Bonjour Numis56,
Je t'ai lu avec beaucoup d'émotions. Il y a 29 ans, j'avais 17 ans et pour moi, la violence du suicide de mon frère me faisait dire que je ne tiendrais jamais le coup... et puis, 29 ans après je suis ici, avec toi, avec d'autres, comme toi, comme d'autres... Je suis maman de trois enfants. Ce que je vis aujourd'hui est d'une violence inouïe également. Mon mari s'est suicidé, il y a 2 mois et 2 jours. Je n'ai pas encore pu reprendre le travail au contraire de toi. Car, impossible de faire fonctionner mon cerveau non plus. Je n'arrive pas encore à mettre de la distance avec les émotions qui me submergent. Mais je viens de prendre la décision de retourner travailler à la fin de mon arrêt de travail, soit lundi prochain. Je ne suis pas sûre de faire du bon boulot mais honnêtement, j'étais déjà incompétente avant, ça ne risque pas de s'améliorer avec les événements... Mais, je sais que rester inactive va finir de me rendre folle.
Je n'ai pas fait le ménage depuis deux mois dans ma maison... Je m'en fous. Je fais les courses alimentaires de base... Je me fais aider pour compléter les différents papiers auxquels je ne comprends rien... Je propose aux enfants d'inviter les copains à la maison ou pour des sorties chaque week-end depuis le décès de leur papa. J'ai peur qu'ils soient inactifs...et de fait face à leur très grande tristesse alors je remplis les trous dans le planning... Je passe beaucoup de temps avec eux.
On pleure ensemble, je hurle parfois mais tu sais quoi, ils comprennent. Oui, ils sont capables du haut de leur 11, 14 et 18 ans de comprendre combien c'est violent parce que cette violence, ils la vivent aussi.
Je n'ai aucun conseil à te donner. Aucun. Car je n'en ai pas pour moi non plus. Je ne prévois rien à l'avance. Je fais les choses si j'ai envie de les faire. Je ne fais pas si je n'en ai pas envie. Parce qu'il faut du temps pour sortir la tête de l'eau mais je suis persuadée que j'y arriverais parce que, mes enfants sont ma priorité. Je sais par expérience qu'il faut se donner du temps. Oui, vraiment. Mais quand je n'avance plus parce que c'est trop dur, je passe un coup de fil à ma sœur qui va se charger le temps d'un jour, de quelques heures, de prendre soin des enfants pour me laisser souffler. C'est arrivé deux fois mais quel soulagement en effet d'être aidée. Si les gens ne viennent pas à toi spontanément, oses leur téléphoner... Ils ont parfois juste peur de te déranger... Alors, c'est à toi de faire le premier pas...
Je reviendrais voir comment tu vas, je viendrais te lire, n'ai pas peur de lâcher ici tes pensées, tes soupirs, tes larmes... Je le fais ici souvent et ça soulage, vraiment !
Affectueusement,
Muriel.