Jour 11
Pleurer. Pleurer à chaudes larmes. Un torrent de larmes. Pleurer à gros bouillons. Pleurer toutes les larmes de son corps. Pleurer des larmes de crocodiles.
Etre malheureux. Etre malheureux comme les pierres.
Souffrir. Souffrir à en mourir.
Tant de mots pour exprimer nos maux mais aucun ne reflète assez la souffrance que l'on éprouve quand on perd l'être aimé.
Il n'existe pas de mot, pas de synonyme, pas de métaphore.
Gouffre noir et infini
des mots absents
pour dire ce qu'on ressent;
Absence cruelle
vide éternel
douleur universelle
sous toute latitude
face à la mort, la même attitude :
on est démuni
lorsque l'être aimé est parti.
Je suis très agitée depuis hier. Revivre en boucle les images effrayantes de tes derniers jours. Tu n'étais plus là, tu es parti dans la salle de sport, m'ont dit les médecins des soins intensifs. Pour me rassurer que tu ne souffrais pas ? Ou parce que c'était vrai ? A la fois, ils disent que tu t'es éteint dans la salle de sport, et à la fois, ils me disent que j'ai bien fait d'être à tes côtés car tu as ressenti ma présence.
Alors, remonter le fil du temps. Inscrire les moments où tu as réellement pu ressentir mon Amour.
Au téléphone : mais que t'ai-je dit ce 15 novembre ? Toi, tu m'as dit : 'je t'aime mon Ange'. OOOh, que c'était doux et que cela me faisait infiniment plaisir ! Comme du miel...Et je t'ai répondu de ma petite voix que je rendais enfantine dans ces instants : 'moi aussi'. Et tu me faisais de petits baisers sonores au téléphone. On arrivait pas à raccrocher et je poursuivais par mes 'schussi, schussi' et de petits baisers sonores à mon tour qui répondaient aux tiens.
Je remonte le fil du souvenir au quai de gare. Notre dernier 'au revoir'. Oui, je sais qu'il y avait dans ces baisers, dans cette manière de te serrer si fort contre moi, tout mon Amour. Et mon angoisse aussi...'C'est peut-être la dernière fois'...
Et le mois précédant où je voulais quitter Hambourg ou il pleuvait à verses pour retourner à Luxembourg où le temps était plus clément. Tu étais si malheureux que je parte...Que je suis restée...Tu étais déprimé, soucieux. Alors je suis restée. Tu étais si soulagé. Tu m'as tant remerciée de rester à tes côtés. Je suis restée. La pluie a cessé de tomber et nous nous sommes baladés.
Deux années plus tôt.
Un soir de printemps. Il fait beau. Tu es rentré du bureau. Tu me proposes joyeusement de redescendre nous asseoir au bord de l'Elbe, à 50m de chez toi. Tu saisis 2 verres de vin, une bouteille de vin rouge et nous dégringolons les escaliers avec légèreté, direction l'Elbe où passent de gros navires qui font rugir leurs sirènes pour annoncer leur départ ou leur arrivée. Tout le monde est assis au bord de l'eau, les uns avec des bières, les autres avec de l'alcool. Nous sommes assis dans l'herbe, il fait nuit, un vent léger souffle agréablement. On entend le brouhaha, les murmures et les rires des gens autour de nous. On est bien. Il ne nous faut rien de plus. Le bonheur, c'est si simple ! Tu plonges ton regard dans le mien et tu me dis : 'J'imagine fort bien ma vie auprès de toi...'
Waaaow ! OOOh ! Ca me touche tellement ! Je ne crois pas ce que j'entends ! Mais si, oooh si, tu m'as bien dit cela ! Je n'ai pas rêvé ! Quelle preuve d'Amour et d'Engagement. Moi, je ne savais pas trop comment concrétiser ce voeu. je ne pouvais pas vraiment quitter Luxembourg et m'installer avec toi. Mais c'était si bon d'avoir entendu ce désir dans ta bouche. Toi, qui n'avais presque pas vécu avec une femme, qui ne t'étais pas investi, ou si peu, avant moi.
Cet été. Mois de juillet. Enfin il fait beau à Hambourg ! 35° ! Exceptionnel ! On saute dans la voiture avec nos édredons. Direction loa plage : Ost See. Sur l'autoroute, embouteillage. Les voitures à l'arrêt. Soudain, un hélicoptère atterrit sur l'autoroute : les secours d'urgence...Il n'y a pas d'accident pourtant. on comprend : quelqu'un a du faire un malaise cardiaque ou quelquechose de ce genre. Lorsqu'il s'envole, emportant la victime, on sourit en pensant : quelqu'un a été sauvé de la mort. En riant, nous remontons dans la voiture que nous avions quittée car il y faisait trop chaud. Et tout en riant, je te dis : 'si jamais il m'arrive quelquechose - j'avais fait une trombose et une double embolie pulmonaire cette année en janvier - mes papiers importants sont dans l'armoire de ma salle à manger à Luxembourg'.
'OK, me réponds-tu, les miens se trouvent dans le tiroir du meuble dans le hall d'entrée. Mais maintenant, on change de sujet ! t'es-tu exclamé en démarrant le moteur.
C'était juillet 2012. Novembre 2012 : j'ai trouvé tes papiers dans le tiroir du meuble du hall d'entrée, comme tu l'avais dit. Je n'ai jamais pensé qu'il me faudrait les rechercher si tôt après cette escapade de juillet...
Nous avons dormi sur la plage ce jour-là. J'ai pris une douche glacée le soir près de la plage sous ta garde protectrice pour que personne ne vienne me déranger. Dans tes bras la nuit, avant le sommeil. Un peu stressée : je n'avais jamais dormi ainsi à la belle étoile. Le bruit doux des vagues qui viennent mourir sur la plage. le réveil au matin par le cri des mouettes. Le petit déjeuner sur la terrasse de cet hôtel le long de la côte.
C'était bien. C'était hier. Et c'est déjà si loin. Si irréeL.
Est-ce que cela a existé ?
C'est quoi la vie ? C'est quoi le temps ? Vivons-nous dans une réalité et les défunts dans une autre ? Une autre réalité proche de la nôtre ?
Hier j'ai tant pleuré ! Le manque de ta peau...Ta peau qui était encore chaude lorsque j'ai pu te voir à l'hôpital après ton décès. Je n'ai pas cessé de te caresser, de t'embrasser encore. J'ai posé ta amin sur la mienne. Elle était lourde, si bien que je pouvais croire que tu serrais la mienne. posé ma tête sur ton corps et j'ai pleuré...Pleuré...Caressé la peau de tes jambes. Embrassé la peau de tes bras. Tu étais enfin libéré de tous ces tuyaux. Mais tu n'étais plus là. Plus là, à jamais.
Ca fait tellement mal ! Je suis restée 1h30 ainsi...
je voudrais te toucher encore, sentir ta main dans la mienne.
Qu'est-ce que je t'ai aimé, aimé, aimé...!
Qu'est- ce que je t'aime encore, encore, encore...!
Zazie : 'je t'aime à l'infini, ça me suffit'