Merci Ergé, merci Pascale de vos réponses,
Je crois, en effet, qu'il n'y a que sur des sites de deuil que nous pouvons, enfin, dire notre chagrin et notre désarroi sans honte, voire sans pudeur. Je conçois qu'il soit difficile à autrui de partager notre douleur dans le temps. 5 ans c'est long et de l'eau a coulé sous les ponts !... Pour le malheur des autres, nous avons tous des mémoires de poissons rouges !... Mais pour moi bien sûr, 25 ans de vie à deux, ça ne s'efface pas d'un coup de baquet d'eau claire... Parfois, quand je suis un peu triste devant les enfants, je leur explique qu'il y avait leur papa, mais qu'il y avait aussi mon mari et que je l'ai connu plus longtemps qu'eux, et qu'il me manque, c'est tout...
Pour les "nonendeuil", il semble inconcevable que, près de 5 ans après la mort de l'autre, on soit encore seul !... Et moi je m'étonne que même ma belle-famille ait occulté si vite la disparition du fils ou du frère... enfin à part ma belle-mère qui, souvent, s'inquiète de moi et apprécie la proximité des enfants. Pour tous les autres, la famille, les quelques relations et amis, "il faut que je sorte, que je vois du monde, que je rencontre quelqu'un..."
Si c'était si simple.
Tu as raison Pascale, quand on perd un conjoint, on n'est pas en situation de divorce ou de séparation. On n'est pas en désamour... On n'a pas choisi. Il faut des années pour intégrer vraiment, pour accepter le départ de l'autre qu'on avait épousé pour la vie, et jusqu'à ce que la mort nous sépare (bingo !)... J'ai accepté, évidemment, mais pas complètement "digéré".... Moi non plus, je ne ressens pas le "besoin de refaire ma vie", mais plutôt celui de me partager des moments de tendresse, de refaire l'amour, d'être belle pour quelqu'un... Tout ce que je n'ai plus vécu depuis 5 ans. Mais il est certain qu'une veuve avec 2 enfants jeunes, c'est pas facile à "caser"... et une veuve autonome, qui a appris à ne compter que sur elle et ne se laisse plus marcher sur les pieds, non plus !!!...
Une copine, dont le mari est mort la veille du mien a rencontré un nouvel homme, divorcé, sur meetic, 6 mois après. Ils se sont mariés très vite, et on un petit garçon d'un an, aujourd'hui. Elle ne voulait pas que ses 3 enfants grandissent sans père. Lui avait 2 enfants. Elle a choisi un chemin diamétralement opposé au mien. Mais sur une blessure non cautérisée, elle a mis un emplâtre. Je vois aujourd'hui que son union bat de l'aile et qu'elle a peu d'espoir qu'elle dure... J'ai admiré, à l'époque, sa volonté de continuer sa vie coûte que coûte, je l'ai trouvée courageuse, mais moi, je ne pouvais pas agir comme elle, peut-être par loyauté envers mon mari, ou simplement parce qu'il me fallait apprivoiser ma nouvelle vie avec lenteur, penser à l'équilibre des enfants, retrouver mes propres marques et découvrir ce dont j'étais capable, seule.
Encore aujourd'hui, dans les coups de blues, je me demande : "Mais que s'est-il passé ce jour-là ? Et pourquoi nous ?" Par quelle fatalité la mort a-t-elle frappé là plutôt qu'ailleurs ? Je pensais autrefois, naïvement, que l'amour que nous portions à nos enfants et que nous partagions, nous protégeait du malheur. Mais hélas, rien ne protège du malheur... Quitte à tirer un numéro gagnant, j'aurais préféré que ce soit celui du loto !!!
Oui, Ergé, j'envie parfois le bonheur des autres, les couples qui partagent leur quotidien, leurs soucis, leurs projets et même leur désaccord..., les enfants joyeux qui crient "papa" à la sortie de l'école. Le regard de mon fils à ce moment-là me déchire encore le coeur... je ne m'habitue pas au gouffre immense dans lequel il est tombé ce jour-là. Il va bien, mais à 7 ans, il ne méritait pas cette injustice de ne plus jamais dire "papa" à personne ! Bien sûr il se construit avec cette histoire douloureuse, tout comme sa soeur. Et je sais que c'était son chemin de vivre ça, qu'il a un "train" d'avance par rapport à ses copains qui eux aussi, un jour, connaîtront la perte d'un parent ou d'un être aimé, etc... et que mes enfants savent, eux, qu'on survit au malheur et même qu'on devient plus fort.... Ils sont beaux, courageux et je les adore. Mais il n'empêche que, parfois dans les moments de révolte, je déteste franchement toutes ces familles que la vie épargne (ou semble épargner)... Et je me fous de leurs histoires de fric, de leurs vacances au Cap Ferret, de leurs projets d'agrandissement de la maison... (Ils "m'emmerdent", pour tout dire, avec le ronron de leur bonheur parfait...). Tout comme ils se foutent de mes insomnies, de ma fatigue récurrente, de mon immense solitude.... Le simple prénom de mon mari semble les terrifier, comme si parler de lui, évoquer un souvenir n'étaient plus de mise, voire inconvenant... Alors que moi, j'ai encore envie de prononcer son prénom et de le garder vivant dans les souvenirs de nos enfants et dans les miens. La mort n'est pas une maladie contagieuse !
Bref, tout ça m'éloigne d'eux, et sans être enfermée dans mon chagrin en permanence, je ne peux plus les comprendre, et eux ne peuvent me comprendre non plus. Nos priorités ne sont plus les mêmes ! Oui, les portes se sont fermées, mais au fond peut-être est-ce moi qui l'ai voulu !
Mon nouveau cercle de relations, dans cette région ensoleillée dans laquelle je me suis installée l'été dernier, est plutôt fait de quelques copines divorcées, veuves, célibataires de ma génération. Comme dit Ergé, nous souffrons du "même mal" et nous nous comprenons. Mais évidemment, nous ne pouvons pas parler en profondeur de nos douleurs, pour ne pas en permanence "casser l'ambiance". Tout ça reste assez superficiel et convenu. Mais c'est normal. La vie doit continuer, et elle peut être belle malgré tout !
Oui, parfois c'est un peu moins lourd à porter. C'est vrai. Il y a même des moments de vraie joie, de rires, de légèreté, d'oubli. Mais la mort de celui qu'on avait épousé pour la vie reste une marque au fer rouge pendant des années. Elle est là, on la porte en soi où qu'on aille et quoi qu'on fasse, et on se construit une nouvelle vie autour d'elle. Peut-être que dans 20 ans, la marque sera moins visible ? Je ne sais pas... Pfff... encore 15 ans avant d'avoir la réponse !!!
En tous cas, c'est un soulagement de venir ici, dans l'anonymat, raconter toute sa tristesse et chercher soutien et compréhension...
De toute façon, même si je n'étais pas lue, ça me fait simplement du bien de déverser le trop-plein de ce que j'ai sur le coeur, en ce moment.
Je crois que le mot que je prononce le plus, depuis 5 ans, c'est "fatiguée"... Oui, je me sens fatiguée en général...
Mais bon, demain est un autre jour... Ca va aller !
Bonne journée à toutes et tous. Merci d'être là.
A bientôt.
M