FORUM "LES MOTS DU DEUIL"

Comprendre et vivre son deuil => Vivre le deuil de son conjoint => Discussion démarrée par: Eva Luna le 30 avril 2017 à 15:31:24

Titre: Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Eva Luna le 30 avril 2017 à 15:31:24
http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2017/04/30/revivre-sexuellement-apres-la-perte-de-l-etre-aime_5120180_4497916.html


Article sélectionné dans La Matinale du 29/04/2017

Revivre, sexuellement, après la perte de l’être aimé

Le sexe après le décès d’un conjoint reste mal vu. Il n’y a pas de « bons » veufs ou veuves, explique Maïa Mazaurette, chroniqueuse pour « Le Monde ».

LE MONDE | 30.04.2017 à 06h39 • Mis à jour le 30.04.2017 à 13h38 | Par Maïa Mazaurette


Que se passe-t-il au lit après la mort d’un conjoint ? Notre culture est sans pitié : à ma gauche, Roméo et Juliette, à ma droite, la Veuve joyeuse. C’est noir ou blanc, tout ou rien, fidélité ou trahison.

On conçoit sans peine les raisons historiques d’une telle castration du veuvage (ne serait-ce qu’à cause du tabou sexuel), certes, mais l’allongement de la durée de vie pose aujourd’hui ces questions de manière plus courante.

Saviez-vous que 50 % des plus de 65 ans sont sexuellement actifs, et 25 % des plus de 75 ans. En Angleterre (Archives of Sexual Behavior, 2015), la moitié des hommes et le tiers des femmes âgés ont encore une activité sexuelle (qui peut être la masturbation).

Ce sont 235 000 personnes qui perdent leur conjoint chaque année, dont 30 000 avant 55 ans – parmi ceux-là, 80 % de femmes. Or, si l’on évoque souvent des risques liés au veuvage, comme la dépression ou l’isolement extrême, on retire systématiquement la sexualité de l’équation. On s’imagine que le conjoint en deuil veut parler de tout, sauf de ça.
Omerta

C’est une erreur. Le New York Times rapportait, en mars, les résultats d’une étude montrant que les trois quarts des femmes âgées, après le décès de leur conjoint, regrettaient (aussi) le sexe. A un âge où il devient difficile de trouver de nouveaux partenaires sexuels, 76 % des femmes aimeraient que leurs amis abordent d’eux-mêmes le sujet.

Pourquoi n’en parlent-elles pas elles-mêmes ? Actuellement, c’est impossible. Parce que nous trouvons la sexualité des seniors absurde, dégoûtante ou amusante, nous occultons la face sexuelle du deuil.

Et pourtant. On pense à apporter des petits plats, on s’enquiert du sommeil, on devrait pouvoir déculpabiliser en douceur la personne en souffrance. Par exemple en demandant si l’intimité lui manque – le flou dans la formule permet d’ignorer ou de saisir la perche. Bien sûr, c’est difficile. Au tabou de l’âge s’ajoutent celui de la mort et celui du sexe – ça commence à faire beaucoup. Mais, si vous voulez soutenir, faites-le jusqu’au bout.

Ce n’est d’ailleurs pas qu’une question d’âge. L’omerta reste de mise dans le cas de décès très prématurés (accidents de la route, maladies, victimes du terrorisme) : personne n’ose aborder le sujet, et pourtant c’en est un.
On mange, on boit… parfois on couche

Chaque personne réagit différemment au deuil : certains perdront tout contact avec leur libido, d’autres, au contraire, réagiront à la soudaineté de la mort par une déferlante d’envie de vivre – par une pulsion dont la brutalité renverse les attentes sociales.

Si les histoires de jambes en l’air en pleines funérailles sont légion, ce n’est pas seulement pour choquer à bon compte, mais parce que ces choses-là arrivent. Faire des enfants (ou s’y décider) dans l’année après le décès de ses parents est courant.

Même lorsqu’on n’est pas soi-même la personne endeuillée, la présence de la mort nous renvoie à notre vulnérabilité fondamentale, à notre peur de mourir, d’être oublié sans rien transmettre : quand vivre paraît urgent, et comme le prouve la gloutonnerie des repas funéraires, on mange, on boit… parfois on couche.

Le retour à la sexualité est rendu d’autant plus problématique que les codes sociaux sont inexistants : dans le flou, ni obéissance ni transgression ne sont possibles.

Sauf croyances religieuses fortes (et concernant plutôt le remariage), on nage en pleine ambiguïté. La chasteté pourrait durer un jour ou toujours et, dans l’imaginaire culturel, c’est « toujours » qui remporte la palme du romantisme.

On aime encore le défunt, on voudrait lui rendre hommage, le respecter au-delà de la tombe, et pourtant on a encore du désir – le corps nous rappelle au vivant, les pires moments nous rappellent aux meilleurs. Même quand on n’a pas le temps. Même entre deux séances de condoléances. Même quand « ça » paraît être le pire moment, le plus embarrassant.
Le droit d’avoir envie de sexe

Désir et douleur semblent incompatibles, mais avancent de pair : tous les silences ne sont pas des timidités. Certains sont des incompréhensions. Peur d’être jugé, doute sur sa santé mentale, refoulement : c’est compliqué.

Les amis doivent anticiper ce blocage, se montrer disponibles, sans chercher à protéger les veufs – de quoi, d’ailleurs ? Il ne s’agit que de sexe, et votre bénédiction est plus utile que vos doutes. Les ex-beaux-parents auront aussi leur rôle à jouer, en donnant (quand ils le pourront) la permission d’un jour refaire sa vie.

