Auteur Sujet: L'homme que j'aimais s'est suicidé  (Lu 3805 fois)

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mirele

  • Invité
L'homme que j'aimais s'est suicidé
« le: 17 novembre 2012 à 15:28:44 »
Bonjour à tous, qui venez pleurer ici,

Je pense à Kika, à Marika, dont les messages résonnent si fort en moi...
A mon tour de joindre mes pleurs aux vôtres.

L'homme que j'aimais s'est suicidé le 25 septembre dernier. Nous croyions que nous allions vivre ensemble un jour. A 45 ans j'avais enfin rencontré mon âme-soeur. Lui en avait 44. Il s'occupait depuis 12 ans de sa femme atteinte de la forme fulgurante de la sclérose en plaques. Il s'en occupait seul, sans aide médicale ni même une aide ménagère. Elle était grabataire, inconsciente la plupart du temps. Elle ne le reconnaissait plus. Il croyait sa vie finie, il se croyait condamné à un avenir de garde-malade, de reclus. Et puis nous nous sommes rencontrés et il est rené à la vie. Mais le 25 septembre, en rentrant chez lui après le travail, il a trouvé sa femme agonisante. Je pense qu'il lui avait promis d'abréger ses souffrances. Je ne sais pas. Ou alors il n'a pas supporté son agonie. Il l'a défenestrée, du 9ème étage où ils vivaient et s'est jeté par la fenêtre derrière elle. J'étais au téléphone avec lui quand cela s'est produit, pendant 2 heures j'ai essayé de le retenir, de le raisonner. Je n'osais pas raccrocher et foncer chez eux, de toute façon il ne voulait pas que je vienne. A un moment la ligne a été coupée, et d'après la police, il a sauté juste après.
Je m'excuse pour la brutalité de mon récit. Je ne veux faire de mal à personne, surtout pas à vous qui portez déjà votre immense peine.
Je me sens amputée de la meilleure partie de moi-même. Cet homme a sauté en criant qu'il m'aimait. Et il m'aimait vraiment. Avec lui, je pouvais être moi, avec mes fêlures et mes failles. Il aimait et acceptait tout de moi, il me trouvait belle, drôle, intelligente. Souvent on pensait pareil au même moment, on riait en disant "On est compatibles !" et on se félicitait d'être l'un pour l'autre un tel cadeau pour la seconde partie de nos vies cabossées.

Je sens un grand trou dans mon ventre. Mais aujourd'hui je n'ai pas encore pleuré. J'espère que vous m'accepterez parmi vous malgré l'horreur de mon histoire, malgré aussi le fait que notre couple était illégitime et tout neuf.

Mirele/pre]

justine

  • Invité
Re : L'homme que j'aimais s'est suicidé
« Réponse #1 le: 17 novembre 2012 à 16:27:31 »
Que c'est dur de lire ton post, nous sommes tous avec toi et n'hésite pas à écrire, lire. Je t'envoie pleins de courage.
Douce journée à toi.

chrisam

  • Invité
Re : L'homme que j'aimais s'est suicidé
« Réponse #2 le: 17 novembre 2012 à 17:35:24 »
Hélas, bienvenue chez nous, les coeurs remplis de tristesse, de chagrin et de désespoir.

Tu pourras lire des messages de désespoir mais aussi d'espoir.
Mais comment te parler d'espoir dans ta situation. Tu n'entendras rien
Et c'est normal. Mais plutôt que t'expliquer, visite le site de ce forum.

Ta réaction est légitime, moi aussi, je suis dans le même état d'esprit que toi, mon épouse est décédée ce 12 octobre, après un cancer d'un an.
Il faut, il faudra survivre avec un coeur rempli de larmes, tu viens de subir un tsunami, et il faut tenir, tenir et encore tenir

Je le répète, visite le site, il y a de nombreux modules et notamment pour ton cas
Courage

mirele

  • Invité
Re : L'homme que j'aimais s'est suicidé
« Réponse #3 le: 17 novembre 2012 à 20:51:37 »
Merci, merci, pour vos messages. Je vois que je ne suis pas seule à affronter les montagnes russes de sentiments contradictoires, colère, chagrin, culpabilité, manque..., qui m'épuisent jour après jour.

oui, je lis les posts depuis plusieurs jours, les livres de Christophe Fauré m'aident aussi. Aujourd'hui j'ai réussi à aller chez le coiffeur, et j'ai même fait une apparition dans une soirée pour l'apéro, ma première sortie depuis le 25 septembre, ma première sortie seule depuis que j'avais rencontré cet homme avec qui je voulais désormais tout partager.
Venir sur ce forum réconforte. J'ai pleuré à chaudes larmes en lisant la réponse de Gérard à mon premier message. Oui, ici on peut pleurer sans honte, sans retenue. On n'a pas à faire bonne figure, à faire comme si ça allait.

