ai souffert. Beaucoup. D'un coup. Un état de sidération, d'effondrement, de suffocation... d'un coup. Comme au premier jour. Et je vais sans aucun doute paraître masochiste si je confesse qu'entortillée dans mon désir de reprendre mon souffle et de retrouver un peu d'apaisement, il y avait un filet de joie: celle de retrouver l'intensité de la douleur liée à son absence. L'intensité du mal de lui. Et en même temps, la certitude douce-amère qu'il ne me quittera jamais. Que je ne pourrai pas l'oublier comme il m'est arrivé d'en avoir peur...
Et puis j'ai repris le contrôle... Cette faculté que j'ai de rebondir, de me ressaisir, que je maudits la plupart du temps mais avec laquelle je vais devoir apprendre à me réconcilier... Sombrer, mourir d'amour... quelque chose en moi y aspire désespérément et rage, trépigne que je sois encore debout alors que lui n'est plus là... Mais c'est ainsi. Les épreuves successives, celles d'avant aussi, m'ont fragilisée et paradoxalement rendue plus forte et je crois que je ne m'effondrerai pas... Ce que je retourne contre moi parfois en m'accusant d'insensibilité, ce sont aussi les armes qui m'aident à affronter le quotidien. Et je ne pense pas qu'il m'en veuille d'être encore debout. Je m'efforce même de croire qu'il s'en réjouit...  Assumer ça,  même timidement, même temporairement, c'est un progrès je crois...
Je suis allée à l'anniversaire de C... Il y avait du monde, je n'ai plus l'habitude. Elle était contente que je sois là je crois... Elle et les autres, ceux aussi qui ne savent pas quoi me dire, qui se montrent gênés en ma présence... Hier, je me suis sentie en paix face à eux. J'ai pu faire un pas de côté vis à vis de ma souffrance et voir la leur aussi sans la mépriser: celle d'être impuissants face à ce que je vis. J'ai parlé un peu de tout et de rien avec les uns et les autres... J'ai fait un peu semblant, comme toujours, mais ça va... Et puis quand ça n'allait plus, je suis partie. Et j'ai vu dans le regard des autres qu'ils lisaient la profondeur de ma tristesse dans mes yeux. Ça m'a fait du bien qu'ils le voient. De ressentir qu'ils l'avaient vu. Je n'ai pas eu à parler, à me forcer. Je n'ai pas cherché à donner le change. Un autre petit pas en avant pour moi je crois. Un petit pas que je note pour ne pas l'oublier.
Et aujourd'hui, cette envie, de noter quelques bribes de notre histoire... Comme ça, en vrac... Ce besoin de lui rendre le rôle titre dans ce que je vis, ce rôle que ma douleur liée à son absence s'accapare le plus souvent, le repoussant dans l'ombre... Autre paradoxe... Cette impression que dans ma souffrance, je pense à lui continuellement, sans y penser vraiment... Voilà, donc:
Je l'ai rencontré, par un heureux hasard que j'appellerai destin, sur les marches de l'opéra de Toulon... On a commencé à parler, comme ça... Sans raisons particulières... Attirés comme deux aimants (d'ailleurs, c'est drôle ce double-sens du mot "aimant")... Ce soir là, j'avais prévu d'aller au cinéma, voir "le grand Budapest Hôtel"... Je connaissais à peine son prénom, (celui, comme je l'ai appris plus tard, qu'il s'était choisi)... pourtant je l'ai invité. Nous y sommes allés ensemble... A ce moment là, je ne crois pas que j'étais amoureuse de lui. Je suis même certaine que je ne cherchais pas à le séduire... C'est ça le plus étrange.... Il me semble simplement que je ne pouvais pas faire autrement que de rester avec lui. Que je ne pouvais pas faire autrement que de le faire entrer dans ma vie, comme ça. Tout simplement. Après le cinéma, nous avons parlé. Longtemps... Petit à petit, je l'ai trouvé de plus en plus mystérieux et fantasque aussi... De plus en plus proche de moi et en même temps, totalement inaccessible... Cette impression de m'a jamais quitté par la suite... Il parlait totalement librement, de ses émotions les plus profondes et les plus intimes, de ses rêves, de ses croyances... Des expériences qu'il avait faites aussi, à la limite de ce que mon cerveau alors un peu trop cartésien était capable d'entendre sans les assimiler à de la "folie". Oui, je le trouvais un peu "fou"... Je me souviens m'être dit: "il est peut-être psychotique ou je ne sais quoi"... Je m'en veux à présent de  toutes ces pensées, mais à l'époque je ne savais pas... Poser des étiquettes sur le monde et les gens devait me rassurer, même si bien sûr j'aurais été bien incapable de l'admettre... Et pourtant, malgré tous mes doutes, mes questionnements, comme il se faisait tard, je lui ai proposé de rester dormir chez moi. Je n'éprouvais toujours pas d'élan amoureux particulier envers lui. Pas de coup de foudre "à l'américaine"... Mais indéniablement, un coup de foudre d'un autre genre... Profond, inéluctable. Aussi étrange que cela puisse paraître, je n'avais pas d'idée derrière la tête. Je ne saurais expliquer ce qui m'a dicté ma conduite, à ce moment là. C'est comme si quelque chose avait pris les commandes en moi. Tout s'est fait simplement, comme une évidence. Il est donc resté dormir, dans mon épouvantable petit studio. Nous sommes restés allongés, côté à côté, sans nous toucher, nous effleurant à peine de temps en temps... Et puis le lendemain, il est reparti...
