Bonjour,
Je suis nouvelle sur ce forum et après avoir lu un peu de témoignages, j'avais besoin de raconter un petit bout de ma douloureuse histoire.
Je suis une toute jeune veuve de 46 ans après 19 d'amour.
J'ai perdu mon mari le 03 novembre dernier à la suite d'un cancer découvert en février 2017.
J'ai accompagné mon amour dans son combat jours après jours. Je vous épargne ici les détails de cette épreuve.
La dernière semaine de sa vie, l'hôpital m'a installé un lit de camp à côté de lui afin de rester auprès de lui au maximum pour ses derniers jours.
Je lui ai tenu la main, je lui ai parlé tout le temps pour lui dire quel être merveilleux il était et combien je l'aimais, comment il avait illuminé ma vie toutes ces années.
Comme, il est resté très lucide et conscient jusqu'à la fin, nous pouvions dialoguer et échanger des regards, des gestes, des baisers, beaucoup de baisers...
Il savait où il allait et me serrait très fort, me souriait, me regardait longuement de ses si beaux yeux, me caressait les cheveux. je lui lavais les mains, le rafraichissait, lui caressais les bras...
Ce fut la semaine la plus éprouvante de toute ma vie car en effet, j'ai tout vu en l'espace de si peu de temps :
La douleur physique insupportable, la détresse, le désespoir, la peur, l'angoisse, la panique, la tristesse, l'impuissance, mon impuissance, l’indiscrétion et l’indélicatesse de certaines aides- soignantes, la lutte, le courage, la force, la détermination, l'amour de mon mari pour moi- ce qui m'a aidé à tenir debout jusqu'au bout-....
puis la capitulation.
Il craignait de s'endormir de peur de ne plus se réveiller, alors on discutait beaucoup, mais il était devenu réfractaire aux produits et souffrait énormément. Plusieurs fois, je me suis surprise à vouloir prendre sa place, à lui dire que si je pouvais je prendrais une partie de sa douleur pour qu'il ai un peu moins mal...!!
Il était 23h30 ce vendredi 03 novembre quand j'avais la main sur sa poitrine et que j'ai senti son cœur s'arrêter de battre et recueilli son dernier souffle dans un léger soubresaut.
Ce n'est pas donné à tout le monde de vivre ça....et en même temps je ne le souhaite à personne.
Mais je peux vous garantir qu'à cette seconde même, ma poitrine a explosée et en un éclair une certitude est entrée en moi pour toujours : c'est que je n'ai plus du tout peur de la mort.
Puisque lui y est allé, il l'a fait alors c'est que moi aussi j'en suis capable...
Ensuite, j’ai apporté une de ses chemises qu'il portait souvent, un pantalon et ses chaussures préférées et comme, il aimait toujours sentir bon, et par souci du détail, j'ai demandé à ce qu'il soit parfumé- ce qu'ils ont fait sans se
moquer-
Puis j'ai dû organiser les obsèques, respectant les volontés de mon mari, une cérémonie civile au crématorium- tout cela comme anesthésiée par la douleur-
Nous étions fous de musique tous les deux et nous allions à beaucoup de concerts, j'ai donc soigneusement choisi 3 morceaux de musique pour la cérémonie :
- la reprise de Nothing Else Matters de Métallica par Apocalyptica- dernier groupe que nous sommes allés voir ensemble en novembre 2016
www.youtube.com/watch?v=X-B8k0n_3cs- Bel amour d'Emilie Simon
www.youtube.com/watch?v=nBfDRGAOmco- Pink Water d'Indochine (version Hanoi- avec l'orchestre symphonique d'Hanoi)
www.youtube.com/watch?v=1q26J8WO3LkIl adorait les roses, les rouges et m'en offrait très souvent .J'ai alors acheté un gros bouquet de 19 roses rouges- symbolisant nos 19 ans d'amour et de passion et aussi nos 19 années d'écart- et oui....!!
Après l'incinération et pour aller au bout du bout de ma démarche d'accompagnement, j'ai tenu à inhumer moi- même les cendres déposées dans une urne biodégradable après un dernier baiser..., au pied...d'un rosier !!
Il y a un espace dédié au cimetière,
cela s'apparente à une dispersion de cendres mais c'est matérialisé par un rosier, c'est très apaisant. Au moins je sais où il est et je peux m'y recueillir, Je me suis même surprise à prendre soin du rosier à côté du sien, comme si c'était le mien qui m'attendait...
Comme j'ai toujours rêvé d'avoir un tatouage, mais que je ne me décidais jamais sur un motif ou sur l'endroit exact, cela c'est imposé à moi comme une évidence. j'ai choisi de me faire tatouer une petite rose rouge avec un 19 caché à l'intérieur, sur mon poignet gauche.
Aujourd'hui tout est vide, tout est douleur, tout est un non- sens, je tombe dans un gouffre sans fond, tout est insupportable, tout est larmes et angoisse, injustice et incompréhension. Je suis une morte- vivante en fait.
Il m'arrive parfois aussi de culpabiliser, de me dire que j'aurais du faire plus, faire autrement, mieux, donner encore et encore plus....
Lui qui me disait toujours qu'il ne me quitterait jamais, là il l'a fait de la manière la plus définitive qui soit...même si je sais que ce n'est pas par désamour et que c'est cette saloperie qui nous a séparés, je reste inconsolable.
Merci à tous ceux qui ont lu ce long post et pour tous vos soutiens