Caroline, Marie-O, Yohann et tous…
Je repense à la visite de ta sœur, Caroline.
Ses non-interrogations sur ton état moral est la preuve même de la peur que nous inspirons maintenant aux « vivants » ( !). Ce silence qui nous traumatisme n’est pas une précaution pour éviter de nous faire souffrir, mais un rejet pur et simple pour éviter de SE faire peur. Ils oublient, tout simplement. C’est tellement pratique. Il n’y a pas de malignité, simplement une grosse, très grosse part d’égoïsme qu’ils masquent derrière un « Je n’en parle pas, cela te ferais trop mal ».
Bon, une fois qu’on le sait, on parle aux autres, à ceux qui savent.
Honte parce que Lowell n’était pas l’image du mari parfait ?
Coupable car tu n’as pas été la fille parfaite ?
Qui peut prétendre être parfait ? Bonne fille, bonne épouse, bonne maitresse, bonne mère, bonne salariée, bonne patronne…
Bannis donc de ton vocabulaire ces mots terribles et destructeurs.
Dans la foulée bannis aussi « regrets », « remords »…
Mais si tu dois l’écrire pour le rayer de ton esprit, alors écris tout ce qui te bloque et rayes, ratures, noircie...
Ceci dit, les gens que j’aime, je les aime autant pour leurs qualités que pour leurs défauts, que pour leurs faiblesses, que pour leurs forces, la platitude n’a aucun intérêt.
Qui tombe amoureux d’une carpe ?
C’est cool, une carpe et pas difficile à vivre…
Tu as raison, Marie-O, c’est difficile de mêler sentiment et raisonnement.
« Je peux être si logique, si raisonnable, si raisonnée sur le plan intellectuel et en même temps si irrationnelle si incontrôlable sur le plan émotionnel et affectif. »C’est si terrible ce qu’il a fait.
Avant de perdre Pierre, j’avais un jugement sévère sur le suicide.
Aujourd’hui, je fais mon mea culpa.
En 22 mois, j’y ai pensé 100 fois, 1000 fois au suicide. Et je me suis arrêtée à la dernière seconde, plusieurs fois. Je peux dire que ces instants là, d’extrême limite, au bord de l’action, je ne suis pas moi-même, hors du monde, hors de moi-même, étrangère à ce qui m’entoure et incapable de penser, de réfléchir et d’imaginer les conséquences. Plus d’instinct de survie. Plus de raisonnement. C’est presque… animal.
Et soudain, une étincelle me ramène sur terre et je prends conscience de la situation. Je parle au présent car je ne suis pas sûre d’avoir totalement passé le cap, mais je sais que l’étincelle m’arrêtera toujours.
Je voulais te dire cela Marie-O, simplement pour que tu saches qu’au moment où il a fait cela, il n’était pas lui. Il ne t’a pas rejeté, il ne t’a pas abandonné, il a perdu pieds et personne n’aurait pu l’en empêcher. Il n’a pas vu l’étincelle.
Tu es formidable d’entreprendre ce terrible travail, afin de reconstruire l’image de ton amour en occultant son geste, car l’homme de ta vie, le vrai, c’est celui d’avant.
Et tu arriveras à lui pardonner, parce que celui qui a fait cela, ce n’est pas lui. Et parce que tu as une énorme générosité au fond de toi.
Yohann,
« Prendre de la distance vis-à-vis du passé ». Qui eu cru il y a quelques mois que tu nous suggèrerais une telle vidéo.
Je suis dans un si petit village, si mal placé, et si mal desservi, je ne parviens pas à la visionner et j’enrage.
Tu as raison Yohann de « reprocher » à Caroline sa recherche de la perfection.
« Pourquoi attends-tu de toi un sans faute ? »… … … … … … Oui, Yohann, c’est toi qui a écris cela.
Et autres extraits de ton message :
« Recherche ta paix, pas ta perfection ! »… … … … … …
Ah, oui, nous avançons, nous avançons.
Tendresse à tous.
Marina