Et puis le lendemain, ou le surlendemain je ne sais plus: je l'ai revu, sur la petite place en bas de chez moi, à la table d'un café. Il m'a fait un signe de la main et est venu me rejoindre. Habillé de toutes les couleurs, comme toujours. Il m'a rejoint, m'avouant qu'il passait par là dans l'espoir de me croiser. Il parlait fort, riait aux éclats... Moi je savourais sa présence, tout en me recroquevillant un peu sur ma chaise, honteuse de me sentir malgré moi touchée par les regards en biais des serveurs qui visiblement, passaient au crible ce drôle d'oiseau coloré et sa verveine menthe. Nous sommes restés ensemble, encore, longuement... Et puis les souvenirs et la chronologie se mélangent un peu dans ma tête... Je le revois, en bas de chez moi avec sa fille. Sa magnifique puce qui le rendait si fier et qui avait alors 9 ans. Sa fille, son trésor: si intelligente, si lumineuse. Je me revois découvrir son appartement de l'époque, ces tentures multicolores tendues au plafond: on se serait cru dans une tente berbère. Et partout des dessins de sa fille, de objets sans aucune valeur pécuniaire mais emprunts d'une valeur sentimentale bien plus grande: des fleurs séchées, des pierres, des morceaux d'écorce, des petites figurines, des instruments de musique... Et cette odeur, d'épices, de papier d’Arménie, d'eau de cologne... L'odeur de la vie, l'odeur du bonheur... gravée à jamais en moi... Et puis doucement, les choses ont évolué entre nous... Doucement pour moi et entre nous, car il voulait respecter mon rythme, et beaucoup plus soudainement pour lui. Il m'a très vite avoué qu'il m'aimait. Bien que dans son cas, le mot "avouer" ne convienne pas. Il n'avait rien à cacher, donc rien a avouer... Il n'y avait aucune distance entre ses pensées, ses émotions, ses paroles, ses actes... Il m'a dit qu'il m'aimait, avec des mots forts, enflammés... Il m'a dit qu'il m'aimait sans aucune gêne, sans aucune peur, sans aucune entrave... Il s'est livré, mis à nu, alors que nous nous connaissions à peine... J'ai eu peur. J'ai toujours eu peur... Même maintenant, si je n'y prends pas garde, je me sens comme "pressurisée" par la force de ses sentiments... Mais il y avait toujours cette force en moi, qui, en quelques sortes, savait. Qui a fait que j'ai plongé, que j'ai osé, que je suis restée au lieu de m'enfuir. Il m'est arrivé de me sentir perdue dans notre relation... Inquiète. Moi qui ai toujours revendiqué fièrement mon autonomie, mon indépendance. Moi la célibataire endurcie, j'ai perdu tout contrôle. J'ai eu peur d'être engloutie, de m'oublier... Aujourd'hui, je regarde notre histoire et certaines choses m'apparaissent dans toute leur évidence... Je trouvais parfois qu'il allait trop vite. Que les choses allaient trop vite entre nous... Je ne comprenais pas cette urgence. Cette urgence de vivre. Maintenant, comme je la comprends. C'est comme s'il savait. Comme si nous savions. (D'ailleurs, étrangement, je pense vraiment, aussi brutale qu'ait été sa mort, qu'une part de nous savait... Il a écrit un texte la veille de son départ incroyablement troublant. Quant à moi, je suis retombée sur un dessin que j'ai fait de lui, il y a environ un an (bien avant son départ) où je le représente, la main sur son coeur fissuré, mis à nu par un trou béant dans sa poitrine. Je ne me l'explique pas..). Cette urgence de vivre notre amour, donc,  prends tout son sens aujourd'hui. Alors comme je lui suis reconnaissante de m'avoir brusquée un peu, secouée, sortie de mes repères... Et comme je suis heureuse de ne pas avoir succombé à mes peurs et d'avoir continué à marcher à ses côtés... Pas seulement par respect pour la force de ses sentiments à lui, mais parce qu'aujourd'hui, je comprends réellement l'intensité de ceux que moi-même j'éprouvais et éprouve plus que jamais pour lui... à travers cette absence, qui me révèle tant de choses... Parfois je me désespère devant l'absurdité de la vie. Maintenant que j'ai compris tout ça, pourquoi faut-il que nous soyons séparés? Et puis je repense à tous ces signes, toutes ces synchronicités, toutes ces choses qui nous ont amenés à nous rencontrer, à cheminer ensemble et je me raccroche à la conviction que nous nous retrouverons... Oui, d'une façon ou d'une autre, j'y crois... En attendant, je sens, je sais qu'il vit en moi. A travers moi. Son regard sur le monde, la vie, les gens... notre amour... tout, tout ça, est gravé en moi. Je souffre et souffrirai encore, je douterai de nouveau, je serai rattrapée par mes peurs... certainement surement. Mais la tempête peut bien ravager la surface, il y a un trésor qui repose, serein, protégé, en profondeur... <3 Merci mon amour. <3
« Modifié: 12 août 2016 à 20:12:26 par Ela »

