Le temps a passé et je pensais avoir franchi cette étape de la culpabilité et des remords.
Ce temps où ces sentiments s'apaisent en apportant un peu de calme.
16 mois !
Et revient maintenant sans cesse en moi son dernier jour.
La veille, tous nos espoirs étaient revenus au beau fixe : des années de rémission au prix de chimio intermédiaires
Et ce matin-là, en arrivant à la clinique, tombe comme un couperet le diagnostic : plus que quelques heures à vivre !
Je me sentais complètement perdu, paniqué, refusant de croire à une situation aussi absurde en l’espace d’une journée.
Tout tourne dans ma tête, je me sens seul.
Pourtant, en fin de matinée, je dois, il me faut partir, la laisser quelques heures, le temps d’accomplir des obligations pour ma mère puis faire quelques courses pour manger.
Je suis parti, la laissant seule, malgré le diagnostic.
Quand je suis revenu, tout était fini depuis 2 mn. Sans moi !
Et depuis maintenant, ces images que je croyais digérées rebondissent en moi.
Pourquoi je suis parti ?
Pourquoi je l’ai laissé ?
En cette journée, y avait-il donc des obligations plus importantes qu’elle ?
Depuis un an et demi, je luis avais promis que je serai toujours avec elle, chaque jour, "jusqu’au bout du bout", disais-je.
Pour moi, cette promesse que je lui faisais était à double sens.
A elle, cela voulait dire "jusqu’à ta guérison, puisque nous avons gagné la première bataille".
Pour moi qui la savais condamnée, c’était "jusqu’à la fin, je serai là".
Et cette promesse, je ne l’ai pas tenue !
Malgré l’échéance, malgré ma parole, malgré les obligations, je suis parti, la laissant seule, face à la mort.
J'espérais être revenu à temps.
Et cette mort a frappé durant mon absence, rayant d’un coup toutes mes promesses.
Et je revois, j’imagine son visage et sa peur au moment de partir où elle s’est sentie seule face à sa mort, sans que je sois près d’elle, sans que je puisse lui tenir la main pour la rassurer, … sans un Au revoir.
Et maintenant, 16 mois après, ces images m’envahissent de nouveau et ne me lâchent plus.
Pourquoi et comment j’ai pu faire ça ?
Elle comptait sur moi, elle avait une confiance absolue, elle avait ma promesse de vivre et je n’ai pas été capable de tenir seulement celle d'être là !
Pourquoi après 16 mois dois-je revivre sans cesse cette vision ?
Dans ce deuil, on nous a promis que progressivement, nous avancerions.
Et là, je suis reparti en marche arrière, sans plus d'espoir d'avancer.
Un chemin à parcourir ?
Non, simplement une impasse et un mur où je viens me buter sans cesse.
Car jamais cette image ne s'effacera.
Il faut toujours payer un jour une parole non tenue.
Yohann