Jour 4
Anesthésie. Rien à dire.
J'ai tenté une 1ère activité seule : je me suis rendue en ville. Bruxelles. Ville que tu ne connaissais pas, que je voulais te faire découvrir parce que c'est là que je suis née. Ville que tu ne verras jamais. Tu aurais aimé cet après-midi : soleil timide, temps sec, marché de Noël, les odeurs de vin chaud et de canelle. Tu aurais aimé. Parce que nous aurions été main dans la main. Nous aurions mangé des gaufres chaudes. Mais tu n'étais pas avec moi. Tu étais dans mon coeur, dans ma tête, dans mes pas.
J'ai pu manger dans une brasserie mais j'ai pleuré : j'aurais du faire tout cela avec toi. C'était prévu...Avril 2013...
Je suis allée à la FNAC dans le but d'y trouver un livre consacré au Deuil. Rien trouvé d'intéressant. Ressortie avec 2 autres livres : 'Mort ou pas?' écrit par un cardiologue hollandais renommé - Dr Pim Van Lommel - qui fait des recherches suir les Expériences de Morts Imminentes (EMI).
je suis à la recherche d'éléments me permettant de comprendre ce que tu as pu vivre durant ton arrêt cardiaque. 25 minutes d'arrêt cardiaque, peut-être bien davantage d'après les médecins des soins intensifs où tu te trouvais.
Ce cardiologue confirme bien évidemment qu'au-delà de 3 minutes sans oxygène au cerveau, les dommages cérébraux sont lourds et irréversibles, et entraînent à coup sûr la mort à brève échéance.
J'ai besoin de lire ce qu'en disent les cardiologues car j'ai peur d'avoir pris la mauvaise décision pour toi. Débrancher le respirateur artificiel, arrêter l'alimentation artificielle.
Culpabilité, incertitude, doute. Certains sont revenus après 90 minutes d'arrêt cardiaque...Certains sont revenus après des mois de coma où ils entendaient tout, où les médecins disaient leur cerveau mort, et pourtant...Ce doute est affreux. Toi aussi on disait ton cerveau mort...Que penser ? ca me ronge...
Aujourd'hui je n'arrive pas à pleurer. je ne ressens rien mais les larmes sont latentes. Elles veulent sortir mais elles restent bloquées. Je crois que je ne réalise pas encore ton absence ?
J'écrirai peu aujourd'hui mais j'avais besoin de ces quelques minutes pour être avec toi, Toi avec moi, dans mes pensées.
Une dame d'un groupe de paroles pour personnes endeuillées m'a contactée ce soir pour me mettre sur une liste d'attente. Il se peut que je doive patienter 5 mois...Ca m'a angoissée. Mais elle me dit qu'il est encore trop tôt pour moi, que je n'en suis qu'à la phase de déni, d'irréalité.
Elle a raison. Je croyais gérer mais en y réfléchissant, tous mes gestes sont dirigés vers toi, je fais tout avec toi, tu es dans ma tête et dans mon coeur, à chaque seconde, à chaque geste. Je fais tout pour prolonger ta présence avec moi, ne pas me rendre compte que tu n'es plus là, que tu ne reviendras plus. Parler de Toi, penser à Toi, écrire sur Toi.
Jour 4 - 22h40
Je relis ce que j'ai écrit. Tu ne reviendras plus. C'est à la fois réel et irréel dans ma tête. J'ai peur du manque. Quand je rentrerai chez moi, ça va être affreux. Le vide immense. Je retrouverai dans mon appartement toutes les places que tu as occupées.
PLUS JAMAIS. Je dois marteler ça dans mon crâne : PLUS JAMAIS...PLUS...JAMAIS...'TOI' plus avec 'moi'.
J'ai préparé la cérémonie de ton enterrement avec le couple de tes meilleurs amis. Heureusement qu'ils m'ont soutenue contre ta famille. On s'est battu pour que tu n'aies riend ereligieux. Je refusais qu'on t'impose la religion, elle qui a tout détruit dans ta vie. Et j'ai refusé que ta famille t'impose ses cantiques en canon qui te faisaient pleurer et quitter la pièce dans les fêtes de famille.
J'ai voulu qu'on te respecte. Là où tu es, je ne voulais pas qu'on t'oblige encore à faire un effort et à te taire pour supporter leur religion, leurs chants, tout ce que tu détestais, rejetais, tout ce qui a fait de toi un révolté.
J'espère avoir bien agi, avoir respecté tes désirs. J'ai fait avec ce que je savais de toi. Peut-être que là où tu es (si tu es encore quelquepart ?), tu t'en fous?...Mais je ne voulais pas qu'on t'impose cela. Je leur ai dit tout haut ce que tu as toujours plus ou moins étouffé.
