FORUM "LES MOTS DU DEUIL"

Comprendre et vivre son deuil => Vivre le deuil de son conjoint => Discussion démarrée par: pinky29 le 26 décembre 2012 à 18:58:45

Titre: journal - jour 11
Posté par: pinky29 le 26 décembre 2012 à 18:58:45
Jour 11

Pleurer. Pleurer à chaudes larmes. Un torrent de larmes. Pleurer à gros bouillons. Pleurer toutes les larmes de son corps. Pleurer des larmes de crocodiles.
Etre malheureux. Etre malheureux comme les pierres.
Souffrir. Souffrir à en mourir.
Tant de mots pour exprimer nos maux mais aucun ne reflète assez la souffrance que l'on éprouve quand on perd l'être aimé.
Il n'existe pas de mot, pas de synonyme, pas de métaphore.

Gouffre noir et infini
des mots absents
pour dire ce qu'on ressent;
Absence cruelle
vide éternel
douleur universelle
sous toute latitude
face à la mort, la même attitude :
on est démuni
lorsque l'être aimé est parti.

Je suis très agitée depuis hier. Revivre en boucle les images effrayantes de tes derniers jours. Tu n'étais plus là, tu es parti dans la salle de sport, m'ont dit les médecins des soins intensifs. Pour me rassurer que tu ne souffrais pas ? Ou parce que c'était vrai ? A la fois, ils disent que tu t'es éteint dans la salle de sport, et à la fois, ils me disent que j'ai bien fait d'être à tes côtés car tu as ressenti ma présence.
Alors, remonter le fil du temps. Inscrire les moments où tu as réellement pu ressentir mon Amour.
Au téléphone : mais que t'ai-je dit ce 15 novembre ? Toi, tu m'as dit : 'je t'aime mon Ange'. OOOh, que c'était doux et que cela me faisait infiniment plaisir ! Comme du miel...Et je t'ai répondu de ma petite voix que je rendais enfantine dans ces instants : 'moi aussi'. Et tu me faisais de petits baisers sonores au téléphone. On arrivait pas à raccrocher et je poursuivais par mes 'schussi, schussi' et de petits baisers sonores à mon tour qui répondaient aux tiens.
Je remonte le fil du souvenir au quai de gare. Notre dernier 'au revoir'. Oui, je sais qu'il y avait dans ces baisers, dans cette manière de te serrer si fort contre moi, tout mon Amour. Et mon angoisse aussi...'C'est peut-être la dernière fois'...
Et le mois précédant où je voulais quitter Hambourg ou il pleuvait à verses pour retourner à Luxembourg où le temps était plus clément. Tu étais si malheureux que je parte...Que je suis restée...Tu étais déprimé, soucieux. Alors je suis restée. Tu étais si soulagé. Tu m'as tant remerciée de rester à tes côtés. Je suis restée. La pluie a cessé de tomber et nous nous sommes baladés.
Deux années plus tôt.
Un soir de printemps. Il fait beau. Tu es rentré du bureau. Tu me proposes joyeusement de redescendre nous asseoir au bord de l'Elbe, à 50m de chez toi. Tu saisis 2 verres de vin, une bouteille de vin rouge et nous dégringolons les escaliers avec légèreté, direction l'Elbe où passent de gros navires qui font rugir leurs sirènes pour annoncer leur départ ou leur arrivée. Tout le monde est assis au bord de l'eau, les uns avec des bières, les autres avec de l'alcool. Nous sommes assis dans l'herbe, il fait nuit, un vent léger souffle agréablement. On entend le brouhaha, les murmures et les rires des gens autour de nous. On est bien. Il ne nous faut rien de plus. Le bonheur, c'est si simple ! Tu plonges ton regard dans le mien et tu me dis : 'J'imagine fort bien ma vie auprès de toi...'
Waaaow ! OOOh ! Ca me touche tellement ! Je ne crois pas ce que j'entends ! Mais si, oooh si, tu m'as bien dit cela ! Je n'ai pas rêvé ! Quelle preuve d'Amour et d'Engagement. Moi, je ne savais pas trop comment concrétiser ce voeu. je ne pouvais pas vraiment quitter Luxembourg et m'installer avec toi. Mais c'était si bon d'avoir entendu ce désir dans ta bouche. Toi, qui n'avais presque pas vécu avec une femme, qui ne t'étais pas investi, ou si peu, avant moi.
Cet été. Mois de juillet. Enfin il fait beau à Hambourg ! 35° ! Exceptionnel ! On saute dans la voiture avec nos édredons. Direction loa plage : Ost See. Sur l'autoroute, embouteillage. Les voitures à l'arrêt. Soudain, un hélicoptère atterrit sur l'autoroute : les secours d'urgence...Il n'y a pas d'accident pourtant. on comprend : quelqu'un a du faire un malaise cardiaque ou quelquechose de ce genre. Lorsqu'il s'envole, emportant la victime, on sourit en pensant : quelqu'un a été sauvé de la mort. En riant, nous remontons dans la voiture que nous avions quittée car il y faisait trop chaud. Et tout en riant, je te dis : 'si jamais il m'arrive quelquechose - j'avais fait une trombose et une double embolie pulmonaire cette année en janvier - mes papiers importants sont dans l'armoire de ma salle à manger à Luxembourg'.
'OK, me réponds-tu, les miens se trouvent dans le tiroir du meuble dans le hall d'entrée. Mais maintenant, on change de sujet ! t'es-tu exclamé en démarrant le moteur.
C'était juillet 2012. Novembre 2012 : j'ai trouvé tes papiers dans le tiroir du meuble du hall d'entrée, comme tu l'avais dit. Je n'ai jamais pensé qu'il me faudrait les rechercher si tôt après cette escapade de juillet...
Nous avons dormi sur la plage ce jour-là. J'ai pris une douche glacée le soir près de la plage sous ta garde protectrice pour que personne ne vienne me déranger. Dans tes bras la nuit, avant le sommeil. Un peu stressée : je n'avais jamais dormi ainsi à la belle étoile. Le bruit doux des vagues qui viennent mourir sur la plage. le réveil au matin par le cri des mouettes. Le petit déjeuner sur la terrasse de cet hôtel le long de la côte.
C'était bien. C'était hier. Et c'est déjà si loin. Si irréeL.
Est-ce que cela a existé ?
C'est quoi la vie ? C'est quoi le temps ? Vivons-nous dans une réalité et les défunts dans une autre ? Une autre réalité proche de la nôtre ?