En effet, même si des lendemains qui chantent semblent inimaginables, plus de la moitié des veufs et un tiers des veuves seront de nouveau en couple après dix ans (27 % des veufs et 10 % des veuves après deux ans, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, 2012).

Si vous affrontez un jour ces marées-là : vous avez le droit d’avoir envie de sexe, même en fin de longue maladie, même très rapidement après le décès… autant que vous avez le droit d’entrer au couvent.

Il n’y a pas de « bons » veufs ou veuves. La douleur n’est pas un concours. La fidélité est hors sujet : une autre histoire a déjà commencé, et, sans vouloir tourner le couteau dans la plaie, vous êtes célibataire – dès la première seconde, une nouvelle vie commence. Vos émotions sont une richesse : toutes, même celles qui paraissent saugrenues ou inacceptables. Votre entourage pardonnera tout (sinon, changez d’entourage).
Recoller les morceaux

Comme le note dans le New York Times l’auteure Carole Brody Fleet, veuve à 40 ans : « Vous pouvez honorer et chérir votre passé, mais personne ne vous demande d’y vivre. »

A quoi répond Joan Didion dans L’Année de la pensée magique : « … vient un moment où nous devons nous défaire de nos morts, les laisser partir, les laisser morts. Les laisser devenir la photo sur la table de chevet. Les laisser devenir le nom sur les comptes de tutelle. Les laisser partir au fil de l’eau. »

Au moment de passer à l’acte, évidemment, rien n’est facile. Accepter le contact d’une nouvelle peau, embrasser de nouvelles lèvres, peut sembler impossible, ridicule, nécessaire, criminel. Vous pouvez sacraliser ou expédier la manœuvre, repartir de zéro ou repartir à cinquante – ce n’est pas grave : l’important est de recoller les morceaux, de trouver une manière de vivre.

Car non seulement vous allez vivre, mais plus vous êtes jeune, plus grandes sont les chances de retrouver quelqu’un. Ce retour à une certaine normalité peut paraître mal engagé : on peut s’imaginer comme des amants de seconde main, des jouets cassés. Mais un bagage n’est pas forcément un embarras, son poids peut renforcer notre équilibre.

Oui, il faudra composer ensemble avec une précédente histoire qui reste suspendue. Mais si vous êtes d’humeur joueuse, vous y trouverez une intéressante forme de polygamie. Il y a la place du mort et la place du vivant, leur cohabitation vous regarde.

Pour celles et ceux qui seront victimes, amis, parents, collègues : il n’y a pas de mauvaise question, même pas la question sexuelle. Le pire est déjà arrivé, on peut parler de tout. Ce sont les silences qui blessent. Après un décès, il y a suffisamment de silence.

    Maïa Mazaurette
    Journaliste au Monde

Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: qiguan le 30 avril 2017 à 17:52:01
L'article est très bien écrit.
Les vécus comme dans le reste du deuil seront différents selon les uns et les autres.
Ce sera un plus ou moins long travail intérieur possible ou pas.
Mais en parler est un premier pas.
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Faïk le 30 avril 2017 à 20:29:26
Tabou du sexe ...

Comment imaginer que cela puisse être autrement quand le deuil est déjà tabou pour votre entourage ?
Ce sujet fait peu l'objet de discussions familiales ou amicales en temps ordinaire, alors en "temps de deuil" ...
Peut-être avec quelques très proches, aptes à appréhender le deuil dans toutes ses dimensions, et il y en a tellement.

En une année à peine, j'ai perdu mon père, puis Lui.

Ma' et moi vivons notre petit enfer personnel, des émotions mêlées, imbriquées ou complètement singulières …
La différence d'âge, nos relations mère-fille en font, sinon un tabou, un sujet que l'on n'évoque pas comme la pluie ou le beau temps … Mais parmi toutes nos pertes, nos déchirements, celui-ci n'a pas été complètement  banni de notre questionnement. Et permis de nous voir, non plus comme mère et fille seulement, mais bien comme deux femmes qui ont aimé, charnellement, ceux qui ne sont plus. Et qui font le deuil de cette expression de leur féminité.

Le tabou de la sexualité est, mais l'asexuation sociale existe aussi. A vous les honneurs de la transidentité : née fille, puis femme, puis veuve ...
Le regard des autres est une souffrance parfois.

Je suis un peu morte avec lui, mais je refuse de mourir asexuée*

Je reste Faïk, à jamais.


* Asexuation  ≠ asexualité
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Faïk le 30 avril 2017 à 20:40:51
"Vient un moment où nous devons nous défaire de nos morts, les laisser partir, les laisser morts. Les laisser devenir la photo sur la table de chevet. Les laisser devenir le nom sur les comptes de tutelle. Les laisser partir au fil de l’eau ... "

Non ... j'aime bien garder de "vieilles" choses auxquelles je suis extrêmement attachée ...
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Régine le 30 avril 2017 à 22:09:58
Sujet délicat
Je peux en témoigner! Mais n'allons pas trop vite!
Un an après le décès de mon chummy...j'étais au chalet, il pleuvait, il faisait froid, le goût de rien..ennui total..je vais faire une course å la quincaillerie du village. .et par hasard..drette dans la porte,je rencontre un gars que j'avais dėjå crois,  avant de  on naître chummy,
.vla plus de trente ans..lui dit que chummy était décédé. .il le savait..tout se sait au village..Bon, je l'invite å venir prendre un café,  å passer..un moment donné,  il arrive au chalet..

