Piera,
Je partage cette sensation de vide de celui qui m'a faite entière, en manque de lui, en manque de nous.
Les larmes au bord des yeux, toujours incrédule de cette effroyable réalité : je ne le verrai plus jamais, il ne me prendra plus jamais dans ses bras, nous ne nous dirons plus rien.
Mais quoi de plus normal ? Que pouvons nous espérer de plus ?
Le bonheur de sa présence à nos côtés était une évidence, tellement facile à vivre.
Le malheur de son absence est aussi une évidence, mais tellement difficile à vivre.
Apprendre la résignation de la perte, écarter la colère, trouver en soi l'énergie de vivre au jour le jour, faire taire l'esprit qui divague et égraine les regrets et les remords, renoncer à comprendre pourquoi ce qui nous anéantit un jour nous parait léger le lendemain pour ne pas devenir folle de ne pas comprendre, supporter la compagnie des gens heureux, insupportablement heureux, se dire qu'ils marchent sur un fil bien fragile, celui de la vie que l'on croit éternelle et protégée de tout.
Tu fais un grand pas en retournant travailler. La vie appelle, plus forte que tout, comme le premier brin d'herbe après une catastrophe nucléaire.
La mort tiraille et la vie appelle, ou le contraire, la mort appelle et la vie tiraille.
Entre les deux, des êtres humains, humbles et faibles, qui avancent coûte que coûte, sans même savoir pourquoi, cherchant des réponses, espérant en trouver, croyant en trouver, se battant entre eux pour des vérités toutes relatives.
Depuis la nuit des temps.
Depuis que les hommes et les femmes naissent, vivent, aiment, pensent et meurent.
Tu trouveras - Nous trouverons - la sérénité, n'en doutons pas.
Mais, cette sérénité ne nous apparaîtra pas comme est apparu notre amour : un regard et une certitude soudaine, absolue et définitive.
La sérénité n'est pas un coup de foudre. C'est un long chemin en soi, le long duquel chaque pas demande un effort solitaire et qui n'a pas d'autre but que vivre le présent, tel qu'il est et non tel que l'on voudrait qu'il soit.
Tenons nous la main. Aimons nos hommes. Ils nous manquent tellement.
Je t'embrasse.
Milou