Hier j'ai tant pleuré ! Le manque de ta peau...Ta peau qui était encore chaude lorsque j'ai pu te voir à l'hôpital après ton décès. Je n'ai pas cessé de te caresser, de t'embrasser encore. J'ai posé ta amin sur la mienne. Elle était lourde, si bien que je pouvais croire que tu serrais la mienne. posé ma tête sur ton corps et j'ai pleuré...Pleuré...Caressé la peau de tes jambes. Embrassé la peau de tes bras. Tu étais enfin libéré de tous ces tuyaux. Mais tu n'étais plus là. Plus là, à jamais.
Ca fait tellement mal ! Je suis restée 1h30 ainsi...
je voudrais te toucher encore, sentir ta main dans la mienne.
Qu'est-ce que je t'ai aimé, aimé, aimé...!
Qu'est- ce que je t'aime encore, encore, encore...!

Zazie : 'je t'aime à l'infini, ça me suffit'
Titre: Re : journal - jour 11
Posté par: Tinou le 26 décembre 2012 à 19:01:00
Pinky, tu es riche de souvenirs que rien ni personne ne pourra te retirer...

Martine
Titre: Re : journal - jour 11
Posté par: zabou le 26 décembre 2012 à 22:40:29
Tu vois tes souvenirs sont là, présents bien ancrés dans ta mémoire.
Tout refaire en boucle ne changera rien, je fais comme toi sur du papier, j'ecris ce que je ressent, ce que j'ai fait de ma journée(souvent rien d'ailleurs, pas d'envie), mais je n'arrive pas à me souvenir avec cette précision.
J'ai parfois des flash, un mot, une phrase qui me donne à réflechir sur ce que je croyais ne pas avoir été dit, mais qu'il avait exprimé avec pudeur.
Alors je fais des retours en arrière, mais pas aussi loin que toi.
Il t'aimait et toi aussi et c'est déjà beaucoup, au final peu, ont cette vrai chance.

zabou
Titre: Re : Re : journal - jour 11
Posté par: pinky29 le 26 décembre 2012 à 23:06:01
Tu vois tes souvenirs sont là, présents bien ancrés dans ta mémoire.
Il t'aimait et toi aussi et c'est déjà beaucoup, au final peu, ont cette vrai chance.