Je ne sais pas où j'en suis. Il m'aimait, je le sais, et il s'est suicidé quand même. Je l'aimais tant, j'aimais tout de lui, il aimait tout de moi.
Je ne comprends pas comment on peut se tuer en criant cent fois dans le téléphone "Ma chérie, je t'aime". Parfois je suis en colère devant un paradoxe aussi énorme ! Trois jours avant, le samedi, on était allés lui acheter des chemises. Il a choisi trois chemises, rouge, violet et rose. Il riait dans la cabine, je le taquinais derrière le rideau que je faisais semblant d'ouvrir et il poussait des petits cris ravis de vierge effarouchée. Il riait et il disait que c'était la première fois qu'une femme s'occupait de sa garde-robe. Il était si vivant, il avait tant envie de vivre enfin à nouveau. Il voulait tout faire, tout essayer. Il m'épuisait parfois !            

Et puis le mardi, il a sauté, mon Dieu. J'ai si mal.
Mirele
« Modifié: 18 novembre 2012 à 10:56:27 par adèle »

mirele

  • Invité
Re : L'homme que j'aimais s'est suicidé
« Réponse #4 le: 17 novembre 2012 à 22:33:25 »
Je voudrais partager avec vous un beau souvenir qui m'est revenu ce soir en écrivant à Gérard. Merci Gérard d'avoir ravivé ce souvenir, mon histoire avec cet homme a été si courte, elle est si entachée de douleur à présent. C'est un peu long, je m'en excuse, mais mes beaux souvenirs sont si rares !
Une semaine avant sa mort, nous sommes allés lui acheter des chemises et des bottines.
Il voulait jeter les vieux habits de la solitude et du malheur, les sweats détendus et les pantalons trop grands depuis qu'il avait minci et qui lui donnaient l'air d'un grand-père dans son jardin. Il tenait absolument à ce que je vienne avec lui pour lui donner mon avis, et de toute façon, nous avions si peu de temps à passer ensemble que nous nous consacrions l'un à l'autre tous nos moments de loisirs... Nous ne sommes jamais allés au restaurant ni au cinéma, mais dans dans les boutiques, oui ! Il adorait le shopping ! Moi beaucoup moins...

Donc en ce lundi de mi-septembre, je terminais à 15 heures et lui à midi. Il m'attendait pour la séance boutiques. Comme j'étais crevée et qu'il faisait beau, on a pris le temps de boire un thé, allongés sur la pelouse sous le grand bouleau qui domine mon jardin. On est restés longtemps à regarder le vent jouer dans les feuilles ensolleillées, à goûter la chaleur sur notre peau. Je me souviens, il avait la tête posée sur mes genoux et mes doigts jouaient avec sa barbe naissante. On s'est dit : "Il faut en profiter, c'est sûrement un des derniers beaux jours de l'été..."
Vers 16 heures, direction les boutiques. Ah ! les chemises ! Nous sommes tombés sur un magasin qui proposait des chemises "easy iron" et cintrées ! Juste ce qu'il cherchait en vain ---et moi derrière lui -- depuis plusieurs semaines ... Il a palpé, tâté, soupesé. Il a déballé, , comparé les teintes, les nuances. Il voulait les acheter toutes : une bleue, une rouge, une violette, une mauve, une autre d'un violet plus clair ... Il est entré dans la cabine avec au moins dix modèles ! Derrière le rideau il s'est déshabillé, et moi je n'arrêtais pas de le taquiner. Je passais sans arrêt la tête en lui demandant comment ça allait, et il poussait à chaque fois des petits cris de vierge effarouchée. C'était très drôle. et puis je passais le bras pour toucher sa taille, son ventre derrière le rideau et il criait de plus belle et je riais plus fort.
Il est reparti avec une chemise d'un rouge à la fois gai et profond et a demandé à la vendeuse de lui mettre la violette, la mauve et l'autre violette de côté. Il voulait d'abord tester le côté easy iron" avant de toutes les acheter ...

Après sa mort, une de mes obsessions était de retrouver cette chemise rouge qu'il avait mise dès le lendemain et qui lui donnait un air rayonnant. A son appartement, j'ai plié et rangé soigneusement tout son linge. Plier pour la première fois les vêtements de l'homme que j'aimais, c'était un peu l'épouser, accepter le fait que j'étais désormais sa femme, même s'il était mort. Ses habits sentaient encore son odeur ... J'ai récupéré quelques vêtements qui me rappelaient nos jours heureux. Il y a encore, au fond de mon armoire, un tee-shirt à manches longues qu'il adorait, élimé, déchiré et tout doux, que je n'ai pas porté et qui garde son odeur. Je n'ose pas le mettre, parfois je le déplie, je le sens et je pleure ...
Mais la belle chemise rouge, je ne l'ai pas retrouvée. Je me suis demandé s'il l'avait enfilée pour sauter, en souvenir de ce bel après-midi de shopping, et dans ce cas, les pompiers l'ont déchirée lorsqu'ils ont tenté de le réanimer.