Je cherche dans ce livre 'Mort ou pas?' des indices. Je cherche à savoir si tu as pu vivre une EMI. je voudrais me persuader que si ton coeur est reparti, c'est parce que tu voulais que je revienne près de toi, que tu m'as attendue et que tu es resté à mes côtés jusqu'à ce que mon anniversaire soit passé...Je trouve étrange que je sois née le 29 novembre à 4h15 et que tu sois parti le lendemain 30 novembre à 4h30...
Et je repasse dans ma tête ce 29 novembre après-midi où entre chaque convulsion de ton corps, ton visage se tournait lentement vers moi qui me trouvais à tes côtés. Ai-je rêvé? Ta gorge a émis un son guttural quand ton visage a été face à moi...Voulais-tu me parler ? Je t'ai embrassé, t'ai remercié en pleurant si fort pour cet effort que tu as fait.
Je voudrais tnt encore t'embrasser !
Je suis obligée de relire tous les SMS que j'ai envoyés durant ces 13 jours de calvaire et d'angoisse pour me persuader que je n'ai pas rêvé.
Je me souviens encore de ce dimanche à 6h30 quand je suis revenue dans ta chambre après tes soins et que je t'ai trouvé les yeux ouverts à peine ouverts mais OUVERTS. J'avais l'impression que tu attendais que je revienne, l'impression que tu te demandais où tu étais et que tu tentais de te concentrer sur ton environnement.
je voudrais me persuader, être convaincue qu'il y a eu un contact ce jour-là. j'ai besoin de relire les SMS qui décrivent cette journée pour me convaincre qu'il y eu quelquechose. J'ai besoin de me persuader que tu as eu envie, besoin, de me revoir, de me dire 'aurevoir' ... ou 'adieu' ?
Ta soeur aussi me disait que tu réagissais effectivement à ma voix, mais pour elle, ce n'était que 'végétatif', que ma voix était gravée dans ton inconscient et que donc tu y réagissais sans pour autant chercher de contact.
On sait si peu de choses sur le coma...
J'espère que tu as senti mon infini Amour ? Je me dis que les bébés n'ont pas la parole au début, qu'ils ne voient pas, ne comprennent pas les mots qu'on leur dits, mais ils ressentent bien qu'il y a de l'Amour autour d'eux, que les mots qu'on dit sont de l'Amour. Ils ressentent cela même si leur cerveau n'est pas encore complètement formé.
Mais toi ? Qu'est-ce qui était abîmé chez toi? Que restait-il de vivant dans ton cerveau ? C'est quoi un cerveau où l'électricité part dans tous les sens comme c'était le cas pour toi ?
Parfois, je souffrais que tout l'Amour que je te donnais durnt ton coma ne te fasse pas réagir. J'avais des moments de découragement. Je n'ai eu que ce dimanche où je pense que tu as été présent et ce jeudi de mon anniversaire où il m'a semblé qu'il se passait quelquechose. J'aimerais que tu m'aies 'regardée' une dernière fois.
J'ai bien vu en 13 jours que ce dimanche et ce jeudi étaient différents.
Savais-tu que tu allais 'Partir' et me laisser ? Je revis cette soirée avant notre départ en vacances, il y a 7 semaines à peine, où nous sommes allés boire un verre. Tout à coup, sans raison aucune, tu m'as dit : 'il faut que tu trouves un sens à ta vie, que tu fasses quelquechose qui te plaise et te tienne à coeur'. Ca m'a glacé le sang ! J'ai pensé : 'il veut me quitter. Il veut que j'aie quelquechose dans la vie pour que je puisse me débrouiller sans lui'. J'ai eu peur.
Tu m'as dit de reprendre des études. La 'psycho'. Mais je ne pouvais pas étudier en Allemagne car mon niveau d'Allemand n'est pas encore assez bon et je ne voulais pas étudier à Luxembourg car quand t'aurais-je vu ? Tu m'as dit que tu m'attendrais.
je trouve cet épisode étrange, comme si tu savais que tu partirais pour toujours.
mais laisse-moi le temps. Je voudrais trouver un sens à ma vie, avoir un projet en mémoire de toi, faire le chemin parce que tu me l'as demandé, tu m'as donné un 'devoir' à faire. mais là...en ce moment...je ne peux pas trouver de sens à ma vie !
Zazie :
'Tu n'es plus là (la la la)
et y a guère que l'écho qui répond...'
Chanson : ' LA LA LA'