Lå, il voit que j'ai plein de vieux disques, 33 tours, ..on commence å fouiller la dedans..et on commence å chanter å tue tête..on chante , on pleure..Moi je parle de chummy , lui de sa vie..
Et å prendre de la tisane...jusqu'à tard..au milieu de la nuit..Bon ,,il repart et. .je  vous jure que cette soirée. .m'a fait un bien ėnorme...je me suis laisser aller å m'amuser..une semaine après. .c'est plaisant chantė, on se refait une autre soirée

Mais lå, le problème. .qui est arrivé. ..c'est que lui..<<il tombe en amour avec moi>>..Oh!  mais moi,,je suis en deuil..je veux bien d'un ami mais..le jour où il m'a mis juste la main sur ma cuisse..je lui ai piqué une de ses colères..du jamais  vu en ce qui me concerne...lui me disait..t'inquiètes pas..c'est que je suis dans une phase de fusion...Moi,  je la trouvais pas drole sa phase de fusion..å chaque fois que je le,voyais arriver dans le coin..c'est comme ci, mon cerveau reptilien me faisait réagir avec une telle intensité. .de colère..ça marchait pas dans mon cerveau. .je pėtais des coches..pauvre gars..il faisait rien. .
Effectivement la phase de fusion lui a passé. .je suis partie en voyage puis ai ferme le chalet pour l'hiver..

C'est comme cela que mon ami..M. est apparut dans ma vie..parce qu'on a gardé un contact par téléphone.
Par téléphone, en ayant une grande distance géographique entre nous,  je vivais pas l'impression de trahison, et je pouvais continuer mon deuil et  rester fidele å mon chummy..et å ma,belle-famille..

Mais ce nouvel ami m'a fait du bien l et m'a permis de clarifier ce que je voulais .
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Régine le 01 mai 2017 à 04:18:29
C'est special..c'est la première fois que j'ose parlé de cet épisode ..que je qualifie..d'invraisemblable, de surréaliste..
C'est que j'ai réagi avec une telle force pour faire reculer..le moindre sentiment  qu'il pouvait avoir envers moi..
Et avec qui parler de çela..tout mon entourage était aussi en deuil....
Moi, même je me jugeais..<< qu'est-ce que j'ai provoqué là>>..
je me dis en même temps..que la solitude que je vivais et la détresse ..avait dû  créer une petite ouverture...mon humanité ....porte que j'ai voulu refermer de toute mes forces parce que consciente..qu'on ne peut pas se servir des sentiments de quelqu'un pour combler un vide...mon vide intérieur qui me faisait si peur ..il fallait que je l'affronte.....prendre mes peurs et mes émotions et les affronter une apres l'autre...seule...face à face avec moi -même

Et cet ami..M..par la suite ã bien compris cela.
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: souci le 01 mai 2017 à 09:55:08

   Hum ... attention souci, c'est tabou ...
   Déjà que si y a que 50% des gens qui avouent avoir encore une sexualité après 50 ans, et que ça fait environ 45% de gros menteurs ...
   Alors là fô pas d'amander chi chè tabou, churtout la machturbachion !
   Bon, alors ... l'Amour ... le couple, ça aussi c'est sinon codé, formaté de très, très loin dans les racines culturelles, comme l'amour EXCLUSIF entre deux personnes ... Soit.
   Problème, lorsque la personne exclusivement aimée disparaît, soit qu'elle s'en aille à dauripette, soit qu'elle meure en nous aimant toujours, ce qui nous scelle une chacrée cheinture de chachteté ... Couic.
   Pour ma part, vaut mieux être seule que mal accompagnée, mais ...
   Mais, c'est peut-être s'interdire de vivre des choses, de DONNER encore, de rendre plus heureux quelqu'un qui en vaut la peine ...
   Bon, faut le temps, bien sûr, faut être un minimum prête ...
   J'avais juste cette réflexion à amener: cette "exclusivité" qui nous paraît l'idéal de l'amour à deux est-il une vérité absolue, ou bien une influence forgée par nos sociétés ?
   Certaines vont penser: mais quelle grande gueule cette souci, elle même pas perdu son mari ! Je répondrai que la mort de mon neveu adoré m'a fait reconsidérer, remettre en question TOUTES les choses de la vie ... puisque rien de ce qui m'était "acquis" ne me permettait plus du tout, de vivre en harmonie ... harmonie que jamais je ne retrouverai, vie à n'équilibrer qu'en contrastes plus ou moins bien tempérés ...
   Je vous souhaite sincèrement à tous bonne créativité ... M.
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Nora le 01 mai 2017 à 10:51:09
C'est tabou, oui, mais surtout parce que c'est sujet au jugement des autres.

Mais le jugement des autres, on s'en fout .

Ou plutôt je m'en fous, car là je vais parler pour moi.

 " Mais, c'est peut-être s'interdire de vivre des choses, de DONNER encore, de rendre plus heureux quelqu'un qui en vaut la peine ..."

Je ne m'interdis rien, et je garde en moi toutes les possibilités, mais je sais que pour l'instant , et peut être pour toujours, je suis incapable de DONNER, de rendre quelqu'un heureux.

Parce que le fardeau de mon deuil est trop lourd, et que je ne pourrais pas me consacrer à un nouvel amour de façon pleine et entière. Et l'amour pour moi c'est ça.

Il faut être un minimum prête, effectivement, et disponible.

Il reste le sexe. Mais pour l'instant, et je peux le dire sans tabou, comme Il est parti en emmenant ma libido, pas de problème de ce côté là.

Hier j'ai rencontré une extraordinaire femme de 77 ans, veuve depuis 2 ans. Avec une copine, divorcée, sensiblement du même âge, elle s'est inscrite sur un site de rencontres.

