Un peu plus de soleil et moins de pluie ces jours-ci mais la pluie n'est jamais loin... Je fatigue de ce marathon du deuil, j'ai du mal à me reconnaitre aussi. Des mois entiers ont passé depuis cette amputation du cœur, celui qu'on m'a "greffé" à la place est encore fragile, il bat moins fort que celui que j'avais avant.
J'ai du mal à savoir si je peux écrire ça ici, au milieu de celles et ceux d'entre vous qui commencent à peine avec le chagrin. J'ai peur de heurter et à la fois j'ai envie de lever le tabou sur cette autre étape du deuil. Pas dans la partie "après la grande souffrance, la reconstruction" parce que ce n'est pas si linéaire, il y a en parallèle la "grande souffrance" et autre chose que je ne peux pas appeler de la "reconstruction". Une autre personne qui émerge, pas tout à fait différente d'avant, mais plus vraiment la même. Et en ce moment, cette étrange polygamie avec le fantôme de l'homme que j'aime et un homme bien vivant pour lequel je ressens des choses, mais en sourdine, comme des pas étouffés sur la neige.
Peut-être que c'est une étape à traverser seule, un de ces milliers de décalage vécus depuis que Tom n'est plus là. Décalage avec les autres, décalage avec notre vie d'avant, décalage avec ma famille, décalage avec la vie que je voulais et qui ne veut plus dire grand chose, décalage avec qui j'étais, décalage intérieur entre le deuil et cet "autre chose" qui émerge. Des milliers de décalages et des milliers d'arcs-en-ciel.
J'ai acheté des feutres et des coloriages, je tente l'art thérapie (peut-être un autre outil à glisser dans la boite ?) pour colorier mes arcs-en-ciel. J'aimerais bien découvrir de quelle couleur je vais être faite maintenant, jaune lumineux comme Tom, rouge amour ou rouge colère, vert comme l'espoir ou verte de rage, bleue de trouille ou bleu calme océan tropical ? J'aimerais bien oui. Que la greffe de cœur prenne aussi, j'aimerais bien.
Une pensée pour vous toutes et vous tous, pour toutes celles et tous ceux qui nous manquent,
Alex