FORUM "LES MOTS DU DEUIL"
Comprendre et vivre son deuil => Vivre le deuil de son conjoint => Discussion démarrée par: pinky29 le 21 décembre 2012 à 17:47:11
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Jour 5
Je suis sur le fil du rasoir. ces foutues larmes qui ne sont pas venues de toute la journée alors qu'elles me font mal dans la gorge, que j'ai mal dans la poitrine. Mais elles ne sortent pas.
Je t'aime, mon AMour. Je t'aime. Rien que ces mots déclenchent mes larmes. Ta photo est à présent sur mon portable. La plus belle que j'ai de toi. Celle que j'ai prise de toi il y a 7 semaines à peine, à Chypre. 7 semaines, une éternité. C'est hier à peine, et déjà si loin sur une autre planète, dans un autre monde, une autre vie.
Qu'est-ce que tu es beau ! Tes yeux d'un vert profond me regardent avec une telle tendresse, ton sourire me fait craquer...
Qu'est-ce que j'aimerais encore poçur voir te contempler, te dire et me dire que tu es beau. Je me disais souvent en te regardant : 'il est vachement pas mal quand même !'
T'écrire me permet d'être enveloppée de toi et de rejeter à plus tard la violence des larmes qui vont venir. Je sais que le jour approche où je serai déchirée, où je vais me jeter dans les murs la nuit parce que ton Absence me sera trop insupportable. J'ai l'impression pour le moment de flotter au-dessus de ma détresse, de la deviner, mais de ne pas me faire de mal. J'écris et je lis, mais tout est imprégné de toi, tout est en rapport avec toi, si bien que je ne peux pas ressentir pleinement ton absence. Je m'anesthésie en pensant à toi tout le temps, en faisant quelquechose vers toi tout le temps. Mais il faudra bien que je me réveille un jour.
je ne peux tout simplement pas encore y croire.
Je te demande pardon de ne pas avoir été là pour te tenir la main la nuit où tu es parti. J'étais si fatiguée de toute l'énergie donnée durant ces 13 jours, ne pas avoir dormi, ne pas avoir mangé...Je ne saurai jamais si tu as eu peur...
Zazie : 'J'aime et j'envoie au diable nos Adieux'
Chanson : AU DIABLE NOS ADIEUX
Jour 6
Cette nuit, à peine dormi. 01h30 au lit, réveillée à 04h30. Dans le demi-sommeil qui a suivi, tu m'es apparu : tes yeux vert délavé s'ouvraient péniblement dans ton coma pour me regarder. Pas de message, juste te voir.
J'aimerais que tu me parles dans mes rêves.
Quand je suis allée à bruxelles mercredi, je suis entrée dans une petite église et j'ai prié pour que tu viennes dans mes rêves. Peut-être que ça marchera ?
Hier, une copine dont je n'avais plus de nouvelle depuis 1 an, m'a envoyé un SMS : 'ça fait longtemps que je n'entends plus parler de toi, j'en conclus que tu vis à Hambourg et je te souhaite de merveilleuses fêtes de fin d'année !'
GLOUPS...
Je lui ai écrit ce qui 'nous' arrivait. Ca l'a 'clouée', bien sûr...Mais elle a eu l'écrit maladroit, partant sans doute d'une bonne intention : 'Néanmoins, son départ te donne l'opportunité de réaliser une nouvelle vie de ton côté'...ARRGGG ! Mon estomac s'est liquéfié, la Terre s'est dérobée sous mes pieds !! Comme si c'était une 'chance' pour moi que tu sois 'parti' !! Car c'est bien ça que ça veut dire, non ? 'Il est parti ! SUPER ! Tu vas pouvoir faire autrechose de ta vie !'
Les gens sont inconscients...
Hier aussi, ton cardiologue auquel j'avais téléphoné et écrit une lettre décrivant les 13 derniers jours où je t'ai vu 'crever', 'agoniser' (car ce sont les termes que j'ai utilisés en allemand - reflétant la réalité de ce que j'ai vécu et vu), m'a répondu. Il me dit qu'il est touché par ta mort si peu après ton test à l'effort. Il dit ne pas vouloir réagir à mes reproches dictés sans doute par ma détresse qu'il comprend. Il dit prendre toujours ses patients au sérieux, qu'il a fait tout ce qu'il fallait car il a suffisamment d'expérience et qu'il n'a rien à se reprocher. Qu'il est désolé de ce qui m'arrive et me souhaite le meilleur...
Voilà. Je m'en fous. Je lui ai dit ce que je pensais et ressentais, je suis soulagée de lui avoir décrit l'horreur dans laquelle je t'ai vu agoniser. On ne peut rien effacer, il ne peut pas te faire revenir mais je me dis que ma lettre, pleine d'émotion et de douleur, le rendra sans doute plus prudent pour d'autres patients. Je n'en sais rien. Je l'espère. Il aurait fallu une analyse de plus...