"Pour ma copine ça marche bien," m'a t-elle dit,  "elle arrive à conclure souvent"

- Et vous ?

"Moi ? je ne couche pas, mais je me suis fait plein de copains ".

Souriez, c'est le 1er mai.

Bien à vous

Nora




Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Faïk le 01 mai 2017 à 12:44:57
La libido ne s'efface pas toujours avec la disparition de la personne qui l'inspirait … et on peut ressentir toujours du désir pour celui ou celle qui n'est plus … On peut être en manque de sexe, ou simplement en manque sexuel de lui ou d'elle ...

Mais dans une société où le poids des conventions pèse évidemment, sans vouloir tout révolutionner, on peut définir son propre espace de liberté individuelle et décider de n'avoir comme tu le dis Nora, de comptes à ne rendre à personne. Et notamment à tous ceux qui ne sont pas les principaux intéressés. Nonmého© !
Qui pourrait dicter la conduite de nos cœurs et de nos corps ? Choisissons librement les barrières que nous voulons mettre...

Merci pour ce sourire du 1er mai Nora, et en ce jour particulier, résistons, la souffrance n'est jamais bien loin ...
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: souci le 01 mai 2017 à 13:42:32

    HEUREUSEMENT, il existe TANT de manières d'aimer ...
    Et que notre vérité reste à jamais incomplète ...
    (http://www.aht.li/3060865/citationaimer.jpg)
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Nora le 01 mai 2017 à 17:09:04
"La libido ne s'efface pas toujours avec la disparition de la personne qui l'inspirait … et on peut ressentir toujours du désir pour celui ou celle qui n'est plus … On peut être en manque de sexe, ou simplement en manque sexuel de lui ou d'elle ..."

Mais bien sûr, et même si c'est tabou, c'est une réalité.

Et le tabou du sexe est aussi celui de l'absence de sexe.

Je n'ai jamais considéré comme " normale " cette absence totale de libido,  au contraire, elle génère plutôt de l'incompréhension, et un peu d'inquiétude aussi.

Peut être que si ce désir, cette envie, revenaient je me sentirais un peu moins " morte " moi aussi, au moins un peu plus un être humain, à défaut d'être redevenue une femme.

Mais je dois dire que pour l'instant cela m'arrange, voilà.

Pour l'instant.

Bien à vous

Nora
 



Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Faïk le 01 mai 2017 à 20:24:33
Pour l'instant, avant, après, moi je ne doute pas que tu sois un "être humaine",  Nora, assurément ...



Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Mononoké le 03 mai 2017 à 10:39:52
"La libido ne s'efface pas toujours avec la disparition de la personne qui l'inspirait … et on peut ressentir toujours du désir pour celui ou celle qui n'est plus … On peut être en manque de sexe, ou simplement en manque sexuel de lui ou d'elle ..."

Elle ne s'efface pas pour tout le monde, et c'est aujourd'hui pour ma part insoluble, c'est lui que j'aime, c'est  avec lui que je partageais ces moments et aujourd'hui je ne peux imaginer une seconde une autre personne, alors vivre avec, accueillir ma frustration comme tout le reste, ce n'en est qu'une de plus finalement
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: qiguan le 03 mai 2017 à 21:41:23
en refouillant la table des matières
et en retrouvant
http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil-de-son-conjoint/le-contact/
et
http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil-de-son-conjoint/il-me-manque-5035/msg83929/#msg83929
on revient sur ce manque en l'exprimant de manière différente selon tous nos vécus (d'avant la relation avec l'aimé défunt et d'avec elle/lui)
mettre des mots sur cette partie du deuil est indispensable aussi
mais là aussi accepter, ce qui vient, ne pas se faire d'injonction non plus ...
comme en toute partie de nos deuils.

Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Nalingi yo le 04 mai 2017 à 11:14:18
Bonjour tout le monde.

C'est un sujet délicat à aborder c'est sur. C'est souvent difficile de parler de son deuil avec son entourage (ils ne savent pas quoi dire, ça les inquiète, ils sont mal à l'aise ou alors ne comprennent pas). Alors parler de sexe...

En ce qui me concerne, j'ai 23 ans, il est mon premier homme. MA sexualité est NOTRE sexualité, je n'ai jamais connu autre chose, seule ou avec quelqu'un d'autre. Et c'est du coup très étrange comme sensation, comme si on m'avait amputé physiquement de cette partie là. Je pense de temps en temps aux moments où nous faisions l'amour, mais le désir n'est plus là. Il m'est arrivé 3 fois, au réveil, d'avoir ce "manque sexuel" de lui, et alors je me suis tout simplement mise à pleurer en serrant très fort la couette contre moi...

Mais en fait c'est surtout son contact physique qui me manque. Le premier lien de qiguan reflète parfaitement ce que je ressens. Le baiser du matin, celui du soir, lui prendre la main, les câlins, enfouir ma tête dans le creux de son cou, la façon de me prendre dans ses bras pour dormir... C'est tout un ensemble, une présence physique, qui n'est plus là.

