Bonjour à tous pour vos messages
Un petit silence de mon côté car les derniers jours ont été intenses, et je ne me suis quasiment pas posé devant mon ordinateur hormis pour travailler (j'essaye de reprendre le plus possible car mon boulot me plait et lorsque je m'y mets, j'arrive vraiment à me vider la tête)
La nuit de mardi dernier a été super compliquée (d'où mon dernier message) et puis mercredi matin on a reçu un appel. Une asso qui cherchait une famille d'accueil pour un chien trouvé errant dans la rue.
J'ai vu les yeux de mes filles (13 et 17 ans @Thérèse) s'illuminer, malgré la fatigue et la nuit éprouvante qu'elles venaient de passer. Alors le soir même on a pris la voiture, on est passés au supermarché acheter une laisse et une gamelle, et on récupéré le toutou.
Depuis, tout a changé à la maison. Attention, je ne suis pas naïf : je sais bien que c'est une formidable diversion qui nous a été donnée, et qu'elle ne durera certainement qu'un temps. Mais je prends. Voir mes filles rire je prends. Voir mes filles chantonner de nouveau, je prends. Voir mes filles se coucher avec le sourire, je prends. Mille fois.
Ce qui devait arriver est en train de se produire bien sûr : de famille d'accueil, j'ai eu une grosse pression pour que l'on devienne *sa* nouvelle famille. Et après tout pourquoi pas. Il y a encore des incertitudes sur notre avenir, mais je suis preneur d'une certitude sur notre présent. Du coup je suis en train de discuter avec l'association pour récupérer le toutou de manière définitive.
Mes filles sont suivies par un psy. La petite depuis l'accident, la grande antérieurement suite à un grave problème d'agression sexuelle (elle cumule les épreuves pour une ado, et je suis d'autant plus admiratif de son courage).
Les deux m'ont confirmé l'effet bénéfique d'avoir une nouvelle arrivée à la maison.
Je suis également suivi depuis l'accident. Moins souvent que mes filles, mais comme j'ai perdu celle à qui je confiais mes joies et mes peines depuis plus de 20 ans, j'avais besoin de quelqu'un à qui parler.
J'avoue que les vidéos sur le deuil que j'ai vues, si elles ont fait du bien à ma petite, m'ont pour le coup plus interpelé et troublé.
Je ne me suis pas reconnu vraiment dans les phases qui ont été décrites, ou plutôt retrouvé en transversal sur toutes les phases. Et le timing, même si il était donné à titre indicatif, ne correspondait pas. Depuis l'accident, mon cerveau a posé une vitre opaque sur mon passé, sur mon épouse. Je me rappelle difficilement de sa voix, de son visage. Des fois la vitre se lève et je me reprends la douleur de plein fouet, mais de plus en plus souvent, elle reste baissée et je vis des journées différentes d'avant certes, mais avec un parfum de plus en plus prononcé de normalité. Bref, j'ai eu l'impression que j'allais trop vite par rapport à la vidéo, par rapport aux témoignages ici. Que au mieux, j'étais encore dans le déni, au pire je ne l'aimais finalement pas tant que ça pour ne pas souffrir plus. Je me suis pris à culpabiliser de chantonner sous la douche, ou de rire devant une série.
Mon psy m'a été d'une grande aide pour le coup, en me disant qu'il n'y avait pas un deuil type mais autant de deuil que de personnes endeuillées, que chacune allait à son rythme, et que si j'allais mieux plus rapidement, c'était stupide de le regretter et de se perdre en conjectures. Que non, il n'y aurait pas forcément de rechute dans quelques mois. Ça aussi, finalement, je prends.
Il y aura encore des moments durs, j'en suis conscient, mais j'ai décidé de prendre tout le positif qui m'est offert, en arrêtant de me torturer l'esprit.
Sinon côté physique, la petite a retrouvé une vie et une scolarité normale.
La grande fait des progrès rapides, et peut désormais marcher sur une seule béquille. Il y a 15 jours elle était encore en déambulateur. Là aussi, l'effet canin : cet après midi elle a voulu aller lui faire faire une balade à pieds alors qu'avant elle rechignait pour quitter son fauteuil roulant. Reste maintenant à lui faire retrouver une scolarité normale.
Me concernant, toujours des douleurs dans le bras et l'épaule, 2 mois après, dont on ne trouve pas l'origine et qui m'handicapent au quotidien.
Ah, et un dernier truc, une belle démonstration de l'inhumanité de la justice : jeudi je reçois un recommandé. Du tribunal. Moi : "Chouette, enfin des nouvelles du juge d'instruction, certainement ma convocation".
Au lieu de ça, j'ouvre la lettre et je tombe sur une feuille simple avec les conclusions du rapport d'autopsie de mon épouse, qui décrit tout ce qui a défailli chez elles lors du choc.. Des mots médicaux mais très compréhensibles, d'une violence inouïe et surtout sans préavis. J'ai été, et je suis encore choqué. Par le fond mais aussi et surtout par la forme, de la part d'une justice pour laquelle ma femme est malheureusement devenue un simple numéro de dossier, et une pile de papiers de plus sur le bureau d'un gars, dans un obscur bureau du Tribunal.