De tout ce marasme et cette glue immonde, j'essaie d'extraire le positif, l'essence. Tu n'avais rien dans la vie : solitude, jeu, dettes, détresse, dépression, lutte pour t'en sortir et tu as hautement réussi ce que d'autres n'auraient jamais pu faire, femmes et amours destructeurs...Et puis, je suis arrivée. J'ai, semble-t-il, éclairé ta vie, ensoleillé tes jours, réchauffé tes soirées et tes nuits, donné de la saveur à tes repas, embelli ton intérieur pour que tu t'y sentes bien et accueilli, je t'ai aimé, câliné, dévoré de baisers, je t'ai fait ressentir la paix intérieure, la sérénité, tu as savouré les choses simples de la vie qui font les petits Bonheurs de chaque jour...
Tu m'as fait confiance, tu as brisé la carapace de tes peurs, tu t'es laissé aimer, tu y as enfin cru qu'un Amour profond et entier pouvait t'arriver, t'était destiné; tu m'as aimée, câlinée, donné tant de Tendresse, d'attentions, tu m'as offert tant de fleurs, tant de moments doux de paix, de sérénité, de Bonheur simple partagé, tant de caresses, d'harmonie, de liberté, tu m'as tant respectée, écoutée, comprise, rassurée. dans tes yeux je me sentais femme, belle, intelligente, capable. Tu me faisais aller de l'avant, à mon rythme, trouver ma voie, être bien avec moi-même.
Tout ce que tu m'as apporté, je pense te l'avoir apporté aussi.
Nous avons vécu 4 ans de Bonheur intense, d'Amour intense, renforcé peut-être par nos moments de distance géographique.
J'aurais voulu que ce soit éternel, j'aurais voulu vieillir à tes côtés, te voir chaque jour savourer la Paix et la Sérénité.
4 ans, ce n'est vraiment pas beaucoup, mais tes amis me disent que tu as été toute ta vie dans la détresse et l'isolement et que, pour toi, 4 ans devaient être énormes d'intensité.
Quelle lecture faire de ma vie ? J'ai vécu trop tôt des souffrances, des traumatismes violents qui ont fait de moi un être fragile, différent, en marge des autres, un cerveau abîmé, qui m'ont rendue invalide. Et grâce à cela, j'ai pu vivre 4 ans à tes côtés, t'apporter ce Bonheur éphémère, être disponible pour toi...
Est-ce la lecture qu'il faut en faire ? Bien maigre consolation. Je sais, certains n'ont pas cette chance d'aimer et d'être aimés. Mais je voyais notre histoire inscrite dans la durée. Pas un instant je n'ai imaginé que cela pouvait s'arrêter aussi brutalement. J'imaginais souvent nos vieux jours...Ces vieux jours n'existeront pas, nous ne les partagerons pas. Je n'ai pu que les rêver, les souhaiter. Toute cette Paix que je voulais pour Toi...
Notre Amour nous renforçait, nous stabilisait, nous nourrissait. Nous étions 2 beaux arbres en devenir, nos racines s'inséraient enfin profondément dans le sol, un sol enfin clément, sain, idéal pour notre épanouïssement.
La hache a brutalement disloqué ton tronc, mes racines sans les tiennes ont pris froid, ont gelé, mes feuilles se fânent, tombent et j'ai froid. je me recroqueville, me ratatine.
Hiroshima dans ma vie. Je me sens irradiée, pulvérisée, desséchée, absente à moi-même.
Je n'ai plus que quelques photos, quelques vêtements, ton sac de cuir qui t'a accompagné lors de ta dernière soirée de sport, le bandage que tu portais au brasz ce soir fatidique où tout a explosé. Ce bandage qui, seul, garde encore un peu de ton odeur, de ton parfum. Que je respire avec parcimonie, car j'ai peur que chacune de mes respirations vole les derniers effluves de toi.
Zazie : ' Je traîne, je tourne seul,
des phrases en l'air, prêchées dans l'désert
et j'ai l'air de quoi ?
Tant de roses autour de moi,
elles sont belles, mais pas pour moi'
Chanson : TES FEMMES TEFAL
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Bonsoir Pinky,
Que tant d'amour dans ces propos. Ce bonheur éphémère, tu es en train de le revivre au jour le jour.
Il va te permettre de te forger ton nouvel avenir, car forcément il y en aura toujours un, qui ne sera pas évidemment celui que nous avions souhaité. Mais c'est une belle manière de faire les pas necessaires pour sortir du néant.
Il est cependant nécessaire de ne pas être trop longtemps sur ce fil du rasoir. Prends quelques pauses pour te ressourcer. Prends soin de toi, de ton corps. Ta santé est importante a entretenir, si tu désires perpétuer son souvenir et son image.
Je t'adresse le peu de courage qui semble me revenir en cette fin de soirée, et te souhaite de trouver ce repos indispensable.
Tendres pensées.
Bises.
:-* :-*
Marcel
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Pinky
C'est si beau ce que tu écrit, si beau
Merçi de partager
Malika
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Christine, que dire de plus sinon que ton compagnon peut être fier de toi
je t'offre ce poème, en espérant que ces quelques mots seront doux à ton coeur
des gros bisous marie
Bonjour Marie,
je lis toujours les poèmes que tu postes et les trouve fort beaux. Les mots justes qui décrivent si bien ce que nous ressentons.
à te lire à nouveau,
christine