Voici une petite histoire qui peut vous réconforter, enfin je l'espère :
Le Cocon de Vie
Attaché à la branche d’un arbuste un cocon blanc se balance doucement dans la brise de ce début d’automne. Il pense ….
Il pense à ce qu’a été sa vie jusque-là, une vie fructueuse et riche, comme l’est la vie d’un cocon d’amour. Sa vie jusqu’alors a été animée par un sens profond : il a permis à un être de croître, et a, ainsi, apporté sa part à la grande œuvre de la Vie, dans une sensation de plénitude et d’épanouissement intense.
Depuis quelques temps déjà le papillon qu’il a engendré a pris son envol. Ce papillon qui avait dépendu de lui durant tout le temps de sa croissance, est arrivé à maturité et s’est dégagé du cocon protecteur pour s’envoler vers sa vie autonome. Et à présent le cocon se sent vide.
Le vent de l’automne, si particulier parce qu’il porte encore un peu d e la chaleur de l’été tout en contenant déjà les prémices des frimas de l’hiver à venir, ce vent se fait plus insistant dans la nature environnante. Il semble dire : « Voilà la fin d’une saison, préparez-vous à la suivante… »
Mais le cocon, en sentant le souffle du vent le traverser ainsi, ressent alors dans toute sa vacuité, l’absence du papillon. Il pense avec une tristesse infinie : « A quoi va servir ma vie maintenant que mon papillon s’est envolé ? Elle me semble n’avoir plus aucun sens… »
Le soleil encore chaud de ce début d’automne le caresse doucement, mais il ne parvient pas à le réchauffer. Le cocon éprouve un froid terrible. Un froid de mort….
Il entend alors une vois résonner tout près de lui : « Voilà qui est de valeur ! »
Celui qui parle ainsi est un promeneur. Il est penché au-dessus du cocon et le regarde avec une grande attention. « Quelle finesse dans ce tissage qui semble pourtant si solide et si dense ! » Le cocon est surpris d’entendre parler de lui de cette manière. Ainsi donc on lui reconnaît une valeur, même vide ?
Le promeneur tend une main vers lui pour le prendre, mais le cocon est solidement attaché à la branche. C’est dans sa nature profonde : c’est cet attachement qui a garanti la croissance harmonieuse du papillon qu’il a porté en lui.
Le promeneur lui dit alors : « il est temps pour toi d’entamer une autre partie de ta vie et je peux t’y aider si tu le souhaite. Pour cela, tu dois me faire confiance et lâcher prise. Il te faut accepter de te détacher de ton existence d’aujourd’hui, pour aller vers la vie nouvelle qui t’attend. »
Le cocon se demande ce qu’il va faire : accepter de changer n’est pas facile pour lui à qui sa destinée a toujours semblé unique. Cependant, il n’a pas toujours été cocon, pense-t-il. Au départ, il était un simple fil avant de se constituer en cocon. Alors il accepte de se détacher de son support et permet au promeneur de le recueillir dans le creux de sa main, comme un bien précieux. L’homme lui dit doucement : « Le fil qui te constitue a une propriété magique : celle de porter la Vie. C’est une propriété intrinsèque qui t’habite à tous les âges de ta vie. Avec l’envol du papillon, un cycle s’est terminé pour toi. Un nouvel âge de vie t’attend désormais. »
Le cocon répond alors :
« Mais j’ignore comment aller vers ce nouvel âge … »
Et il entend cette réponse :
« Pour y accéder et en expérimenter toute la richesse, tu dois simplement accepter de perdre ta forme actuelle pour transmuter en un nouvel état d’être. Tu dois accepter la Grande Transformation inscrite depuis toujours en toi, le plan de Vie dont la mémoire est gravée au cœur même de ton être. »
Le cocon est stupéfait d’entendre ces paroles. Et pourtant en les sentant résonner en lui, il y reconnaît une vérité profonde. Le promeneur l’emporte alors vers un endroit lumineux et chaud : c’est un atelier de tissage. Avec attention, l’homme, qui en fait est un créateur tisserand, détache un fil du cocon. C’est le fil du tout début, celui qui est relié à la Vie même dont il garde la mémoire indéfectible.
Et l’homme commence à le dérouler doucement. Ce fil de soie est d’une grande finesse et pourtant d’une solidité à toute épreuve. Cela prend du temps. Confiant, le cocon laisse la transformation de son être s’effectuer. Le tisserand s’installe ensuite à son métier à tisser et se met à l’ouvrage. Avec le long fil, il crée une grande écharpe d’une blancheur immaculée.
Une fois l’œuvre terminée, il détache l’étoffe de son support et la soupèse. D’une grande légèreté, elle semble cependant chaude et confortable. Il l’approche de la fenêtre pour l’admirer en pleine lumière et constate que cette écharpe qu’il a cru d’abord blanche, est, en fait, riche de reflets irisés. Elle est habitée par les reflets d’un arc-en-ciel chatoyant.
Avec un sourire, le tisserand reconnaît ce qui se passe : le fil du cocon a gardé la mémoire des couleurs de l’être qu’il a protégé sa première vie durant et les reflets moirés du papillon habitent la nouvelle création d’aujourd’hui. Il sait que la valeur de l’œuvre réside en la Vie qui circule en elle depuis la création du tout premier fil.
Et le cocon, dans sa forme neuve, s’apprête à entamer la vie qui l’attend, une vie utile et pleine de rencontres dans lesquelles il pourra, dans son apparence renouvelée, partager ce qu’il porte au plus profond de lui : la chaleur et la joie de la Vie même.
de Solange Langenfeld Serranelli. "Les contes au coeur de la thérapie infirmière". Psychiatrie et conte thérapeutique. Edition Masson janvier 2008