Mais ce mardi terrible-là, il portait un tee-shirt rose vif, que nous avions aussi choisi ensemble, cet été. Personne au collège n'oubliera ce tee-shirt. D'abord parce qu'il ne mettait jamais de tee-shirt en cours, il préférait les chemises, souvenir de collège anglais et puis il trouvait que c'était important d'être bien habillé quand on enseigne en ZEP, pas pour la discipline, mais pour donner un modèle positif aux élèves. Donc, ce tee-shirt rose, tout le monde l'a remarqué. Et mon Emmanuel, qui était très fier d'avoir tant minci, s'est étiré dans la salle des profs, dévoilant son ventre et l'élastique de son boxer. Tous les collègues l'ont taquiné et moi j'étais si fière d'aimer cet homme, de l'aimer en secret, de le voir si heureux et épanoui...
Le tee-shirt rose, nous ne l'avons pas retrouvé non plus

Je suis si contente de me souvenir de cela. Jusqu'à présent je me souvenais surtout des moments difficiles. Merci à tous. Un jour moi aussi je pourrai répondre aux messages et apporter un peu de réconfort aux survivants.
J'ai finalement passé une heureuse soirée à écrire ce texte. Je vous souhaite une nuit douce et reposante.
Mirele

cathy

  • Invité
Re : L'homme que j'aimais s'est suicidé
« Réponse #5 le: 19 novembre 2012 à 07:57:27 »
Bonjour Mirele,

Il est des messages tellement difficiles à lire, le tien est un appel de détresse auquel je vais avoir bien du mal à répondre avec mes pauvres petits mots.
J'ai bien conscience qu'aujourd'hui rien ne peut apaiser ta peine, alors je voulais juste t'assurer de ma compréhension, juste effleurer ta main en te chuchotant "nous sommes là".
Continue d'écrire tes émotions, nous continuerons de les lire. Pense que derrière cet écran, nous sommes nombreux à recevoir ta détresse, à la comprendre.

Je t'embrasse fort Mirele
Cathy

mirele

  • Invité
Re : L'homme que j'aimais s'est suicidé et je suis en colère
« Réponse #6 le: 19 novembre 2012 à 22:20:31 »
Merci Cathy.
Oui je vois combien vous êtes nombreux derrière cet écran, combien NOUS sommes nombreux, puisque moi aussi je fais partie de cette communauté des endeuillés dont j'ignorais jusqu'à l'existence. Nous sommes tant et tant, à pleurer en cachette, à essayer de donner le change, au travail, devant les enfants, alors que nous nous sentons détruits à l'intérieur! C'est effrayant que nous soyons autant. Je ne savais pas ....
Ce soir je suis en colère contre mon amour. Je déteste être en colère contre mon amour. J'ai l'impression de ne pas avoir le droit, que ça lui fait de la peine là haut si je suis en colère, si je lui en veux. Et parfois je lui en veux tellement de son suicide. Pendant deux heures, j'ai essayé de lui parler, de le supplier, et puis il a sauté  quand même, alors que j'étais au téléphone, alors que je criais, que mes enfants criaient et pleuraient. Demain c'est mardi et maintenant tous les mardis me rappellent ce mardi terrible. Et tous les lundis me rappellent le dernier lundi que nous avons passé ensemble.
Je lui en veux de prendre toute la place maintenant qu'il est parti.
Je lui en veux d'avoir jeté notre amour par la fenêtre. Moi c'était la première fois que j'aimais ainsi, sans crainte, sans avoir peur d'être trahie ni abandonnée....
je lui en veux aussi d'avoir sauté en criant combien il m'aimait, parce que ça n'a pas de sens, se défenestrer en criant son amour pour une femme, abandonner quelqu'un en lui répétant qu'on l'aime .
Il a sauté par la fenêtre avec une femme en criant à une autre qu'il l'aimait ! C'est absurde !!!! On avait des projets. On voulait aller à la piscine et à la chorale ensemble. Il me parlait déjà de mon cadeau de Noël ! on avait parlé aussi d'habiter ensemble, un jour ...
Je me demande comment ils vont faire là haut pour s'y retrouver." Bonjour, monsieur, alors qu'est-ce qui vous amène ?   --Ben j'ai sauté du 9ème étage avec ma femme, mais en fait j'en aimais une autre, celle qui est restée en bas ..."
Je lui en veux d'avoir abîmé son corps que j'aimais tant. Il était si abîmé qu'on n'a pas pu l'habiller.