Hors ligne dom1

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #25 le: 14 août 2016 à 11:33:20 »
Je te lis avec beaucoup de soin.
Pas simplement de l'empathie, non une forme d'admiration.
Tes qualités humaines explosent ici, un peu comme des grains de maïs chauffés dans une poêle pour créer des pop-corns.
Ton chéri me rappelle tant Nathalie que j'en suis très ému.
Troublé.
Tu es comme moi sur le fil du rasoir coupant de la vie.
Des signes d'elle ?
Oui, j'en reçois presque journellement.
C'est très déstabilisant et en même temps presque jouissif.
Je n'ai pas peur de ce terme.
Puis la fameuse question: " qui de la poule ou de l'oeuf, etc".
Comme toi, mon esprit cartésien reprend la main assez vite.
Sauf que quand mes yeux se remplissent de larmes lorsque se dévoile devant moi un signe dans une image, une
chanson, un mot, quelque chose d'elle, cet esprit cartésien se met en veille.
C'est une expérience que je ne pouvais imaginer vivre un jour.
Je ne sais pas si ton chéri a vécu un deuil avant de te connaître ?
Je sais aujourd'hui que Nathalie en a vécu un qui a la même teneur que le mien.
Je me dis, peut-être naïvement, mais tant pis, qu'elle pensait que je serais assez " costaud " pour tenir le choc de son suicide.
Je pense que je le suis.
Grâce à elle.
Je crois qu'elle m'aide.
Son souvenir me brise et en même temps ou autrement ou à d'autres moments, il m'aide.
Elle m'aide.
Paradoxal ?
Oui.
Non seulement ça, mais lorsque viendra mon heure de mourir, car elle viendra, elle m'aidera.
Elle m'aidera.
Je le sais.
Je ne sais pas pourquoi, mais je le sais.
 