zabou
Bonsoir Zabou et merci.
J'écris beaucoup mais je ressens aussi tous ces souvenirs comme toi : des flashs. Des flahs liés à des émotions...Et en fait, par les retours que vous me faites tous, c'est à travers cela que j'arrive à me convaincre que je n'ai pas rêvé. Je crois que j'écris pour ne pas oublier, pour me convaincre. Et en plus, je m'aperçois que cela permet à des personnes de retrouver qqch de leur propre histoire...Alors cela m'incite à poursuivre...J'ignore combien de temps j'en serai encore capable...En 4 ans, pas de quoi construire des souvenirs comme si c'était une vie entière partagée à 2...
A bientôt,
christine
Titre: Re : journal - jour 11
Posté par: dan43 le 26 décembre 2012 à 23:51:24


    Christine,

  Continue . Tes souvenirs font remonter les miens à la surface, Nous c'était l'Afrique des grands espaces ,il y a bien longtemps...Mais je vois son sourire le matin , quand se dressait devant nous ,le Kilimandjaro ,et que le parfum de la savane montait de la terre rouge ,un oiseau s'essayait à chanter ,toujours le bulbul en premier, et il fallait faire vite,car la brume recouvrait très vite les pentes et le sommet du volcan enneigé. Au loin, les antilopes ,les girafes,se distinguaient à peine , mais une bonne odeur de bacon ,nous ramenait vers la cuisine...Seigneur ,on a connu çà !La paix, le silence, les grands espaces, la beauté simple et grandiose de la Nature ,et la présence de celle que je continue d'aimer.

   Ton histoire est belle ,tragiquement belle, et tu nous fait catalyser nos propres souvenirs, nous n'avons pas ton talent, mais tu sais faire revivre ce qui n'est plus.

  Que la nuit te soit douce,je pense à toi,

  Daniel


   
Titre: Re : Re : journal - jour 11
Posté par: pinky29 le 27 décembre 2012 à 00:11:38

le Kilimandjaro ,et que le parfum de la savane montait de la terre rouge ,un oiseau s'essayait à chanter ,toujours le bulbul en premier, et il fallait faire vite,car la brume recouvrait très vite les pentes et le sommet du volcan enneigé. Au loin, les antilopes ,les girafes,se distinguaient à peine , mais une bonne odeur de bacon ,nous ramenait vers la cuisine...Seigneur ,on a connu çà !La paix, le silence, les grands espaces, la beauté simple et grandiose de la Nature ,et la présence de celle que je continue d'aimer.


  Daniel


   

Merci Daniel...Je suis touchée aussi par ce que tu écris car;;;Je suis une passionnée d'Afrique et je voulais y emmener Detlev...J'en rêvais. Il aurait été aux anges devant ces paysages que tu as vu avec celle que tu aimes...
Je ne connais que le Togo ou je ne suis allée que pour de l'humanitaire.
Il s'émerveillait aussi devant la beauté de la nature...J'aurais adoré l'emmener là bas...Pour avril prochain, je prévoyais Cuba.J'ai les livres, j'avais planifié un itinéraire...Les tarifs m'étaient parvenus...Y avait plus qu'à réserver...
Coupure brutale de tous nos rêves...
J'apprécie aussi quand tu fais vivre Odile pour nous.
Plein de pensées aussi. Je lisais que tu souhaitais faire une valise pour n'y garder que ce qui est précieux...Je crois malheureusement que TOUT est précieux, qu'il est impossible de faire un tri...J'ai du déjà ne prendre chez mon Amour que ce qui 'm'intéressait' vu qu'il fallait libérer l'appart au plus vite (ça ne lui appartenait pas et les propriétaires ne pensent qu'à leurs sous !). Je me suis précipitée sur les vêtements qu'il avait portés récemment pour avoir son odeur et sur 3 tableaux qu'il avait peints...Mais aujourd'hui, mon coeur se pince car il y a d'autres vêtements qu'il aimait et que je voudrais avoir aujourd'hui...Trop tard...
Alors faire un tri, je me dis que cela va t'être bien difficile...Je pense qu'il faut des années pour arriver à ça ?
Pensées douces aussi.
Christine

Titre: Re : journal - jour 11
Posté par: Tinou le 27 décembre 2012 à 08:03:45
Merci Pinky d'écrire aussi bien.

Je retrouve en tes écrits des sentiments que je ne sais pas écrire pour l'instant...

L'Afrique que Robert mon mari aimait tant et où nous sommes allés plusieurs fois... Tu m'as aidée à revivre de beaux moments... Merci !

Martine