Merci à toutes, du fond du cœur pour vos messages. Votre écoute, la douceur avec laquelle vous avez accueilli mes paroles ainsi que la rapidité avec laquelle vous m'avez témoigné vos marques de soutien me touchent beaucoup. J'ai pris le temps de lire un peu les récits de certaines d'entre vous aujourd'hui et suis très touchée par ces témoignages. J'aimerais un jour, prendre le temps d'apporter à d'autres la même écoute que celle qui m'est accordée. En attendant, je tiens à vous dire que je suis sincèrement désolée que chacune ait à endurer de telles épreuves et en même temps, je trouve du réconfort à retrouver dans certains messages les mêmes émotions, craintes et espoirs que ceux que je rencontre sur mon chemin. Aujourd'hui, j'ai oscillé entre des moments de lassitude, de tristesse, d'angoisse et d'accalmie... J'ai malgré tout réussi à me motiver à dessiner: un portrait de mon amour, moi et sa fille, lors d'une sortie à la neige, que je tacherai d'envoyer à sa puce dès demain. Car oui, il a également du quitter sa merveilleuse fille de 11 ans, issue d'une précédente union et qui vit désormais entièrement chez sa maman, dans le Var. Quant à moi, je suis retournée vivre chez mes parents en Alsace, à l'autre bout du pays... Je me sens parfois dans la 5ème dimension: téléportée ici, du jour au lendemain, si loin de tous les repères de notre vie commune, après avoir du faire précipitamment le tri dans ses affaires et quitter notre appartement. Et sa fille, que j'aime tant et qui est si loin, à qui j'aimerais apporter mon soutien du mieux possible tout en me sentant impuissante du fait de la distance... C'est terrible, d'être si loin des lieux, des atmosphères, des personnes, de toutes les petites choses empruntes de nos souvenirs. J'ai souvent l'impression, du fait de ce déracinement géographique, que nous sommes séparés depuis une éternité. En même temps, je sens bien que pour mon propre équilibre, il me fallait revenir ici. Que je n'aurais pas supporté de rester "seule" dans la ville où nous avions emménagé ensemble il y a moins d'un an, d'autant plus que malheureusement, au lendemain de son départ, de vieilles tensions irrésolues se sont réveillées dans sa cellule familiale. Ici, j'ai le soutien de mes parents, qui tentent de m'accompagner tant bien que mal. Je suis au repos, à la campagne. Je me laisse "chouchouter"... En même temps, je réalise bien que je suis en train de me lover dans un univers coupé du monde. Je réalise que les accalmies dans ma souffrance qui me donnent parfois l'impression d'oublier mon chéri viennent aussi de ce que je me maintiens dans un univers très solitaire, fait de silence et... de silence, dans lequel je suis totalement coupée du monde extérieur. Mais ce silence, s'il m'est souvent pesant, je le recherche également car j'ai l'impression de l'y retrouver. Seulement, je sais que cette situation ne pourra pas durer éternellement. Mais la perspective de rechercher du travail(car je suis pour l'instant sans emploi), de recouvrer mon autonomie me semble pour le moment inaccessible... Si je ne suis pas tout à fait effondrée, c'est aussi parce que je ne me suis pas encore confrontée à cette réalité: Il me faut tout redémarrer. J'ai bien revu quelques amis, à l'une ou l'autre reprise, mais souvent, ces rencontres m'épuisent. Je me sens en décalage total. J'entends les gens parler de leurs projets de couple, leurs vacances, leur boulot... J'ai deux bonnes amies avec qui j'ai pu parler un peu, mais personne dans mon entourage ici ne connaissait réellement mon chéri, du coup, parler de lui ne me vient pas aisément, et les conversations retombent vite sur ma souffrance, ma peine, etc. ce qui tantôt peut m'aider un peu, mais me fatigue également. En fait, je réalise en l'écrivant que de ne pas avoir auprès de moi un ami, quelqu'un qui le connaîtrait bien et avec qui je pourrais parler de lui me pèse énormément. Mon chéri était un être exceptionnel (et je ne le dis pas juste parce que je l'aime ^^). Un personnage, totalement atypique. Il était à la fois incroyablement sociable, proche des gens, et