Et d'ailleurs, pardon pour ce hors sujet, mais je dois témoigner d'une drôle de chose qui m'est arrivé 1 semaine après son départ. Plusieurs fois au cours de ma vie j'ai vécu l'expérience de la "paralysie du sommeil" : lorsque se fait la transition entre veille et sommeil ou sommeil et veille, il m'arrive d'être consciente les yeux fermés mais incapable de bouger quoi que ce soit ne serait-ce que les paupières. Cela semble durer 5-10min même si en réalité ça ne doit durer quelques secondes. Et chez moi, ça s'accompagnait de sensation de contact (par exemple impression que mon chat marchait sur la couette et se roulait en boule près de mon visage, alors qu'il n'était pas dans la chambre). Et 1 semaine après son départ, il m'est arrivé la même chose sauf que mon "hallucination" était la sensation de son bras autour de moi, exactement comme il avait l'habitude de le faire en dormant. Je l'ai appelé "signe" pendant quelques jours/semaines. Maintenant, j'ai l'impression que ce n'était qu'une hallucination de plus, pour l'avoir déjà vécu avant. Mais bien sur j'aimerai croire qu'il s'agissait d'un vrai signe de sa part. (Je ferme ma petite parenthèse hors sujet)

Pour en revenir au sexe, je n'imagine pas un instant retrouver quelqu'un ou avoir une relation physique. A la fois car comme je le disais plus haut, MA sexualité, indépendante, n'existe pas (ou en tout cas elle et moi on ne se connait pas). Et aussi par loyauté envers lui. Et cette loyauté va très (trop?) loin. Il était assez jaloux, et donc ne serait-ce que de regarder un homme ou même de lui faire la bise! Je n'y arrive pas, j'ai peur de lui faire du mal, de l'attrister, au cas où il me verrait. Et même s'il ne me voit pas, moi je suis mal à l'aise alors qu'il n'y aurait pourtant aucune arrière pensée.

L'article partagé au début est bien, dans le sens où il permet de déculpabiliser. Car chaque personne vit son deuil différemment et en effet je me permettrai jamais de juger un veuf ou une veuve qui a une activité sexuelle. C'est à lui/elle seul de décider ce qui lui fait du bien.
Bon par contre la phrase une autre histoire a déjà commencé, et, sans vouloir tourner le couteau dans la plaie, vous êtes célibataire – dès la première seconde, une nouvelle vie commence. m'a bien fait mal et ne m'a pas retourné le couteau dans la plaie mais m'en a planté 10 nouveaux... Personnellement je ne me sens absolument pas célibataire. Mais étant non mariée, je peux difficilement dire "je suis veuve". Mais bon là je m'égare encore et c'est un autre sujet.

A bientôt
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Titenam le 12 mai 2017 à 04:30:47
J'aie lu l'article l'autre jour, et je viens de lire vos messages... je crois qu'effectivement chacun fait en fonction de soi...

Pour ma part, j'aie viscéralement besoin de me sentir vivre... moi, en tant que femme! J'existe en tant que maman, et travailleuse, mais ma vie de femme est morte ce jour là...
Je ne pense pas pouvoir reprendre une vie en occultant cette partie... Je ne veux pas non plus rencontrer quelqu'un, je ne suis pas prête à donner quoique ce soit d'autre... Par contre, j'ai besoin de savoir si mon corps est encore capable d'accepter, de vibrer...de savoir si je peux encore séduire... d'aucun seront choqué, cela fait 9 mois que l'homme de ma vie est parti...J'ai déjà testé deux fois avec d'autres hommes...des échecs cuisants... qui ne m'ont rien apporté de plus...ou si peut être, le sentiment que la perte de celui qui me comblait est encore plus grande...
Je sors dès que c'est possible (avec 3 enfants et une entreprise, c'est pas tous les soirs!!!)et je danse tout la nuit, j'oublie qui je suis et ce que je vis pendant quelques heures... ça fait du bien...le retour à la réalité est toujours très très dur...mais je me force à retrouver un peu de légèreté...  essayer, pour moi, mais surtout pour mes enfants... retrouver un sens aux choses...là je ne fais que mettre un pied devant l'autre sans but, juste parce qu'il le faut... Je ne culpabilise pas, je sais que mon homme veux que je vive quoiqu'il advienne...et que peux importe le moyen d'y arriver... retrouver le sourire, rire, vivre...
Mon fils de 15 ans me demandait tout à l'heure pour quoi je souriais devant mon téléphone... il était heureux de me voir sourire, et moi heureuse de lui apporter autre chose que ma tristesse et mon désespoir...
Je sais que je n'ai pas le choix, plus le choix, mes enfants sont en souffrances si je ne fais rien pour changer ça, et je refuse qu'ils se retrouvent à supporter ma peine plus longtemps... Aventure d'un soir, ou bien relation épisodique... personne ne rentrera dans mon cocon familiale mais j'irais prendre ailleurs ce qui peux faire en sorte de le préserver...et si mon choix est jugé, alors qu'ils vivent ma vie (enfin ce qu'il en reste)...et ensuite on en discutera!!!
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Mononoké le 12 mai 2017 à 09:37:59
Oh merci Titenam pour ton partage, te lire me fait du bien,
merci de nous avoir partagé ton vécu,

Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: qiguan le 12 mai 2017 à 13:20:11
écrire nos partages est important bien sûr pour nous, nous exprimer mais pour la lecture des autres qui lisent nos réactions si différentes et vois le kaléidoscope des possibles c'est très important
merci
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Christi13 le 10 juillet 2017 à 16:23:54
Bonjour à tous et surtout à toutes,
Je suis homme donc, après avoir lu ces réactions de femme essentiellement, mon propos va peut-être étonner...
D'abord, pour moi, je préfère parler d'amour que de sexe, même si je suis encore demandeur à 62 ans.
Pourquoi l'amour me direz-vous, eh bien simplement parce que, que ce soit il y a plus de 40 ans, quand j'ai trouvé à 20 ans mon épouse Christine, décédée d'un cancer il y aura bientôt 4 ans, ou maintenant, j'ai toujours cherché "la femme", pas des femmes...
Après un deuil éprouvant, une dépression que j'ai heureusement fait traiter, au bout d'un an m'est venue l'envie de retrouver celle qui pourrait continuer et terminer le chemin avec moi...
Alors bien sûr, le sexe faisait partie et fait toujours partie de l'histoire, auparavant avec mon épouse, avant le début de sa maladie, nos rapports intimes étaient encore au bout de presque 38 ans doux, intenses, fusionnels car ils faisaient partie intégrante d'une entente globale toujours équilibrée et ceci pour tous deux.
Alors oui, depuis 3 ans, à mon grand regret, j'ai connu plusieurs femmes, car toujours à la recherche de celle avec qui je pourrais partager ce bonheur physique et psychique...
Je dis grand regret, car, inscrit sur un site de rencontres, j'ai toujours été approché par des femmes qui au bout de plus ou moins longtemps, faisaient marche arrière, toutes des veuves qui avouaient ou me faisaient comprendre qu'il n'y en aurait qu'un seul dans leur cœur... le mari ou compagnon décédé...
Je vous avoue que j'ai eu mal, surtout avec une avec qui l'histoire avait duré plus d'1 an et demi car j'avais des sentiments pour elle, et j'ai préféré couper court à notre histoire plutôt qu'être un intérimaire de l'amour... et j'ai continué de souffrir après, mais que pouvais-je faire d'autre...
Aujourd'hui, je pense et j'espère avoir fait la bonne rencontre, son mari est décédé aussi, mais elle avait divorcé de lui plusieurs années auparavant et elle était resté en bon termes avec lui, mais sans amour. Je la connaît depuis 4 mois et notre entente est complète sur tous les points, sexuellement mais aussi dans tous les autres aspects de la vie.
Voilà mon histoire, j'étais très présents sur ce site au début de mon veuvage, surtout avec ma dépression et plusieurs personnes m'ont bien aidé et soutenus à cette époque, là c'est un peu un hasard technique qui m'a fait me reconnecter et ce sujet a attiré mon attention.
Voilà, j'ai peut-être dérivé du sujet de base, mais je distingue très difficilement le sexe de l'amour en général, donc...

En espérant n'avoir heurté personne,

Christian
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: qiguan le 11 juillet 2017 à 12:14:23
Bonjour Christian
merci de ton témoignage
je me souviens de ce que tu nous disais dans tes messages en 2014/2015
(je n'oublie pas non plus ton accueil ici)
tu as raison de dire ce que tu dis
je pense que cela peut nous faire réfléchir, merci
il y a bien des questionnement dans le veuvage ... et des difficultés
amitiés à toi et j'espère plein de joies et sérénité avec ta nouvelle compagne de vie
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: 3 pommes le 11 juillet 2017 à 15:13:28
Bonjour à tous,

Je viens me reconnecter sur le site après 3 jours d'un petit séjour entre copains/copines.
Je tombe sur ce sujet . Il y a des avis partagés puisque notre environnement ne  cesse  de nous dire "t'as pas retrouvé quelqu'un encore ? ou alors "la vie doit continuer"  et ceux pour qui veuvage = fin de sa vie de femme.
En ce qui me concerne, après 14 mois, je me dis que peut etre un jour, si tel est mon destin..... mais je me demande si je
saurais  ou pourrais retrouver les gestes. Car inévitablement, c'est mon compagnon que je rechercherais , en vain.
Pourtant il y a  qques semaines, j'étais à une soirée dansante grace à un site que connait Quignan, poussée par mes copines.
N'y connaissant personne  à part elles, mon but etait de retrouver l'envie de danser, ce qui s'est passé.
Mais  au cours du repas, je me suis aperçu que quelqu'un me regardait intensément.  Physiquement, à peu près le sosie de mon compagnon. Je me suis surprise à le regarder aussi.  Au moment de danser, il était souvent près de moi mais dansant avec des copines semble t il.  Ni lui ni moi avons osé.  Et pour la première fois depuis si longtemps je me suis dit
que peut etre un jour je franchirai le cap.  D'ailleurs si je devais me retrouver à nouveau devant cette personne, et si la situation s'y prete, cette fois là j'oserai.

Merci Christian pour ton témoignage. Je te souhaite également de passer de bons moments avec ta nouvelle rencontre parce que après tout, après ce que nous avons traversé et  que  nous traverserons encore, on y a droit aussi. Cela ne veut pas dire que nous oublions.
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: qiguan le 25 novembre 2017 à 13:50:12
je copie ici un texte car il m'a fait mesurer TOUT ce que j'ai perdu ... par le veuvage
et que je ne suis pas sûre de savoir retrouver ...
je coipe tout et surligne des passages


Méditer, c’est être plus entièrement. Être plus humain. Être plus pleinement présent. Et cela passe par la capacité à habiter mon corps. À habiter mon être. À habiter ma vie.
Pour évoquer une des dimensions de la présence à notre corps, je voudrais parler de la sexualité.
Tous les malentendus sur ce qu’avoir un corps veut dire sont concentrés là.
Or, ces malentendus créent en chacun de nous de profondes souffrances qui sont beaucoup plus radicales que celles que nous attribuons habituellement à la question de la sexualité.
Se délivrer de la malédiction qui pèse encore aujourd’hui sur la sexualité
J’ai repéré quatre grandes erreurs.

Une des erreurs est de présenter la sexualité comme une sorte de performance qu’il faudrait réaliser. Il existe ainsi des manuels techniques comme il existe des manuels pour mieux utiliser son outil informatique. Le corps est ici un instrument de jouissance, mais non la dimension même de notre présence au monde.

