Auteur Sujet: je suis une femme en deuil "tout simplement"  (Lu 119527 fois)

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #45 le: 19 janvier 2016 à 20:44:25 »
Faïk,
Tu as poussé une des bonnes portes.
Ici, tu peux aussi poser tes valises, un peu, beaucoup..., des oreilles attentives, sensibles, folles parfois t'écoutent, entendent cette douleur-là.
Tu peux aussi créer ton propre file avec ton sujet à toi, venir dire, écrire, déverser ou écouter en silence toutes ces personnes merveilleuses d'humanité de ce forum que le deuil traverse et transperce.
Tendrement

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #46 le: 20 janvier 2016 à 00:20:19 »
Eh bien, puisque j'ai poussé la porte, je veux bien prendre une petite place parmi vous, Et puisque que c'est l'hiver depuis si longtemps déjà, me réchauffer un peu et laisser mes oripeaux à l'entrée. Déguenillée, détricotée, je voudrais tant reprendre le fil et la trame de ma vie ...




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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #47 le: 20 janvier 2016 à 13:07:32 »
Le fil, ifl, fli, ilf, le feu-il, il faut le prendre et le reprendre même et surtout à l'envers, se le tricoter, retricoter. détricoter sur une trame désormais béante, lui retrouver un sens, lui retrouver une forme et même si je sens que cette béance est et sera, je sens aussi que je dois continuer avec et malgré elle, pour moi, pour lui, pour notre fille.
Je marche seule dans ma ville, je me rappelle de cette hâte, de cette impatience qui m'habitait avant, cette envie d'être déjà de retour pour être avec toi.
Maintenant, je ne suis plus errante, titubante, aveugle comme il y a encore quelques temps, cette hâte, je la retrouve  pour notre fille, je rentre pour elle, pour l'accueillir à son retour des cours, pour être présente à ses côtés, pour lui offrir une oreille attentive à ces discussions apparemment anodines sur ses anecdotes d'écoliers où elle se dit sans le savoir.
Cette présence à ses côtés est mon baume actuel. On se partage des anecdotes, on t'évoque maintenant sans que les larmes viennent brouiller mes dires et l'arrêtent dans ton évocation parce que tout comme toi elle est pudique de ses sentiments et n'aime pas que je pleure, défense ou protection...
Ce matin, rendez-vous avec le médecin et l'infirmière du service de santé du travail, et bien je dois dire que je suis scotchée de leur humanité, de leur capacité à m'entendre, je vais reprendre à dose homéopathique la casquette de mon métier. Je suis à la fois heureuse de cette reprise et pleine d'appréhension mais, c'est ma décision.
Aujourd'hui, jour gris sur la ville, crachin pas coutumier de la région,  sentiment d'être ailleurs.
La cuisine fleure bon l'ail, notre fille rentre de l'école, nous aurons un petit moment ensemble autour d'un délicieux repas et chacune vaquera à ses occupations.
Voilà, mon coeur, tu vois, je suis debout...

Hors ligne Faïk

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #48 le: 20 janvier 2016 à 14:08:17 »
Etre debout, Piera, cela semble si difficile...

Pour l'instant, je me repais de vos mots. Et encore ce verbe ne me semble pas vraiment adéquat, car je suis déjà repue, mais de fatigue et de désolation. Je ne voudrais pas non plus recevoir sans rien donner en retour, mais je me sens tellement dépouillée, Je ne peux que vous souhaiter un peu de légèreté dans l'air...

Hors ligne Stana

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #49 le: 20 janvier 2016 à 14:23:38 »
  Si nos mots t'apaisent, tu n'es pas là pour rien, que ce soit pour toi ou même pour d'autres personnes^^je m'explique: nous avons tous besoin de raisons de continuer à vivre, et nous sentir utiles, d'une façon ou d'une autre, en fait largement partie, et je peux te dire que lire que nous te faisons un certain bien me met du baume au cœur  :)

  Bon courage à tous les deux  :-* :-*
*Où que tu sois, ne m'oublie pas. Ici, ta voix résonnera encore et toujours. C'est un nouveau monde qui s'ouvre à toi; mais c'est un monde où je ne suis pas...* (Dark Sanctuary)

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #50 le: 20 janvier 2016 à 14:58:17 »
Merci Stana de m'avoir dispensé un peu de miel...

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #51 le: 21 janvier 2016 à 11:02:10 »
Angoisse du matin, chagrin.

