Jour 7
Si tu savais comment tu me laisses...Toi, tu es bien là où tu es ! enfin, je crois? Si tu es quelquepart, le monde décrit dans les livres de l'Autre Côté semble bien beau. Et si tu n'es nulle part, hé bien, tu t'en fous de ce qui se passe ici bas ! Tu me laisses sur le pavé, noyée dans mes larmes, ratatinée. Impression d'être dans un puits profond où la nuit est noire, pleine de brouillard et où pas une seule lumière ne brille. Avec à peine un peu d'oxygène : juste assez pour bien sentir la souffrance mais trop quand même pour avoir la possibilité de 'crever'. Voilà, j'agonise. J'agonise comme je t'ai vu agoniser...C'était terrible de te voir, d'être aussi impuissante. Ton corps torturé de ces convulsions. Te voir saigner, voir parfois des larmes dans le coin de tes yeux sans savoir si tu pleurais ou si c'était mon interprétation. Te voir lutter contre ce sysqtème respiratoire qui te blessait la gorge. Ton coeur qui s'emballait soudain, 145 pulsations/minute, ta tension qui s'envolait à 22, moi qui stressais, qui vivais ce que ton corps vivait, te voir t'agiter...As-tu fait une mauvaise 'EMI' ? Oh non, je souhaite vraiment que non ! Mais comment croire que tu ne souffrais pas quand je voyais tout cela ? Les épileptiques me disent que dans leurs crises, ils ne sentent rien. Ton amie, Claudia, me dit que durant ses crises d'épilepsie, elle sort de son corps et voit les gens autour d'elle qui s'affolent alors que, elle, se sent fort bien, complètement sereine. Si ça pouvait être vrai ! Pour moi, ça a été une torture de te voir ainsi.
Mon Amour, mon Amour, je te voulais tant de Paix; je voulais que ton Départ se passe en douceur. Je n'aimais pas quand ils t'endormaient de leurs sédatifs, mais je ne pouvais pas supporter de te voir te tordre. Je te voulais tant de Paix mais évidemment, je n'avais jamais imaginé que ce serait cette Paix-là, cette paix POUR TOUJOURS. Non, moi, je te voulais la Paix dans la vie, la sérénité. Pas cette affreuse Absence. Que vais-je faire maintenant ? Toi qui étais mon TOUT, mon Harmonie. Je me répète sans cesse...Mais c'est la vérité. Des Amours comme ça, ça n'existe pas à tous les coins de rue. ce n'est pas que j'enjolive les choses. j'ai vécu 22 ans de mariage avant toi et je n'ai pas vécu cet Amour harmonieux, fait de compréhension, de soutien mutuel, de Tendresse réciproque.
Une semaine a passé depuis que tu es enterré. Une semaine insipide où les heures s'égrènent sans que je sache comment je les passe. Elles passent, tout simplement. Vides, sans but, sans joie, la tête emplie de toi.
Hier soir, les larmes se sont libérées. J'avais tellement mal. Dans mes mains, le bandage que tu portais au bras le soir où tout a basculé. En le touchant, j'i comme des flashs, réels ou pas ? Je sens le drame qui s'est déroulé. Je perçois des images : les gens amassés autour de toi pour te réanimer, l'angoisse, leur affolement, les secours qui n'arrivent pas, toi qui ne reviens pas, tes copains qui s'acharnent, enfin l'ambulance qui s'arrête sur le parking, le médecin, le défébrillateur, les chocs qu'on t'envoie, ton coeur qui repart mais après combien de temps? Toi, entre 2 Mondes. Moi, pas là, à 800 kms de toi...Peut-être que si j''avais été là, mes hurlements et mon Amour pour toi t'auraient fait revenir ?
Ce vendredi soir-là, 16 novembre, j'avais envie de t'entendre. J'étais étonnée que mon téléphone ne sonne pas vers minuit, l'heure où en général tu m'appelles. Je suis restée longtemps éveillée en attendant ton appel, puis je me suis souvenue que tu avais un match de ping pong et qu'ensuite, vous iriez tous manger ensemble. Normal que tu ne m'appelles pas : tu rentrerais trop tard. je serais déjà couchée. Ton appel me manquait. J'ai pensé que je te téléphonerais le lendemain, samedi matin, avant que tu partes travailler. J'avais besoin d'entendre ta voix, te dire mon AMour, entendre ton Bonheur à chaque fois que je t'appelais moi-même. Tu étais toujours si heureux quand je t'appelais. J'avais l'impression de t'apaiser, de te nourrir d'Amour.