" Mourir d'aimer ", cette expression que je voyais comme désuète, par le passé, me devient familière.
Des fragments de cette idée de faire comme elle, me titille le cerveau.
Comme la majorité de ceux qui vivent ces moments là.
Pourquoi se le cacher.
Mourir d'amour...
Pourtant, je sais que je ne le ferai pas.
Notre amour, sans être le vrai moteur à été le déclencheur de sa mort.
Tu comprends évidemment, je le sais, ce que cela induit dans ce moment de vie particulier que l'on vit à fleur de peau.
L'idée que le bonheur créait le malheur.
L'idée que notre amour l'a tuée.
Une idée folle ?
Non, une réalité.
Tout comme son geste.
Un geste fou.
Absurde.
Mais toute mort est stupide, absurde.
Ainsi,tout ce qui traverse tes pensées me traverse aussi.
Comme si nous étions 2 jumeaux d'un deuil liés à 2 " belles " personnes.
De ces personnes qui te font grandir.
Bien sûr, toute perte et ce site en est la preuve, est unique.
Cette alchimie humaine qui permet ces rencontres là est fascinant.
Le suicide de Nathalie me reste incompréhensible et absurde.
Je lui en veux et je m'en veux de lui en vouloir.
Et je m'en veux aussi.
Ce manque est si puissant.
Je lis dans tes écrits toute l'agilité qu'il faut pour transformer ce manque imposé en une force de vie.
Je suis persuadé que tu es sur la bonne voie.
Continue à t'exprimer, pour toi, mais aussi pour ceux qui te lisent car tu possèdes en toi des clefs que d'autres ne peuvent avoir.
Et je pense que c'est ton chéri qui te les a données et te les donne encore.
Je doutais du fait qu'il fallait exprimer ses sentiments et que ça pouvait paraître incongru. Et plus j'avance et plus je comprends qu'au contraire, il faut les faire sortir.
Tout comme les cris.
Tout comme les questions.
Car nous savons tous ici, consciemment ou pas, que nous sommes en train de muer, de changer de peau, de devenir quelqu’un d'autre, et qu'ainsi , et évidemment, nous ne pouvons pas savoir qui nous serons demain.
Cette mue est une souffrance.
Et comme tu l'as compris, ces êtres chers que nous pleurons, feront avec nous ce que nous deviendrons.

Je voudrais te donner tout le courage que j'ai parfois en rab pour t'aider quand c'est lourd.
À distance, sache que je pense à vous.




« Modifié: 14 août 2016 à 13:42:50 par dom1 »

Hors ligne Ela

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #26 le: 15 août 2016 à 00:34:19 »
Merci Dominique. Ton message m'a et continue de me mettre du baume au coeur... Je suis touchée moi aussi par tes paroles et par ton histoire, et aujourd'hui: heureuse de voir que tu sembles renouer avec la lumière qui émane de ta relation avec Nathalie. Que cette lumière se fraie un chemin en toi, entre la douleur et l'obscurité. Tu emploies le mot paradoxe et je crois que ce mot en dit long: sur le travail de deuil mais aussi sur les relations humaines, sur l'amour. Tant de paradoxes en nous. Tant de paradoxes entres nous... Mais je crois que toute vérité est issue d'un paradoxe et que pour la toucher du doigt, il faut s'avoir accueillir, embrasser la réalité dans sa totalité: avec ses hauts et ses bas, ses pleins et ses creux, sa beauté et sa laideur, ses joies et ses peines, ses ombres et sa lumière... Dans ce que je vis et dans les histoires que je lis ici, tant de questions sans réponses, de peine, de colère, de culpabilité... et en même temps, tant de beauté, de joie, d'espoir... Je me plais à croire qu'au final,  tous ces états ne sont que des formes que revêt l'amour que nous portons en nous...
Aujourd'hui (14 août), cela fait 4 mois que mon amour nous a quittés... Je me suis réveillée d'humeur plutôt sereine, ai tenté de me faire un peu jolie pour aller marcher sur un sentier en forêt que nous avons emprunté ensemble... J'étais même un peu excitée, comme si je me préparais à le rejoindre pour un rendez-vous galant. Une fois seule, sur le chemin, entre les arbres... tous ces souvenirs qui sont remontés. J'ai eu mal... je n'ai pas réussi à me maintenir dans la joie... J'ai pleuré et j'ai continué d'avancer, dans une sorte de brouillard... Je lui ai parlé. A un moment je l'ai senti si proche, et l'instant d'après, loin, si loin. Loin comme je ne l'avais pas encore perçu... J'ai senti d'un coup la réalité froide, implacable de cette distance qui nous sépare. J'ai entrevu comme je ne l'avais pas encore fait il me semble, ce que signifie réellement son départ. J'ai pris conscience, l'espace de quelques secondes, que je ne le reverrai pas dans cette vie-ci... Puis quelque chose en moi a comme "ravalé" cette idée, cette idée trop absurde pour que je sois capable de lui accorder un quelconque crédit. Cette idée qui je le constate, n'a pas encore fait son chemin en moi et m'apparaît irréel. Cette idée que j'entends, que je me répète sans toutefois la comprendre... Je sais, et en même temps je ne réalise pas... Et ce soir, je me demande si je réaliserai un jour. Pour l'instant, il me semble que je vis dans l'attente. L'attente de son retour, l'attente de ses signes, l'attente d'une explication, l'attente de quelque chose qui viendra apporter un éclairage sur ce que je vis et dissiper un peu la brume... Je ne sais si c'est une bonne chose ou non, si je vais rester coincée dans ce monde fait d'espoirs (d'illusions?) mais pour l'instant il me semble tout simplement que je ne peux pas faire autrement...
Il me manque tant... Ce manque, c'est un peu comme si je m'étais réveillée un matin avec des ailes et la faculté de voler, de découvrir le monde à travers de nouvelles perceptions, et que d'un coup, ces ailes m'étaient arrachées... Je peux toujours marcher, respirer, sentir... Je survis et même: je vis. J'éprouve des joies au milieu de mes peines. Mais tout est plus terne. Je ne peux plus voler. Le piment de mon existence s'en est allé et c'est si dur d'apprendre à ré-apprécier la chance d'avoir deux bras, deux jambes quand on a perdu ses ailes...
Mon ange, je prie pour que tes ailes à toi te portent vers un monde d'harmonie, de joie profonde, de douceur... Et un peu plus égoïstement, je prie pour que ce monde ne soit pas trop éloigné du mien et pour que tu continues à m'y réserver une petite place...
Je vous embrasse et vous envoie à tous mon soutien et mes pensées les plus affectueuses.