Ou encore nous plaçons la sexualité du côté d’une faute — s’y engager n’est pas complètement pur — dont, idéalement, il faudrait se passer. Même ceux qui croient être loin de partager cette conception pensent qu’un amour pur serait un amour où la sexualité n’aurait pas posé son empreinte, ou qui aurait été « transcendé ». Il y a derrière cette conception l’idée que la sexualité est une sorte d’instinct, de pulsion, qu’il faudrait pouvoir contrôler, voire abandonner. Autrement dit, la sexualité serait du côté du corps, opposée à l’esprit qui lui serait supérieur. Or cette perspective, forgée par une longue histoire, il est temps de comprendre qu’elle nous égare. Il est temps de réhabiliter notre corps. Il est temps de retrouver l’unité profonde de notre corps et de notre esprit, ou plus exactement, du corps, du cœur et de l’esprit.

Une autre erreur est que la sexualité est vue à partir du plaisir qu’elle nous donne et que nous pourrions capitaliser afin d’en avoir notre quota suffisant.

Enfin, la conception catholique assimile sexualité et procréation. Le poète Rainer Maria Rilke, qui revient si souvent sur la nécessité de comprendre le sens de la sexualité, fut particulièrement soucieux de dénoncer cette conception qui lui semblait une atteinte à Dieu. « Mon sexe n’est pas seulement tourné vers les descendants, il est le mystère de ma propre vie, et uniquement parce que là, semble-t-il, il doit occuper la place centrale, beaucoup l’ont déplacé jusqu’au bord et ont perdu l’équilibre. » Dans le christianisme, nous avons l’idée qu’il n’y a de fécondité que si l’acte sexuel donne naissance à un enfant. Il est, pour Rilke, très étrange d’assimiler la fécondité à la procréation. C’est la tourner bien trop vers l’extérieur. Nous faire perdre l’équilibre. Sans compter la manière dont une telle conception déplace la sexualité à une sorte de périphérie… Malgré ce qu’en dit l’Église, son rapport à la sexualité reste beaucoup trop instrumental.
Ces quatre approches manquent le sens véritable de la sexualité que je voudrais à présent approcher.
La joie d’habiter mon corps
La méditation peut nous aider à en retrouver une expérience plus juste.
Comment ?
D’abord, en nous permettant de nous incarner vraiment. La sexualité est en effet l’épreuve d’être un être corporel — ce que nous ne savons plus du tout. Nous vivons bien trop dans notre tête, avec un corps compris comme un ensemble de fonctions.
Ce qui fait défaut dans notre vie, et donc dans la manière dont nous faisons et comprenons l’amour, c’est d’avoir un corps. On n’habite plus vraiment son corps. On ne l’écoute plus. On ne le laisse plus savoir.
Au fond, tout le monde le sait trop bien : en faisant l’amour, je ne fais pas qu’un geste corporel. Je touche quelque chose de plus profond, de plus essentiel.
Mais tant que nous employons notre corps — quel que soit alors le type d’activité dans laquelle nous nous engageons —, nous ne pouvons pas laisser cette expérience se déployer.
Or notre société, alors même qu’elle prétend exalter notre corps et nous délivrer de tant de carcans, nous apprend à le « gérer », à correspondre à des images… Elle ne nous apprend nullement à l’habiter, à en prendre soin, à savoir nous mettre à son écoute. En ce sens, elle nous égare.
La méditation est ici extrêmement précieuse, ce profond contrepoison nous permet d’entrer de manière profonde, neuve et heureuse, en rapport à notre corps. Je ne le dirai jamais assez, la méditation comme je la transmets n’est pas un exercice de pleine conscience, mais de pleine présence qui inclut donc pleinement notre corps. Méditer, c’est retrouver la joie d’être avec son corps tout entier. En ce sens, la méditation est une éducation au corps, à la splendeur d’être, et par là, elle est la véritable éducation sexuelle.
La sexualité s’accomplit non parce que nous connaîtrions l’anatomie, mais parce que nous sommes ouverts au mystère de la présence
Le sens véritable de l’intimité

Avoir un corps, c’est être d’emblée dans une certaine intimité bienveillante avec tout ce qui est — en réalité aussi bien l’autre, les autres, le monde, les choses et soi.
Mais comment comprendre cette intimité ?
Pour répondre à cette question, il faut commencer par ne pas restreindre l’intimité à la seule sexualité.
Lorsque j’ai rencontré le maître très unique que fut Arnaud Desjardins, nous avons eu plusieurs conversations. Un jour, il m’a pris dans ses bras. Cette accolade rassemblait tout ce que nous nous étions dit. Elle manifestait une profonde intimité. Nous avions beaucoup parlé, mais avec ce geste, il s’est passé quelque chose de plus immédiatement intime. Dans la tradition soufie, nous pouvons lire de magnifiques pages sur la rencontre entre Rumi et son maître Sham’s. Ils sont restés ainsi ensemble tous les deux pendant un long temps, se regardant en silence dans les yeux — demeurant ainsi dans une ouverture inconditionnelle. C’est là une manière très profonde de découvrir cette intimité sans paroles et pourtant pleine de sens.
Poser la main sur l’épaule de quelqu’un, le prendre dans ses bras peut ouvrir à cette dimension aussi simple que profonde. Nous touchons l’autre, mais nous ne saisissons rien. Nous sommes au plus près, dans un rapport très profond et dans le même mouvement, nous ne saisissons rien, nous nous abandonnons à un mystère. Nous sommes juste là ensemble. Nous quittons la sphère des préoccupations et de l’organisation.
Eh bien la sexualité est un cas particulier de ce phénomène très ample.
Il faut donc complètement renverser l’approche qui domine aujourd’hui, selon laquelle la sexualité serait la généralité, et toutes les autres formes d’intimité des succédanés ou des sublimations de la sexualité.
Non, il faut penser à l’inverse que la sexualité est un cas particulier du champ très vaste de l’intimité.
La mélodie des corps dont je parle ne se restreint pas à la sexualité. Et c’est uniquement quand cela est pleinement éprouvé, pleinement compris, que la sexualité retrouve toute sa place. Une place heureuse.
Faire l’amour nous ouvre au monde tout entier

