Auteur Sujet: Livres deuil conjoint ou autre parent  (Lu 1133 fois)

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Hors ligne Eva Luna

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Livres deuil conjoint ou autre parent
« le: 13 avril 2024 à 22:20:22 »

Un livre:

La Gosse», just the two of us

«Ça fait deux semaines que le père de la gosse est mort, l'école séchée sans avoir à fournir de mot d'excuse, le boulot, c'est plus compliqué. C'est que le code du travail n'a pas vraiment prévu les cas comme le mien. J'ai vérifié sur internet. Le “congé pour décès” c'est cinq jours pour le décès d'un enfant; trois jours pour le décès d'un conjoint, partenaire de PACS ou concubin; trois jours pour le décès du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d'un frère ou d'une sœur. Rien n'est précisé pour les fois (ça arrive) (la preuve) où le père de son gosse (avec lequel on était séparés et fâchés) meurt, faisant dudit gosse un semi-orphelin.»

À l'âge de 11 ans, la gosse de Nadia Daam a perdu son père. Guacamole à foison et tipi dans le salon, il a fallu panser les plaies puis tenter de reprendre une existence d'apparence ordinaire. La journaliste raconte ce deuil, mais pas seulement. Avec tendresse, admiration et acidité, elle décrit la façon dont sa fille s'est construite, et dont, en parallèle, elle-même a façonné son statut de mère. Car si les raisons de s'inquiéter pour sa précieuse progéniture sont multiples, celles de lâcher l'affaire sont quasiment aussi nombreuses.

C'est un ballet à deux qu'orchestre Nadia Daam dans ce qui ressemble à la plus belle déclaration d'amour faite par une mère à sa fille. Mais La Gosse est aussi une ode implacable au quotidien, fait de tartines de Kiri et de verres de blanc, de soirées Netflix et de calculs d'IMC. Cela pourrait être d'une banalité effroyable, ou bien sonner comme une succession décousue de chroniques anecdotiques, mais c'est le contraire qui se produit. L'autrice trouve sans cesse le ton juste, pratiquant un humour ravageur, sans pour autant se dissimuler sans cesse derrière des blagues.

Car sans avoir l'air d'y toucher, La Gosse dit parfaitement l'angoisse qu'il y a à être le parent A quand il n'y a plus de parent B, et cette impression d'avoir plus que jamais l'interdiction de merder ou de mourir. Et finit par retourner parfaitement le stigmate en s'intéressant à cette bascule qui survient peut-être bien avant les années Ehpad: à quel moment la responsabilité commence-t-elle à changer de camp, poussant nos enfants à se mettre à veiller sur nous? La Gosse, c'est fin, c'est impitoyable, ça fait pleurer dans le métro, bref, c'est du Nadia Daam.

La Gosse
Nadia Daam
176 pages
17 euros
Paru le 27 mars 2024