Hors ligne dom1

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #27 le: 15 août 2016 à 01:33:45 »
Coucou,
Ce sont des " passages " obligés, ces moments où leur absence nous saute à la gorge et nous tire les larmes. Au hasard d'un chemin, d'un endroit, d'une situation.
Sache que je les vis aussi et que c'est le cas de tout ceux qui vivent un deuil.
Le Manque né de l'Absence.
Admettre la réalité, son absurdité.
La Réalité de son Absence irréversible.
La Réalité de l'absurdité de la Séparation irréversible.

Il faut beaucoup de temps pour cela.
Personnellement, je suis encore loin de l'avoir admis.
Comme admettre la Réalité de son geste.

Courage.
Nous y arriverons.
Pour eux et grâce à eux.

Dominique

Hors ligne Orfila

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #28 le: 15 août 2016 à 13:22:39 »
Ela,

J'ai eu la même image des ailes. Mais les ailes cassées. Pas seulement qu'il n'y en a plus. Qu'elles sont brisées. Qu'elles pendent sur mon dos.
J'étais franche, et  entière,
on m'a arraché.

Moi aussi Ela,  j'ai ce sentiment que l'intensité de notre Amour était une urgence
deux ans d'intensité impérieuse d'avaler la vie, de l'engloutir, au point d'être tétanisés d'Amour:
il nous arrivait de ne pas pouvoir se décoller du lit une journée entière tellement nous ne pouvions pas nous séparer
comme toi, Edouard est arrivé chez moi, dans mon appart en bordel, et je lui ai dit: "vous savez, vous pouvez dessiner sur les murs" je lui ai donné des craies, et il a barbouillé ses dessins joyeux et pleins de couleurs comme il aimait en peindre
on riait tant
j'étais son clown
il était mon coeur
mon coeur ne bat plus/ et l'autre qui continue