Personne ne parle du manque physique. Mon amour me manque, ses bras, son odeur, sa corporalité, on fait comment avec ça, ou plutôt sans les bras, l'odeur de celui qu'on aime ?

Tu fais comment Cathy ? et toi Malika et Gérard ? on fait comment avec la colère et sans l'amour ?

Mirele

tiobob

  • Invité
Re : L'homme que j'aimais s'est suicidé
« Réponse #7 le: 19 novembre 2012 à 22:36:59 »
mirele,

je racontai ce week end une anecdote à propos d une serie tele très  celebre que j ai vu recemment.
Dans l episode en question, l heroine a perdu son mari , assasiné sous ses yeux, et leur fils est devenu despotique et turbulent à l ecole.Elle se rend compte que cette colere les mange tous les deux et decide de trouver un remede.
sa solution: balancer avec son fils des pots de confitures contre le mur du garage.
ça fini en larmes, dans les bras l un de l autre.
Cet episode, je l ai regardé en pleurant, comme si c etait moi qui jetai ces pots de confiture...
Je me suis dit que je les enviai beaucoup, car moi, je ne savais pas quoi faire de la violence de ma colere quand elle etait en moi.
Mon fils etait bébé,je ne pouvais pas hurler ni tout casser,je ne pouvais pas pleurer sans retenue jusqu a epuisement total,je ne pouvais pas pleurer avecl lui cette douleur.
Cette energie je l ai deployée bien a mal en me noyant dans l hyper activité.
Je paye le prix fort aujourd hui au niveau de ma santé.

Mais oui, ce monde est absurde, il perd toute logique et tout sens, nous n y avons plus de reperes et nous y sommes profondément seuls avec cette douleur qui nous tenaille le ventre.

Je ne sais pas comment ma colère est partie,mais en tout cas aujourd hui je suis plus en paix.J ai réalisé que moi j etai encore là et mon petit aussi.Il n a pas juste besoin de moi, J AI besoin de lui,j ai ENVIE de le voir grandir,de voir ses sourires, d etre là pour lui et  de le voir s epanouir.
Je suis sa gardienne comme dit si bien linda LEMAY, celle qui veille sur lui et qui s emerveille de le voir si plein de ressources malgré tout.

Parfois ma colere revient, moins violente qu avant mais toujours présente.
Elle me surprend au détour d une conversation ou comme ça, inopinément.
Je fais avec elle,je la  laisse sortir de moi car elle me fait beaucoup moins peur maintenant.Je sais qu elle ne m accapare plus , que je vais retrouver la paix quand le moment sera passé.

J espere un jour t entendre me dire que le moment sera passé pour toi, que la colere s eloigne un peu et laisse de la place aux belles choses qu il te reste.

je t envoie tout plein de courage

tiobob

cathy

  • Invité
Re : L'homme que j'aimais s'est suicidé
« Réponse #8 le: 19 novembre 2012 à 23:12:17 »
Bonsoir Mirele, bonsoir à tous,

Tu me demandes comment je fais avec la colère et sans l'amour ?
Je ne peux te donner de réponse hélas, je te dirai simplement que je fais.

Il m'est arrivé de détruire des objets en les fracassant au sol, de hurler des insultes aux quatre vents lorsque j'étais seule, de pleurer à en avoir les yeux bouffis et d'avoir l'impression que mon corps allait se consumer.
Ces déchaînements de violence me laissaient épuisée mais relativement calme... jusqu'à la crise suivante.
Il y a aura 8 moi fin novembre que Xavier est parti brutalement (rupture d'anévrisme, 46 ans) et la rage me reprend encore, mais moins intense et moins souvent même si j'ai encore parfois envie de "bouffer la terre entière".

Quant à vivre sans amour... c'est pour moi le plus difficile, chaque instant est une torture, mais doucement, tout doucement, on apprend à accepter.
Je sais bien que tu n'es pas prête à lire et à intégrer cette idée, mais je te jure que c'est pourtant vrai. Après les moments de détresse, ces instants où l'on pense que l'on va basculer dans la folie tellement la douleur est intense, il y a toujours une accalmie, quelquefois pour une poignée d'heures, quelquefois pour plus longtemps, mais ces instants permettent de souffler et de se retrouver un peu pour être plus fort lors du prochain assaut de la douleur.

Tu vois Mirele, pas de "recette miracle", juste te faire partager mon ressenti.

As tu regardé les vidéos sur le site ? Elles m'ont beaucoup aidée, elles m'ont surtout fait prendre conscience que NON, je ne basculais pas dans la folie, ce que la colère et le manque peuvent facilement laisser croire.
Et pour consolider tout ça, ce forum, où je trouve l'écoute, le respect et la compréhension, et où je peux donner à mon tour.

N'hésite pas à venir y chercher du réconfort, nous sommes là.

Je t'embrasse, essaie de prendre soin de toi,
Cathy