Des semaines de silence, semaines de vacance et vacances.
Cet été 2 évènements importants, reprendre la mer, naviguer après 25 ans d'interruption, une sorte de défi face à ma peur et mon manque de confiance.
L'autre celui de m'abandonner à l'amour d'un autre, autre défi pour moi.
Si j'ai relevé haut la main ce challenge avec la navigation , je dois dire que celui d'accepter d'être avec un autre que lui est cuisant.
Terrible de constater que si pendant quelques jours j'ai pu croire que c'était possible, je dois reconnaître que l'absence de Pierre se fait encore plus cruelle aujourd'hui.
J'ai une grande colère en moi, une terrible colère contre la vie de m'avoir arraché mon homme et de m'obliger à assouvir mon amour dans d'autres bras pour constater que je suis encore plus orpheline aujourd'hui. Deuil impossible!
Le fait d'être avec un autre tout aimant, tout tendre, aussi charmant soit-il ne m'apaise en rien. Au contraire, ça ne fait qu'exacerber son manque, son absence et l'exceptionnel de notre histoire.
J'ai le sentiment que ce “défi” que je me suis imposée me fait découvrir un aspect du deuil que je supputais, celui de sa permanence.
Tout me semble encore plus absurde et inaccessible. Sentiment de jouer à vivre encore plus exacerbé aujourd'hui et pourtant j'aimerais tellement y croire.Tellement croire que je pourrais encore aimer un jour et accepter d'être aimée en retour par un autre que lui mais pour l'instant encore trop blessée, trop meurtrie.
Les assauts du deuil sont terribles et terrifiants. Ils me paralysent littéralement. Je suis comme dédoublée, celle qui veut y croire et celle qui immanquablement se tourne vers ce passé qui la happe.
Jusque là, j'avais le sentiment ou plutôt l'espoir que je n'étais pas en colère. Aujourd'hui, constat amer d'une colère démesurée, oui colère face à sa maladie, face à sa mort, face à mon impuissance à le tirer des griffes de la mort. Colère d'avoir été séparée de l'homme de ma vie, colère qu'on interrompe cette belle histoire, et colère de ne pas arriver à cicatriser, de ne pas arriver à dépasser, de ne pas réussir à vivre sereinement et accepter les lois de notre état de mortel. Colère de me refuser à l'amour de cet autre.
Alors de rage et de désespoir, j'essaie de faire le ménage à défaut de pouvoir le faire dans ma tête, je le fais chez moi, ranger, trier, mais toujours cette impossibilité de me séparer de ce qui était à lui. Je garde tous ses livres même ceux que je ne lirai pas, je garde tous ses CD même ceux que je n'écouterai pas. Et chaque livre lui appartenant me rappelle combien il me manque, combien d'écueils encore il me reste à affronter pour un jour peut-être arriver à vivre vraiment.
Alors je guette chaque recoin et je lave, nettoie, dépoussière comme pour soulager ce fardeau qui m'écrase. Aujourd'hui, éreintée de cette lutte, je voudrais m'endormir enfin.
Tendrement.