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Re : Mon amour est parti au mois d'avril
« Réponse #29 le: 23 août 2016 à 19:38:49 »
Merci pour vos messages... Je reviens après une semaine d'absence. Je suis descendue dans le sud, voir la fille de mon chéri. c'était son anniversaire, elle a fêté ses 12 ans. Ses 12 ans sans son Papa, ses 12 ans que nous devions fêter ensemble en Alsace... Globalement, cette semaine m'a fait du bien je crois. A elle aussi j'espère. Parler de mon chéri avec sa fille, de nos souvenirs... Vivre de nouveaux instants ensemble, des jeux, des baignades... mais le cœur serré, toujours. Mes parents, ma sœur et son mari étaient là aussi: j'ai beaucoup parlé avec eux. Et avec mon beau-père, avec des amis de mon amour... Des instants qui rappellent que la vie peut être belle et en même temps: qui font mal. Mal parce qu'il n'était pas là.
Puis ce besoin de repartir, ce soulagement d'être de retour en Alsace dans ma solitude. Soulagement de courte durée... Parce qu'à mon retour, tout est là qui m'attend, intact. La même souffrance, qui petit à petit, s'est métamorphosée mais  qui, malgré les différentes formes qu'elle revêt est toujours bien présente... Les mêmes questions... Les mêmes incertitudes... La même impossibilité de me projeter plus loin que demain...
Et puis cette fatigue... Cette fatigue avec un immense "F" qui me fait repousser toujours plus loin le moment où je me lèverai le matin, qui me fait souhaiter l'heure du coucher devant l'angoisse de ces longues heures sans lui qui se succèdent, puis qui m'empêche de dormir lorsque à nouveau je rejoins ma chambre. Cette fatigue qui me donne l'impression qu'il y a quelque chose de terriblement sombre et gris qui s'interpose entre moi et ce ciel bleu d'été qui me nargue dehors.
Cet état, malheureusement, je le connais et je le crains plus que tout. Il distille lentement et sournoisement un terrible poison dans mes veines. Celui de l'extrême lassitude, du désespoir, de l'ennui, du désintérêt, de la morosité... Sans mon amour, j'ai l'impression de m'éteindre. Petit à petit, inévitablement...
Je crois que dans les premiers mois, j'étais comme tenue par la relecture de notre histoire. J'étais persuadée que tout cela avait un sens: notre rencontre et même, d'une certaine façon, son départ. Je m'imaginais qu'il avait été rappelé ailleurs, mais que nous étions toujours liés, comme deux personnages d'une épopée fantastique, séparés par les épreuves pour mieux se retrouver après... Je me raccrochais aux signes que j'ai pu recevoir... La douleur était plus vive, mais tout en moi était aux aguets, en éveil... Ma sensibilité exacerbée à l'affût de la moindre trace de lui, de "nous". J'étais dans l'attente de quelque chose... Je le suis toujours je crois. Ma foi ne m'a pas quittée: j'ai trop d'éléments de notre histoire en tête qui m'interdisent de tout remettre en question et de détruire le sens que j'ai pu construire. Et de toute manière, je n'ai aucune envie de détruire ce sens. Lui seul me donne l'énergie de continuer...
Seulement, malgré les signes, malgré la foi dans l'idée que la mort est une nouvelle naissance, malgré l'intuition que notre rencontre n'était pas pur hasard... je réalise petit à petit que je ne le reverrai pas. Du moins pas avant ma propre mort. Je réalise que les intuitions que j'ai citées sont les seules choses auxquelles je pourrai me raccrocher pour reconstruire quelque chose. Je réalise qu'il me faudra me relever et avancer sans jamais pouvoir être certaine que même s'il vit encore d'une façon ou d'une autre, il ne m'a pas oubliée. Sans pouvoir être certaine qu'il m'aime encore. Je réalise que toute ma vie, j'aurai cette amour pour lui dont je ne sais pas quoi faire, ni quelle place lui accorder en moi.
Je sais désormais que je ne l'oublierai jamais, mais après seulement 4 mois et une semaine, je réalise déjà qu'une part de mes souvenirs va irrémédiablement s'estomper, perdre de son intensité, de sa précision... devenir plus vaporeuse, impalpable. C'est déjà un peu le cas...
J'ai l'impression d'être assise sur un rivage et de le regarder s'éloigner, sans rien pouvoir faire pour le retenir. Et dans ses mains, il emporte une partie de moi... Voila, c'est ça. Ce sentiment d'impuissance. Qui me plombe. Qui m'ôte toute énergie quand il ne me culpabilise pas... J'en suis là. Assise sur ce rivage à regarder sa barque qui s'éloigne, comme paralysée. Incapable de me relever et de tourner le dos à la berge, par peur de le manquer s'il se rapproche, par peur de ne pas entendre s'il m'appelle, de ne pas voir s'il me fait un signe. Je suis assise sur ce rivage et je ne peux pas, je ne veux pas me relever.
