Tout d'abord, je ne vous dis rien car il n'y a aucune phrase assez forte, je crois, pour compatir ou s'exprimer face à un tel cataclysme.
Vous avez plongé dans une désolation, une souffrance et une tristesse dont je connais malheureusement le goût (mon épouse est décédée en 2015 subitement). Cette douleur est d'autant plus incompréhensible que tout est soudain et que vous étiez en train de construire une vie avec votre amour, que la plus grosse partie de votre vie n'était normalement pas derrière vous, et que cette existence vous a été volée en quelque sorte...
Il faut déjà supporter ce choc émotionnel majeur et pour être clair, il n'y a pas pire je crois, que de vivre la mort d'un être aimé (que ce soit le ou la conjointe, l'enfant...) voire a forciori DE l'être aimé.
Forcément, face à un tel choc et au chaos auquel il a laissé place, vous pouvez difficilement comprendre ce qui s'est produit, savoir quels sont vos objectifs désormais dans la vie, avoir des idées claires, avoir ne serait-ce qu'un semblant de raisonnement. Vous verrez peut-être cela dans un second temps...
Dans l'immédiat il s'agit peut-être de survivre (faites vous aider si besoin), que le corps et l'esprit tiennent à peu près le coup, se reposent, encaissent le cataclysme sans que vous ne vous écrouliez physiquement ou que vous ne sombriez dans la folie.
La folie est une façon pour le cerveau de supporter des situations insupportables, c'est par exemple la folie qui permettait aux emmurés, aux prisonniers jetés au fond d'un cachot pendant des années, à toutes ces personnes se retrouvant dans des situations tout simplement inhumaines, de subsister. C'était la folie ou la mort, il n'y avait pas d'autres alternatives pour ces gens.
Suivant le même mécanisme, le cerveau peut disjoncter face à la puissance d'un tel drame, d'où la nécessité parfois de se faire aider.
C'est donc pour vous aussi la folie, la mort ou supporter, surmonter tout ça, cette horreur, cette merde, mais on ne choisit pas la mort (du moins, on ne devrait pas choisir la mort). Je suis très bien placé pour savoir qu'on peut l'espérer de toutes ses forces ne serait ce que pour se délivrer d'une souffrance absolue qui est tout simplement invivable.
On nous parle souvent de gens qui galèrent, qui souffrent, mais il n'est pas besoin d'aller les chercher à l'autre bout du monde, il suffit de se tourner vers ses voisins, ses proches qui doivent endurer la perte d'un être cher. Lorsque la douleur est telle qu'on souhaite la mort, je crois qu'on a touché le fond et qu'on ne peut pas être dans une souffrance plus intense, quoi que soit l'origine de cette souffrance.
La mort doit venir toute seule si elle doit venir, comme malheureusement elle est venue pour nos amours.
Est-ce qu'il y a une raison à ce qu'elle les ait frappés et ait détruit nos vies par la même occasion, qu'on souffre autant ?
Je n'en sais rien.
Je sais que ma femme savait que la mort arriverait prochainement et je n'y croyais pas, malgré son instinct presque surnaturel.
Certains diront que c'est une épreuve pour nos âmes, pour nos vies, d'autres que tout est écrit... Je pense qu'il n'y a pas forcément, du moins pas toujours de raisons, que c'est parfois un virus tombé dessus comme ça, une faiblesse, un accident qui survient et que rien n'est écrit, tout s'entremêle et la destinée change à chaque seconde en fonction des actes de chacun et même des choses les plus petites, des molécules, des microbes. Un taré bourré prend sa voiture et fauche quelqu'un, ce n'était pas écrit, pas forcément, même s'il était probable que les actes inconscients et répétés du taré bourré finissent par produire un drame, mais le grand enchaînement des circonstances et des actes a fait que cela s'est déroulé à tel moment et qu'il a tué telle personne à une seconde près...
Quelque fois certaines personnes arrivent à entrevoir des choses de l'avenir mais il évolue constamment, peut-être que certaines donnés sont plus ou moins inéluctables : lorsqu'on a une faiblesse physique par exemple, une veine trop fragile dans le cerveau, qu'on le sache ou non, qui un jour, trop tôt, va nous terrasser, ou un organe un peu défaillant, une allergie mortelle...
Pas forcément de raisons divines ou explicables à cette foutue veine dans le cerveau, cela s'est fait comme ça lorsqu'on a été conçu en tant qu'embryon, comme d'autres ont un doigt trop court ou trop long, c'est le hasard de la nature... Et un jour ce hasard provoque un drame, sans raison, c'était juste un peu de matière humaine trop mince sur quelques millimètres, rien, une connerie, ou un organe un peu trop faible qui n'a pas supporté un effort, ou une mauvaise bactérie qui a croisé la route de quelqu'un au restaurant.
Par contre, vous, vous êtes vivante et votre coeur ne s'arrête pas.
Pour le coup, il y aurait une raison parfaitement justifiée et même logique pour que vous mouriez, tout simplement afin de ne pas souffrir autant, mais votre putain de coeur continue de battre comme vous dites (car votre putain de cerveau lui en donne l'ordre).
Pour le moment, c'est donc la seule réponse que vous ayez, la seule certitude : vous continuez de vivre, votre corps fonctionne à peu près malgré votre souhait de tout arrêter. Vous êtes là, en somme, c'est ça la certitude.
Pour celles et ceux qui caressent l'idée de faire venir la mort comme j'ai pu le penser aussi, je dirais que, d'un point de vue personnel, je suis persuadé au plus profond de mon être qu'il y a quelque chose après ou quelque chose qui nous dépasse et que, partant de ce principe (qui est pour moi une certitude), choisir volontairement la mort n'est certainement pas une bonne option si l'on veut apaiser sa souffrance morale.
