Dominique,
Le dialogue est difficile entre croyants et non croyants. Nous ne parlons pas le même langage. Les athées ont l’habitude de répéter que «La religion est l’opium du peuple », autrement dit, un nuage de fumée douce capable d’apaiser les douleurs du cœur. Ceci dit pourquoi pas? Tout est bon pour apaiser un souffrance, placebo ou chimie?...
Il est vrai que « croire » en quelque chose, croire qu’il y a autre chose peut être tellement rassurant quand le malheur nous frappe.
A l’inverse, il y a ceux qui croyaient et qui ont perdu cette foi face à l’insupportable. J’en suis.
Pierre était croyant, mais peu pratiquant dans le sens religieux du terme, il pratiquait au quotidien en étant juste, généreux, attentif, tolérant… De mon côté j’ai reçu une éducation religieuse enfant, et j’ai trouvé autant de réponses que de questions , mais à l’adolescence tout est si entremêlé. Et plus tard, il m’a paru plutôt intéressant de vivre en respectant mon prochain plutôt que d’aller au temple (je suis protestante) pour débattre et négocier le pardon de pêchers qui me semblaient bien mineurs, ce bon Dieu devrait normalement s’occuper de chose plus graves, non ?
Bien que croyante dans ma jeunesse, j’ai toujours pensé comme ton époux que la mort était une fin. Après, le rien, le néant, le grand sommeil. Le Paradis et l’Enfer et tout le tintouin autour… non, pas assez crédule.
La mort de Pierre a été un point de rupture avec la croyance.
Enfin, je dis cela mais je continue à Lui parler pour Lui dire que je ne crois plus en lui !
Et je l’ai même envoyé au Diable, tiens !
Les premières semaines, c’était si lourd, tout était lourd, épouvantablement lourd et malgré le soutien des miens, je me sentais si seule. Mon seul secours, c’était de parler à Pierre, j’avais même très peur d’en faire mon icône, mon Dieu à moi, peur de devenir folle à n’avoir que lui dans mes pensées.
Et puis, quelques mois plus tard, la souffrance au maximum, le cerveau redevenu clair et lucide, cette étrange sensation de ne pas être seule, le sentir près de moi, mon Pierre, des réponses à des questions, sans pour autant l’entendre ou le voir. Un certain réconfort, on s’accroche à si peu quand le désespoir est au maximum. C’était presque magique de me sentir « deux ».
Et puis, et je l’ai raconté mille fois, un jour, la claque dans la figure, de nouveau la solitude, un nouvel abandon. Comment t’expliquer Dominique, c’est une sensation, un ressenti, très fort, là, et puis plus là. La peur qui me reprend, je le supplie, je ne suis pas prête, au secouuuuurs ! Et il revient, je le sens contraint et forcé mais il revient et encore plus proche, je le sens. Nous avons avancé ainsi pendant 3 mois. Une fusion parfaite et un bonheur intense.
Et puis de nouveau, le départ, très progressif cette fois, tout doucement, l’éloignement, sans regard en arrière, … et moi, je l’ai laissé partir cette fois, j’ai senti qu’il en avait besoin, et que je pouvais le faire. Après 21 mois.
Période difficile, je l’avoue, tout en pleine figure, tout très violent. Mais pas le choix.
Cette expérience a changé mon point de vue sur la mort, radicalement.
Dieu, Mahomet, ou n’importe qui d’autre, je ne sais pas, et cela n’a pas d’importance en réalité. Mais un autre monde, après la mort, oui.
Je ne sais rien, où, comment, pourquoi, dans quel but…
Je le saurais quand j’y serais.
Ce que je sais, c’est que pour moi à présent, la mort n’est que la fin de la vie terrestre, et pas ce grand vide auquel je croyais. Pierre est resté avec moi, m’a soutenu pendant les moments les plus durs et ce n’est pas seulement dans ma tête que cela c’est passé. J’ai reçu des vrais messages, des vraies réponses, je l’ai senti aller et venir, nous avons presque eu des « discussions », je veux dire par là, que je me posais une question et j’exprimais « sa » réponse, je rétorquais que … et de nouveau je parlais pour lui. Sans pour autant entendre sa voix, bien sûr.
Parfois, je lui disais, mais bon sang, où puis-je trouver ce carton de carrelage ? Et en arrivant dans la grange-à-foutoir, je me dirigeais sans hésiter vers le bon endroit, le carton, bien planqué, introuvable sans un indice.
26 mois après son départ terrestre et 4 mois après son départ virtuel, la dépression me guettait comme une bête malfaisante. Oui, j’avais appris tant de choses en 26 mois, ne plus l’attendre, ne plus l’entendre, ne plus l’apercevoir dans la foule, ne plus me blottir dans ces bras quand la vie est blessante. J’avais retrouvé les larmes au quotidien et l’envie de rien. Grosse fatigue du corps et de l’esprit, urgence à agir.
En 24 heures, ma sœur décide pour moi et m’emmène dans la Drôme chez une amie de longue date mais chez qui je n’avais jamais mis les pieds.
Je dis souvent : Il n’y a pas de hasard, juste des rendez-vous. J’avais un rendez-vous sans le savoir – programmé par qui ? – avec des personnes spirituellement avancées. Immédiatement le contact avec eux a été fort, et, sans le chercher, les réponses sont venues, avec douceur et tranquillité et assurance, je n’avais rien à dire, mes interlocuteurs répondaient, ils semblaient être là pour moi. Etrange sensation. Les discussions se passaient dans la joie et les rires, autour d’une bonne table et arrosées de vin du pays, le ciel était au diapason, soleil le jour et merveilleuse voute étoilée le soir. Rien de conventionnelle, pas de cartes de tarot, de boules de cristal, juste une discussion pleine de réponses et de silences aussi.
Quel apaisement.
Bien sûr, j’étais peut-être prête inconsciemment à entendre cela… où bien mon chemin devait me mener là.
Là encore peu importe.
Depuis, j’ai totalement libéré Pierre et comme tu l’exprimes, je vis pour moi, car du coup, je me suis libérée aussi. Tout n’est pas rose et facile, car le manque de lui est toujours difficile, mais il est là où il doit être, et je le pense heureux et … m’ayant oublié, parce qu’il a compris qu’il pouvait me laisser, pour se consacrer à autre chose. Je dois à présent assumer seule. Des hauts et des bas mais je lutte pour ne pas me laisser de nouveau écraser, pas question.
Son Amour reste ma force, mon énergie, ma chance, et d’une manière ou d’une autre, je sais qu’un jour j’aurais l’occasion de donner ce que j’ai reçu. Et peut-être aussi la chance de le retrouver comme il me l'a été dit.
Dominique, ce n’est que mon expérience.
Marina