Jour 21
Dur ce soir. Je suis rentrée chez moi après 2 mois d’absence. 3 semaines depuis ton enterrement. Je n’ai pas pu défaire les bagages que j’ai faits revenir de chez toi. Tout est là, fermé. De toi, il reste : ton manteau d’hiver, ta veste de cuir, 2 tableaux encore enfermés dans ma valise, une chemise, un pull, ton bandage dont ton odeur est partie, ton sac de cuir, ma bague au doigt. 4 ans d’histoire résumés à ça ! De ta chair, de ta douceur, de ta tendresse, il ne reste rien. Que les souvenirs. Et tout fait mal. Le silence. La nuit. Ton appel qui n’arrive pas. Qui n’arrivera pas. Qui n’arrivera plus jamais. La nuit, toute seule cette-fois. Personne pour sécher mes larmes.
Pourquoi ? Que me veut cette vie ? Est-ce que ce n’était pas encore assez ? Abandonnée par ma mère à 7 ans, un soir, je suis rentrée, elle n'était plus là, partie, et je ne l'ai jamais revue, abusée par mon père dès cet instant, et son frère durant 7 ans, trompée par mon ex-mari, lui, décédé l'an dernier à 45 ans, puis la maladie qui entraîne la perte de mon emploi, les amis qui me lâchent, désespérément seule dans la tourmente, à me débattre contre les démons des nuits, le saut du balcon qui m'attire, et dans ce temps affreux, Toi, ENFIN, qui arrive dans ma vie. Je trouvais l’équilibre, j’étais aimée, je t’aimais, tout semblait enfin prendre forme, s’épanouir, fonctionner dans ma vie…Et voilà…La vie t’arrache à moi. Tout s'achève brutalement. Pourquoi ?
J’essaie de me tourner vers l’avenir, faire des projets. Je dois rester dans cette vie. Il ne faut pas se suicider. Mais franchement, j’aurais de bonnes raisons, non ?…Je suis fatiguée. A force de souffrir, un moment, on ne peut plus se relever. Cette vie s’acharne. Elle m’en veut ! Qu’est-ce qu’elle veut ? Moi je ne peux plus…Quel sens puis-je trouver à tout cela ? Comment tenir encore debout ? Cette vie a fait de moi un être sans peau, sans protection et qui pourtant ne saigne pas. Un coeur que je donne à tous vents. Le corps ne dit pas la souffrance.
Je n’ai rien demandé de spécial. Juste être enfin apaisée, heureuse. Tu étais là et c’était doux. Ca me suffisait. Pourquoi dois-je subir ces éternelles déchirures et souffrances ?
Je nous vois encore cet été. Il faisait beau et doux. C’était l’anniversaire d’un de tes cousins. J’avais dansé toute seule sur la piste car personne n’osait. Puis tu m’as rejointe. Tu ne savais pas danser et moi non plus. Mais tant pis, tu me serrais dans tes bras, tu me faisais tourbillonner, tu fermais les yeux pour savourer l’instant, un sourire ébahi aux lèvres, je dérapais dans tes pas, et nous avons ri. On était bien et on se fichait pas mal de l’air qu’on avait.
C’est cette nuit-là que nous avons dormi sur la plage pour la première fois. Ca me semble une éternité mais c’était il y a à peine 4 mois.
Alors voilà, maintenant, il me faut structurer ma vie. Pour que les jours passent, remplir le temps, en attendant. En attendant quoi ? Je ne crois plus à rien.
J’ai ta bague au doigt. Elle ne me quitte plus, nuit et jour. Tu étais si fier de me l’offrir ! Je me souviens comme ton regard brillait quand tu me l’as fait montrer à ta sœur. Et moi, je savais que ça voulait dire : regarde, chère soeur, cette fille-là, je l’épouse.
J’ai bouleversé ta vie. Tu as rempli la mienne. 4 petites années.
La nuit a passé, assommée de médicaments pour parvenir à trouver le sommeil malgré mon épuisement.
Dans ma chambre, sur mon lit, j’ai retrouvé ma ‘vache à secrets’, celle que j’ai depuis 5 ans quand j’allais si mal. C’est la peluche qui berçait mes chagrins, qui renfermait mes espoirs. C’est une petite vache blanche et noire, toute douce, au ventre creux dans laquelle je peux glisser des objets. Depuis 5 ans, elle renferme tous mes espoirs de toi lorsque je t’ai rencontré. J’y ai retrouvé hier la 1ère carte que tu as signée pour moi. C’était à la clinique. Un peu avant mon départ. La coutume voulait que chacun et chacune offre un café d’adieu à son groupe quelques jours avant de partir. Et les copains offraient cadeau souvenir et carte signée de bons vœux pour l’avenir. Mon Amour pour toi avait réjoui et amusé les pensionnaires durant le dernier mois d’hospitalisation. C’était le feuilleton du moment : t’avais-je vu ? T’avais-je parlé ? M’avais-tu regardée ?
Alors, spontanément, une des copines avait eu la délicate attention de partir à ta recherche dans les bâtiments pour que tu signes ma carte d’adieu. De tous les cadeaux que j’ai reçus ce jour-là, ta signature et ton bref petit mot étaient les plus beaux : « rentre bien chez toi et appelle-moi ». Ca valait tout l’or du monde !
Cette carte est toujours là, cachée comme un trésor, chiffonnée par les ans. Chiffonnée par les nuits de sommeil serrée contre mon coeur plein d'espoir et d'attente. C'était il y a 5 ans.
Puis, il y a la 1ère carte que tu m’as écrite. Nous n’étions pas encore ensemble et je t’avais écrit un poème en anglais. J’ai su par Corinne, notre interprète Franco-allemande, à quel point mon texte t’avait ému. Tu lui as avoué n’avoir jamais rien reçu d’aussi beau.
D’émotion, tu m’avais aussitôt répondu, et tu m’écrivais que toi aussi, tu voulais partager avec moi de doux moments. Mais au téléphone aussitôt, tu t’es repris : oui, tu voulais cela, mais pas trop vite, il te fallait encore du temps. Tu n’étais pas prêt.
Il t’en a fallu du temps…1 an...
Mais nous n’avons rien regretté. Cet Amour-là valait la peine ; valait de l’or. Trop beau, trop fort.
Alors la vie me brise, une fois encore. J’appelle ça de l’acharnement.
Tomber et ne plus se relever. Parce que je te le dis la Vie : à force de boire la tasse, un jour, on n’en peut plus.
Zazie :
Moi je m'en moque j'envoie valser
Les trucs en toc les cages dorées
Toi quand tu m'serres très fort
C'est comme un trésor
Et ça
Et ça vaut de l'or
Moi pour toujours j'envoie valser
Les preuves d'amour en or plaqué
Puisque tu m'serres très fort
C'est là mon trésor
C'est toi
Toi qui vaut de l'or
Chanson : J’envoie valser