Pire, notre âme, perdue, ou notre énergie évaporée (je n'ai pas la prétention de connaître la vérité), quoiqu'il en soit, la chose immatérielle qui restera de nous risque de souffrir encore des décennies ou plus dans un espace trouble, ni chez les morts, ni chez les vivants. Cette alternative ne semble pas la bonne même si l'on peut y succomber et je ne jette pas la pierre à ceux qui n'ont plus supporter la souffrance.
Je sais que la mort semble vraiment séduisante tellement la douleur est intense (et tellement ensuite la vie semble triste, au mieux fade), mais je crois que le remède est pire que le mal et qu'il faut malheureusement affronter ce qu'est devenue notre existence, et la transformer en mieux si possible. Parfois on peut laisser tomber, je ne l'espère pas mais je laisserai peut-être tomber un jour sur un coup de tête, après une montée de souffrance trop intense, je ne peux rien affirmer mais il faut essayer de combattre, c'est sûr. C'est même très logique comme raisonnement, ça n'a rien à voir avec des croyances quelconques (on n'est pas mort donc on vit et on doit vivre) et pour le coup s'il y a un destin à suivre c'est bien celui de se relever et de combattre jusqu'à ce qu'à notre tour, la mort vienne nous prendre (et à ce moment-là, basta, rideau, repos, mais en attendant on fait ce qu'on a à faire dans ce monde et si l'on ne sait pas quoi faire on cherche !).
La seule certitude, c'est que si l'on survit à cette merde, à ce marasme, nous, c'est qu'on a encore des choses à faire.
Certains revivent une vie agréable, la refont, pour d'autres ce sera malheureusement éprouvant, solitaire, horrible parfois. Il faut dans tous les cas attendre et souffrir, attendre que le cerveau pour les cartésiens ou l'âme pour les croyants, ou les deux pour les incertains, encaissent le cataclysme. Ensuite, on reprendra un chemin, quel qu'il soit, plus ou moins agréable, plus ou moins pénible, ou peut être à la fois plus vrai, plus difficile, plus courageux mais plus douloureux aussi car on n'efface pas le passé ni les gens et certainement pas l'amour que l'on a vécu !
Nous ressortons parfois d'un tel cataclysme très différents, très forts et en même temps très tristes, ou complètement tarés, ou encore enfermés dans une dépression éternelle (et il faut se battre contre ces deux dernières options), ou au contraire nous comprenons mieux certaines choses, le sens de l'existence, nous devenons plus lucides, plus humains, mais vous n'en êtes pas, je crois, à vous poser ces questions. Vous verrez en temps voulu.
Je ne sais pas si le temps apaise les blessures, je crois que c'est plutôt notre esprit qui se relève plus ou moins meurtri mais que pour cela il a besoin de temps, exactement comme c'est notre corps qui encaisse des blessures physiques avec du temps et non pas le temps qui agit tout seul comme par magie (et le corps comme l'esprit arrivent à encaisser les blessures ou pas et alors on trépasse, mais si l'on ne meurt pas on en sort dans un état plus ou moins abîmé, à la fois fortifiés et fragilisés par ce qu'on a vécu).
Peut-être qu'il faut pour le moment simplement survivre, supporter le chaos (ou opter pour la folie mais est-ce que c'est vraiment une solution viable ?), attendre, encaisser...
Je ne vous promets pas que tout le monde s'en remet parfaitement, il n'y a pas de mode d'emploi ou de stades définis dans un manuel (ce sont des conneries tout ça... Bon j'exagère cela marche peut-être pour certaines personnes et c'est rassurant de se caler sur un schéma), mais je peux juste vous dire que, petit à petit, votre cerveau et/ou votre âme vont recoller quelques morceaux dans toute cette désolation, que la situation d'incompréhension et de souffrance que vous connaissez à ce jour va un petit peu changer, en bien ou en mal je ne sais pas (mais je crois qu'en plus mal ce n'est pas possible donc ce sera forcément en un tout petit peu plus clair), très doucement...
En attendant, il faut surmonter et supporter cette souffrance intense, prendre le temps de pleurer, se faire aider si nécessaire, crier, même si je sais qu'il vaut mieux crever que de vivre une telle chose et je l'affirme encore même si j'ai continué et qu'aujourd'hui je fais des choses de ma vie, que je veux donc vivre. Je ne suis pas au fond d'un lit à souffrir, mais il y a un peu moins de trois ans j'en étais arrivé à parler à une peluche en pensant que ma femme s'était réincarnée dedans, d'où mes réflexions sur la folie, j'ai eu un aperçu.
Essayez de supporter tout cela en vous disant que la situation va évoluer, c'est très important de l'avoir en tête même si cela peut paraître très abstrait voire impensable : la situation va évoluer (sous-entendu votre esprit va travailler).
Plus précisément, votre esprit va donc changer, il va recoller petit à petit quelques morceaux comme je le disais, et s'il ne le fait pas vous vous ferez violence en méditant, en réfléchissant, en priant ou au contraire en rationnalisant, en agissant, en temps voulu, vous n'en êtes pas là. Vous vous poserez certaines questions lorsque votre cerveau ne sera plus complètement sous le choc comme c'est le cas actuellement et vous apercevrez peut-être des objectifs, ou encore vous devrez les chercher, ces objectifs, lorsque vous serez en mesure de le faire. Ou bien encore, vous verrez la vie différemment mais vous verrez quelque chose, quoi que ce soit.