Je vois des ponts jetés par les uns et les autres au travers des nombreuses discussions de ce forum. Et aujourd'hui ce mot même de forum prend tout son sens : un lieu de rencontres, de va et vient continuels, mais que les uns traversent, muets de douleur et d'autres hurlant de souffrance. Y aura t-il, un jour, de nouveau, une place publique inondée de soleil, où réchauffer nos âmes si douloureuses et nos corps meurtris ? je suis une âme en peine,..
Grâce à Dieu, je suis athée !... mais je crois à l'enfer, puisque j'y suis !

Hors ligne piera

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #52 le: 21 janvier 2016 à 13:54:54 »
Tendrement avec toi Faïk

Hors ligne piera

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #53 le: 21 janvier 2016 à 13:58:26 »
Se laisser porter par sa douleur, l'accueillir, la laisser nous mener au fond du gouffre oui, ne pas en avoir peur même si parfois elle nous mène au bord de l'irréparable.
Je l'ai côtoyé longtemps ce gouffre, et il vient me visiter de temps en temps, il était déjà présent  du temps de la maladie, maladie qui me confrontait à mon insoutenable impuissance, à cette maladie plus forte que tout qui nous séparait déjà, parce qu'elle lui imposait une épreuve que je ne pouvais qu'accompagner mais pas partager. Elle dressait cette ligne de démarcation insupportable entre deux êtres aimants, elle donnait à voir cette séparation que l'on tente de ne pas voir quand on aime, cette impossibilité de pénétrer l'autre, ses tourments que l'on devine  face à sa mort inéluctable sans pouvoir y porter le moindre remède. On reste triste et silencieux spectateur de sa débâcle intérieure. Mon traumatisme est là, avoir été témoin impuissant de son tourment, témoin silencieux, je n'avais pas de mots pour le rejoindre parce qu'il est un territoire où on ne peut plus rejoindre l'autre, celui de sa proximité avec sa propre mort. On est seul face à la mort et même tout l'amour qu'on se vouait l'un à l'autre n'a pas pu nous donner de franchir cette ligne de démarcation, et ça c'était tout bonnement insupportable pour moi.
C'est ce constat qui me hante aujourd'hui.
Pierre ne s'est jamais posté en victime, n'est jamais devenu amer, Il a encaissé son diagnostic, un direct du droit qui nous a basculés dans un cauchemar. Il ne criait pas à l'injustice, j'ai même l'impression avec le recul que sa bienveillance s'est accrue. Il devenait encore plus précautionneux avec les êtres qu'il aimait. Il se préoccupait de tous. Comme si la maladie l'avait rendu encore plus empathique. C'était un être sans attente, tout ce qu'il recevait, il le considérait comme un don dont il devait se réjouir et  non pas avoir à prétendre.
C'est cette ligne-là que je fais mienne depuis sa maladie et que je souhaite garder, maintenir, c'est le plus bel héritage qu'il m'ait légué, là.
Les amis inadéquats, je ne les vois pas en ce moment mais j'essaie de ne pas les juger, ils ne savent pas ou ne veulent pas savoir mais à quoi bon les condamner, je suis une femme en deuil tout « simplement » mais cela pour moi ne me donne  ni le droit de me poster en victime, ni le droit de juger. Comment aurais-je agi à leur place ? Qu'aurais-je fait à leur place ?
Les maladresses nous atteignent parce que nous sommes déjà si fragiles, si démunis, si meurtris alors chacun y répond comme il peut ou garde le silence. Moi, j'essaie de les évacuer parce qu'elles ne sont que le signal de ce point de fracture entre nous, les endeuillés et ceux qui n'ont pas encore été confrontés à la perte d'un être indispensable à notre vie. Parfois aussi, je sors mes griffes et j'égratigne parce que parfois l'indignation et la colère sont plus fortes.
Comme le dit si bien Claude, il n'y a pas de recette, chacun vit sa perte avec son patrimoine affectif propre, à tout un chacun de trouver sa forme de réconciliation avec la vie ou non.
Je resterai inconsolable de son absence, je le sais, mais je ne veux pas m'ériger en martyre pour autant.
Tendrement.

Hors ligne milou

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #54 le: 21 janvier 2016 à 14:53:50 »
Chère Piera,

Je n'ai pas de meilleure consolation que de sentir que l'épreuve que je traverse est à la fois totalement intime et absolument universelle.