 Et en même temps, il y a quelque chose en moi qui rage, qui bouillonne... Quand j'ose quitter la barque des yeux un instant, je vois derrière moi des gens qui s'amusent, qui rient, qui font la fête, qui vivent... Je rage d'être coincée sur cette berge du haut de mes 26 ans alors que d'autres profitent de la vie, insouciants. Je rage de comprendre que même si un jour je quitte cette berge et rejoins la fête, une partie de moi sera toujours ailleurs, le regard au loin. Surtout, je rage de me dire que mon amour ne sera plus avec moi dans cette fête. Et je me désespère de ne pouvoir entendre sa voix qui m'indique ce que je dois faire. Ce qu'il aimerait que je fasse.
Il était et il demeure l'amour de ma vie. Il était mon premier véritable amour. Ma première relation sérieuse. Le premier avec lequel j'ai essayé de construire quelque chose. Le premier avec lequel j'ai pris des risques. Le premier avec lequel je me suis jetée à l'eau sans bouée de sauvetage... Il était est il demeure l'amour de ma vie: LA rencontre. Celle qui justement, vous fait dire: là, j'ai fait une rencontre. Une vraie. Une qui vous bouleverse. Une qui vous secoue. Une qui vous marque. Une qui reste gravée, qui vous marque à jamais. J'ai tout appris de lui et en premier lieu: à quelle point la vie est belle. Il aimait la vie. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui aimait la vie à ce point tout en étant tellement en paix avec son dernier cadeau: la mort.
C'est tout ce qu'il me laisse. Cette graine de confiance. C'est un cadeau magnifique et en même temps quelle ironie. Quelle injustice... Je ne lui en veux pas, mais je me sens comme abandonnée... Délaissée.... Avec un poids trop lourd pour mes petites épaules... Et j'ai ce cadeau qu'il m'a fait entre les mains et je ne sais pas quoi en faire... La vie est belle. D'accord. Et après? Sa fille m'a dit l'autre jour, du haut de ses 12 ans: "j'espère qu'un jour, tu retrouveras l'amour. Mais bien sûr, tu seras obligée de me le présenter. Et bien sûr, il ne pourra pas être aussi cool que Papa. Et puis, si tu as un bébé, je pourrais être la marraine?"... Je suis restée sciée. Comme je l'aime cette petite. Et comme elle comprend des choses de moi que moi-même je cherche à repousser dans l'ombre...
L'avenir me terrorise parce que tous, tous, tous les aspects de ma vie se sont écroulés lorsqu'il est parti. Les seuls projets que j'ai envie d'envisager, de concrétiser, sont ceux qui me rapprochent de lui et en même temps, je me demande si je ne réaliserai pas un jour que tel Don Quichotte, j'aurai usé du temps dont je dispose pour lutter contre des moulins à vent... Gâchant par la même occasion le cadeau, cet amour de la vie, que mon amour m'a fait par le biais de notre rencontre. J'ai peur de le trahir en prenant les mauvaises décisions. J'ai peur d'avancer et de l'abandonner. J'ai peur de vivre et qu'il choisisse de s'en aller. Comme si dire oui à la vie, c'était lui dire au revoir une deuxième fois.
J'ai envie de lui promettre la fidélité. J'ai envie que ma vie passe en un éclair. D'être à la fin et de pouvoir me retourner en me disant qu'elle a été belle malgré tout et que je lui ai fait honneur, sans pour autant avoir à la vivre. Ainsi, je pourrais mourir en paix et être avec lui, sans avoir à affronter tous ces choix qui se présenteront peut-être un jour et qui me terrifient tellement que j'ai du mal à les évoquer.... Et pourtant, ces perspectives, elles sont là, avec le manque, la souffrance... elles grossissent la boule au niveau de mon estomac: est ce qu'il comprendrait si je prenais telle ou telle décision? Est ce qu'il serait fier de moi? Et surtout, la pire de toutes les inquiétudes: est ce qu'il m'attend? Est ce que je le retrouverai si je renonce à retrouver l'amour un jour? Est ce qu'il se sentirait trahi si je devais rencontrer quelqu'un? En serai-je seulement capable?
Au moment d'écrire ces mots, je ressens comme une sorte de dégoût, de nausée... Je déteste ces pensées qui s'imposent à moi alors que tout le reste: mon cœur, mes émotions... n'est absolument pas prêt à les accueillir... C'est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop tôt... Mais parfois je n'en peux plus. J'ai l'impression qu'il me faut des réponses. Je n'en peux plus d'être bloquée dans ce quotidien qui me vampirise. Sans espoir. Sans perspectives...
Mon amour, je ne veux que toi. Et plus encore: je ne veux que ton bonheur, ta félicité.... Mais que faire? Qu'est ce que je dois faire?