Mais le matin, je me suis levée un peu tard et me suis dit que tu étais déjà en route pour le bureau. J'ai pensé avec regret qu'on ne s'entendrait que le soir. Tu me manquais, j'avais envie d'entendre ta voix. Manque de toi.
J'ai pris mon petit déjeuner puis j'ai décidé d'aller dans ce magasin de sport ou je devais trouver quelques articles. J'y étais, concentrée, lorsque mon portable a sonné. C'était Claudia, ta meilleure amie. J'étais ravie de l'entendre, persuadée qu'elle m'appelait pour organiser ton anniversaire en mai 2013. tes 60 ans. Nous devions faire quelquechose de mémorable. On cherchait des idées qui auraient pu te plaire. On en avait parlé tous ensemble lors de notre dernier repas entre proches amis ce dimanche 4 novembre. Un jour avant que je quitte Hambourg. Le dernier soir où l'on s'est vu, tous. Toi, heureux d'être entouré des gens que tu aimes. Notre dernière nuit. Nous avions passé une superbe soirée. J'étais fatiguée, épuisée de m'être concentrée si fort sur les conversations en allemand. Moment dans tes bras, dans le creux de ton épaule, caresses tendres, ta main dans mes cheveux, ton baiser doux, mon corps lové dans la courbe du tien, ton dernier murmure : 'dors bien mon ange...'
La dernière nuit.
Le matin, mon départ. Lourd. Difficile. Pas envie. Trop bien près de toi. Le quai de gare. Le froid. Je te prends dans mes bras. Je te serre fort. Je te dis que je t'aime. Tu savoures. Je suis heureuse de te faire du bien. Pas envie de partir. Hésitation. Partir ? Rester ? L'odeur de ton parfum sur ta peau, je te respire. L'odeur de ta veste en cuir qui te va si bien. Je te trouve 'sexy'. Si beau. Le train qui arrive. J'y prends ma place. On se sourit à travers la fenêtre. On s'envoie des petits baisers. Tu les poses sur ta main et tu me les souffles avec Tendresse, tes yeux plongés dans les miens. Je fais pareil, intimidée car les gens nous regardent en souriant doucement. On continue : baisers, baisers, baisers. Tu hâtes tes pas à côté du train qui démarre. Me voir, se voir encore une seconde. Baiser soufflé avec légèreté. Sourire. Tristesse. Le train est parti. Je m'éloigne. Tu n'es plus devant mes yeux. Tristesse. Tristesse. Sourire : tu es si tendre. Si doux. Ce soir je t'entendrai. Je boirai ton Amour et ta Tendresse au téléphone. Peut-être y aura-t-il déjà à mon arrivée un message de toi sur mon répondeur ? Mon téléphone va sonner, et je t'entendrai. En décembre, je reviens ! Le 29 novembre, c'est mon anniversaire et je serai loin de toi. Mais tu me dis avoir déjà acheté ma carte pour me l'envoyer. La dernière. Que tu n'auras pas le temps de m'écrire. Mais que je trouverai sur la table de la cuisine, chez toi.
Jeudi 15 novembre : le dernier appel. Je ne t'entendrai plus jamais. Tu ne me verras plus jamais.
Samedi 17 novembre, 10h15. La voix de Claudia sur mon portable. Non, ce n'est pas pour régler ta journée d'anniversaire en mai 2013. Non. J'entends sa voix me dire : Detlev est à l'hôpital. A cet instant encore, je crois que c'est toi qui lui a demandé de m'avertir. Mais non. Tu as fait un malaise cardiaque - mon coeur se déchire - durant ton match de ping pong. tu es aux soins intensifs. Tu es dans le coma. COMA ! Le mot percute mon thorax de plein fouet. Coma ? J'angoisse ! Claudia me rassure : tout va bien, c'est un coma artificiel en vue d'économiser tes forces...Le souvenir de mon jeu de Tarot au début de l'année me revient comme un boomerang : j'y ai vu ta Mort. Je le dis à Claudia, qui me rassure. Non, non, tout va bien. Il faut juste que je vienne pour être présente quand tu te réveillers lundi. C'est ce qui est prévu. Lundi, tu reviens au monde des vivants.