Infiniment merci pour ta sincérité et ta générosité. Ton écriture est un baume sur mes cicatrices.

Si je pouvais, je te prendrai dans mes bras. Sans rien dire. Nous savons que nous savons.

Je t'embrasse et j'embrasse tous les lecteurs et toutes les lectrices de ce forum qui partagent leur souffrance et cheminent ensemble, côte à côte, pas à pas.
Milou

Hors ligne Faïk

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #55 le: 21 janvier 2016 à 15:39:23 »
Je perçois ton cheminement, Piera, et cette volonté farouche de transcender le départ de la personne aimée, par la  préservation ou la transmission  des valeurs qui l'ont animée. Mais ce patrimoine, mon patrimoine,  je ne suis pas sûre de pouvoir l'accueillir, la colère et le chagrin laissent si peu de place !  Cet héritage est pour l'instant en déshérence.
Bien que nos mots soient différents, je reconnais toutes les étapes de cette incursion en "Terra incognita", celle de la maladie, de l'accompagnement, du renoncement, de la lutte, de la communion, du néant. Je suis actrice et en même temps spectatrice de ma vie présente, sur le devant de la scène et dans les coulisses. Je ne suis plus une, mais éparpillée.
Je pressens que ce qui a été bâti pendant ces longues années, et pourtant si courtes, ne doit pas être perdu, mais ma terra incognita à moi est désolée et stérile et j'ai bien peur que rien ne puisse désormais y pousser ! Je crois avoir perdu la capacité de voir le beau et le bon autour de moi, mais je sens, ici, et dans tes messages, une petite lueur, fragile, mais bien tangible. J'ai besoin de lumière...

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #56 le: 21 janvier 2016 à 16:15:54 »
A Milou,

De l'intime et de l'universalité de nos chagrins : c'est une question que je me suis longtemps posée. Et qui reste sans réponse satisfaisante pour moi : l'humanité souffrante n'a donc t-elle rien appris ?  Pourquoi sommes-nous si désarmés face à ces chagrins renouvelés, de toute éternité ?
La joie se partage facilement, on l'accueille sans efforts, pas d'apprentissage, pas de stratégies. Pas vu de manuel "Maitrisez votre joie, Reconnaître les étapes du bonheur"... 
Peut-être alors que le" bonheur" de vivre est inné, et participe de notre humanité.
Douleur unique, douleur universelle, douleur toujours. Mais sérénité demain ?




Hors ligne piera

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #57 le: 21 janvier 2016 à 16:32:46 »
Milou,
Merci pour tes mots doux et ton accolade on aimerait parfois vraiment pouvoir prendre dans nos bras en silence, ces personnes du forum qui cheminent dans les méandres du deuil. Tendrement

Hors ligne piera

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #58 le: 21 janvier 2016 à 17:07:11 »
Faïk,
Je ne voudrais pas te paraître intrusive  mais arrives-tu à mettre des  mots sur  ton vécu ?
L'éparpillement, la fragmentation, oui j'ai connu, tu vois je le mets au passé aujourd'hui parce que je sens que j'ai réussi à réunir un semblant de moi. Ce que je sais aussi c'est que mon état est très fluctuant, le gouffre n'est jamais loin, je me retrouve comme sur mon bateau voguant avec un doux alizé et tout à coup un gros grain et c'est le coup de tabac où tu penses que tu ne vas pas t'en sortir !
Je t'embrasse tendrement

Hors ligne Faïk

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Re : je suis une femme en deuil "tout simplement"
« Réponse #59 le: 21 janvier 2016 à 19:48:44 »
Des mots, j'en ai à foison, je pourrais si je le voulais, explorer tout le registre lexical de la douleur !
Ce que je vis, d'autres l'expriment également, dans la douceur, la colère, la tendresse.
Vécu : participe passé de vivre. Ou comment le "vivre" est passé.
C'est difficile de mettre des mots sur ce que l'on pense avoir vécu, alors que ce vécu se dilue constamment dans  le présent et dans l'avenir. J'ai l'impression que tout est confondu, et que pour mettre des mots sur ce vécu, il faudrait en être assez éloignée pour le distinguer correctement.
S'il s'agit de chronologie, oui, je peux parfaitement distinguer les événements et les inscrire dans le temps. Maintenant, y mettre des mots qui ne soient pas vides de sens, c'est une autre affaire. Mais est-ce utile ? est-ce nécessaire surtout  ?