totalement "électron libre", un peu (beaucoup diraient certains) marginal. Il laissait rarement les gens indifférents, marquait les esprits. A la cérémonie, pour lui rendre hommage, beaucoup de personnes de tous horizons se sont déplacées et m'ont évoqué avec sincérité à quel point leur rencontre avec mon homme les avait marqué. Ce qu'il y a, c'est que mon chéri était quelqu'un de totalement entier, intègre, qui ne mâchait pas ses mots et ne se pliait pas aux pressions des groupes, aux modes... n'arrondissait pas les angles par peur des jugements, ne posait aucune parole et aucun acte s'il ne trouvait pas en lui même une bonne raison de le faire. Quitte à parfois être incompris ou sembler totalement en décalage. Il renvoyait beaucoup de choses aux gens en miroir, ce qui fait qu'il avait systématiquement des discussions très profondes et à coeur ouvert, même avec de parfaits inconnus, mais le rendait également agaçant ou dérangeant par moment, aux yeux de certains. Moi même j'ai pu ressentir tout cela en étant avec lui, ce qui m'a énormément enrichi même si ça n'a pas toujours été simple pour nous de trouver un équilibre. Il avait une foi énorme, en la vie, l'Homme, la nature. Il écrivait énormément: de chansons, de poésie. Il avait vraiment un petit côté déjanté: toujours original dans ses réponses, sa façon d'analyser les choses, de résoudre un problème... Un côté presque un peu "mystique" aussi (allez, j'ose le mot), qui le rendait parfois incompris, même jugé, moqué (ce qui pour moi était insupportable) alors que dans le fond, ses paroles étaient toujours pleine d'une infinie sagesse. Il parlait à tout le monde: sans distinctions d'âge, de religion, de nationalité, d'origine sociale... J'étais toujours étonnée de voir toutes les personnes qui le saluaient et qu'il saluait. Il avait un lien particulièrement puissant avec les gens de la rue, les galériens, les incompris, ceux qui ne cadrent pas avec les attentes de notre société. Cependant, s'il avait quelques personnes autour de lui, dans le sud, qui sont restées proches de lui au quotidien, beaucoup entretenait avec lui une relation en dent de scie... D'après moi, beaucoup le voyait un peu comme un feu: qui attire quand on a besoin de se réchauffer ou de lumière, et qu'on fuit parfois: parce qu'il nous aveugle ou peut nous brûler. Ce qui fait qu'il y a très peu de personnes avec qui je peux partager des anecdotes du quotidien le concernant. Et pourtant, comme j'aimerais qu'il y ait davantage de gens conscients de qui il était dans toutes ses nuances. Qu'en plus de sa douce folie , de son intégrité, de son côté borné/obstiné, colérique parfois aussi, il avait en lui des trésors de joie, de bienveillance, d'humour, de douceur, de réserve, de fragilité... Je suis immensément, incroyablement heureuse et pleine de gratitude de l'avoir rencontré. C'est la première fois de ma vie que j'ai autant le sentiment d'avoir fait une "rencontre". Comme si c'était écrit, que cela devait avoir lieu. Et il y a tant de signes, de petites choses survenues au courant de ces deux dernières années qui me confortent en ce sens. Et maintenant, que faire? Que faire de tout ça? Je sais déjà que ma vie sera changée à jamais, et j'ai l'espoir et la volonté de tirer quelque chose de positif de tout ce qui arrive. Je crois réellement comme toi Stana que la mort n'est pas une fin, mais une transformation. Que mon amour est encore là quelque part, autrement, différemment et que nous ne sommes pas totalement séparés, voir même que nous nous retrouverons. Cependant, c'est si dur parfois, de poser toutes ces questions et d'avoir ce silence assourdissant pour réponse... Je vais en rester là pour l'instant je crois. Ca m'a fait tant de bien de parler de lui. Je crois qu'une partie de la clé est là: réussir à se tourner vers lui, vers qui il est et vers les autres et se décentrer de sa souffrance. Demain, j'essayerai de me remettre un peu au jardinage pour prendre soin de cette Terre qu'il aimait tant (et qu'il continue à aimer, j'en suis sure). Bonne nuit et une pensée affectueuse pour vous toutes.