Je saute dans le 1er train. Les heures ne passent pas assez vite ! 8 heures de train ! 8 heures d'angoisse ! De torture ! Vas-tu tenir jusqu'à mon arrivée ? Mon Amour, je t'aime ! Je t'aime ! Ne pars pas ! Reviens ... Je t'en supplie, restes avec moi ! ...
Ta soeur m'appelle sur mon portable. M'annonce que tu as fait un arrêt cardiaque de 25 minutes ! Mon coeur se pulvérise : 25 minutes ! Ne me prends pas pour une conne ! Je sais ce que ça veut dire 25 minutes d'arrêt cardiaque ! Tu es MORT pendant 25 minutes ! Tu es partti, tu m'as laissée, tu n'as plus été là durant 25 minutes !
Et, elle, qui me dit : 'ce n'est pas grave, ce n'est pas une mort clinique ! ce n'est qu'un arrêt cardiaque !
Quelle conne ! quelle inconsciente !
Pardonne-moi, mon Amour, pardonne-moi de m'énerver contre elle...Elle devait venir me chercher le soir à mon arrivée à la gare, me conduire à ton chevet aux soins intensifs, moi qui connaît mal Hambourg. Ou était cet hôpital, comment y aller ? Elle m'a plantée là ! Heureusement que tes meilleurs amis ont été là pour moi. Ils m'ont accompagnée et soutenue en tout. Ims m'ont hébergée, consolée, rassurée. Ils ont tout fait pour toi, à travers moi. Chaque jour, ils t'ont visité. Toute seule, je n'y serais jamais arrivée. Comment aurais-je pu tenir dans ton appartement, sans personne à qui parler, dormir dans ton appartement, dans notre lit, dans nos draps vides de Toi, voir ton balcon, les 2 chaises qui nous y attendent ? Comment aurais-je pu vivre là, sans soutien, dans tes pas, dans ton souvenir, dans NOS souvenirs ? INSUPPORTABLE !
J'y suis entrée quelquefois pour prendre ton courrier, réunir quelques affaires, un peu de linge pour moi. je n'ai pu que hurler de douleur et d'angoisse ! Supplier pour que tu reviennes ! J'ai tellement hurlé ! Ton manteau d'hiver suspendu à la porte, rempli de ton odeur, attendant que tu le portes. Suspendu comme moi dans l'attente de Toi, comme si tu allais revenir...Oui, au début, j'ai envisagé que, d'ici quelques jours, tu reviendrais. Je t'aiderais à reprendre pied dans la vie, à te remettre, et tu le reporterais, pour nos balades dans le froid au bord de l'Elbe...
Et puis le château de cartes s'est écroulé. D'abord doucement, un petit peu. Ton cerveau serait endommagé et il faudrait tout te réapprendre; Réapprendre à nous reconnaître. Avec Arthur, ton ami de toujours, on s'était dit que tant pis, si tu ne nous reconnaissais pas, hé bien, on te réapprendrais à nous connaître, à nous aimer. On allait se battre pour ça. pour te réapprivoiser. Et soudain, d'un coup, tout s'est écroulé à la fois : tu ne reviendrais plus, tu ne fumerais plus ta cigarette dans le froid sur ton balcon, tu ne porterais plus aucun des vêtements qui t'attendaient...C'était bientôt fini. Fini à jamais...
Encore dans le choc, il a fallu que je vide mes affaires de ton appartement. Tu n'étais même pas encorre en Terre. Vider mes armoires, savoir ce que je voulais garder de toi. Faire comme si tu n'étais plus là alors que tu l'étais encore. Prendre de tes vêtements, tes peintures...reprendre mes tableaux peints qui décoraient tes murs...
Voilà, tu es parti. Ton beau corps chaud, enveloppant, rassurant, tes belles mains caressantes et douces...Tout est brûlé, réduit en cendres, rassemblé dans une urne si petite...Toi, ramené à plus RIEN. Un RIEN DEFINITIF, éternel. POUSSIERE. La boucle est bouclée.
Tu me disais que l'Univers est immense et que nous, êtres humains, sommes de tout petits Univers. De l'infiniment petit dans l'infiniment grand. Poussière parmi des milliards de poussières.
Je n'ai pas de nouvelle de ta soeur...Elle ne se demande même pas comment je vais...Des prières et du blabla.
Zazie :
'Mais les herbes folles, comme moi,
ça pousse comme ça,
des cris qui font peur'
Chanson : TES FEMMES TEFAL