Dans la sexualité, quand mon corps est laissé à sa propre résonance, je touche la joie même.
Lorsque deux êtres qui s’aiment se rencontrent dans cet espace, leur contact est comme la vibration claire et pure de deux verres de cristal qui se touchent.
Cette image de deux verres qui tintent est éclairante, car pour que le phénomène se produise, il faut à la fois que le verre soit entièrement verre pour tinter contre un autre, et en même temps c’est l’autre verre qui le fait résonner. De plus, l’espace tout entier permet au son de résonner plus ou moins harmonieusement. Je veux par cette image mettre à mal ce qui nous est raconté ordinairement : « dans l’amour, il faudrait s’ouvrir à l’autre », « il nous faudrait disparaître », « ce n’est pas nous qui comptons, mais l’autre ».
Rilke écrit qu’aimer, ce n’est pas aimer l’autre vers le dehors, mais c’est entrer en soi pour y découvrir la place de l’autre. C’est une très belle manière de court-circuiter cette dualité dans laquelle nous sommes pris.
Dans la sexualité, les amants découvrent une présence où ils sont ensemble, qui n’est ni une perte de soi ni une simple ouverture à l’autre, mais une manière tout à fait neuve d’être.
Je voudrais faire un pas de plus. Toute rencontre corporelle, et la sexualité en est une modalité éminente, ne nous ouvre pas seulement à quelqu’un, mais au monde tout entier.
L’intimité n’est pas limitée aux deux amants. Elle prend la dimension du monde ! Certes, beaucoup de personnes font l’amour comme dans un tunnel, aveuglées par la performance, le plaisir, le devoir… C’est dommage. Car je crois essentiel de considérer cet instant où l’on pressent que l’être aimé est le visage du monde tout entier ! Tout d’un coup, vous n’embrassez pas seulement la personne que vous aimez, mais vous embrassez le monde, c’est le monde qui vous sourit et c’est le monde entier qui chante ! Quel bonheur ! Vous n’êtes plus isolé !
On pourrait dire ainsi que nous vivons parfois comme si un mauvais magicien nous avait enfermé en nous-même. C’est une source de douleur profonde. Nous nous sentons isolés, seuls, à côté de l’effervescence de la vie. Dans la sexualité, ce mauvais sort peut s’effacer. Le brouillard s’estomper. Le magicien perdre. Le monde s’ouvrir à nous. Nous ne sommes plus séparés de rien. Rilke le dit ainsi : « Toi cercle plus large, autour du cercle infini de mon cœur… ».
Les arbres et les étoiles, la nuit et son chant deviennent alors comme part de notre être.

Fabrice Midal
Titre: Re : Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: Mononoké le 25 novembre 2017 à 23:19:31
Merci Qiguan, merci pour ce texte, pour ce partage.

et merci d'avoir remonté ce fil, j'ai relu tous les échanges, les messages de chacun m'ont interpelée puis je suis tombée sur mon témoignage.

"La libido ne s'efface pas toujours avec la disparition de la personne qui l'inspirait … et on peut ressentir toujours du désir pour celui ou celle qui n'est plus … On peut être en manque de sexe, ou simplement en manque sexuel de lui ou d'elle ..."

Elle ne s'efface pas pour tout le monde, et c'est aujourd'hui pour ma part insoluble, c'est lui que j'aime, c'est  avec lui que je partageais ces moments et aujourd'hui je ne peux imaginer une seconde une autre personne, alors vivre avec, accueillir ma frustration comme tout le reste, ce n'en est qu'une de plus finalement
Pour ma part, 6 mois sans libido, puis elle s'est présentée, 6 mois sans solution, devoir accepter cette impossibilité à y répondre.
Mais aujourd'hui,  bien,  les choses ont changé, aujourd'hui, après 14 mois, j'assume ma sexualité, mon corps qui parle, je distingue l'amour que j'éprouve pour mon mari, ma douleur, mon chagrin. Mon besoin de combler le vide et les besoins que j'éprouve. Je me sens en vie, cabossée certes mais en vie. Les émotions, les sentiments défilent les uns après les autres, pas de jaloux, ils prennent place quand ils le souhaitent.

Je ne me mens pas, je ne mens pas à mon partenaire, profiter du moment, des moments de partage, tout simplement.
pas simple, mais possible.

Mononoké
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: qiguan le 28 février 2024 à 09:15:45
un tabou age etc
https://www.huffingtonpost.fr/life/article/retrouver-une-vie-sexuelle-en-plein-deuil-de-mon-conjoint-a-ete-une-facon-de-me-sentir-en-vie_224196.html un article
Titre: Re : Le tabou du sexe en temps de deuil....
Posté par: qiguan le 28 février 2024 à 09:17:14
rappel de ces sujets dans table des matières
Citer
sexe
http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil-de-son-conjoint/le-tabou-du-sexe-en-temps-de-deuil/
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un tabou
http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil-de-son-conjoint/un-tabou/msg127200/#msg127200

contact  intimité sexe
aussi : http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil-de-son-conjoint/le-contact/
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