Mon chat,
il y a 14 semaines nous passions la dernière soirée de ta vie ensemble... Tu m'as vu rire, mais aussi pleurer ce soir là avec ce discours de Macron, ses annonces, son omission totale de la crise écologique. Tu m'as prise dans tes bras, cette soirée était tendre et tellement merveilleuse juste parce que tu étais là. Ce confinement que nous devions partager, ce constat que nous avions de la chance d'être ensemble quand tant de gens souffraient, étaient seuls, sans le sous. Ce bonheur que tu sois en télétravail, que tu n'aies plus à prendre la moto tous les jours dans le froid de l'hiver, et mourir, la veille du confinement. Horreur, vide immense.
Parfois je me surprends à t'attendre, à me dire que ce n'est qu'un mauvais moment à passer avant ton retour. Dès que je vois ou que je fais quelque chose j'aimerais que tu sois là, voir le soleil vif et le sentir sur ma peau est à présent douloureux car tu n'es pas là pour le partager avec moi. Imaginer ton corps dans ce cercueil, seul, toi qui aimais tant être entouré, ça me rends malade. Revoir constamment ce même souvenir de ton corps froid, allongé dans cette chambre mortuaire si impersonnelle, vision suivant les longues minutes à attendre qu'on t'amène et qu'on change le prénom devant la porte. Coeur qui bat, corps qui tremble. Sentiment d'avoir rendez vous avec toi une dernière fois. Question de la femme qui vient de trimballer ton corps : ''Vous êtes une amie ?'' Moi répondre : ''Non sa copine''. Je revois encore ton prénom glissé pour quelques minutes dans le support rectangulaire avant que tu retournes dans le froid. Revivre cet enfer, ce cauchemar qui ne sera jamais terminé. Ne pas pleurer, être sidérée, ne pas accepter l'inacceptable. Parler à ton corps mort qui me semble endormi, regarder tes traits si apaisés, ne pas t'entendre respirer. Comprendre. Nier dans la seconde. Pleurer. Trop pleurer, ne plus dormir, ne plus manger. Trop dormir, trop manger. Avoir des flash dans chaque recoin de notre quartier, de ma maison, de la tienne vidée en quelques jours. Récupérer ton chat, le choyer, ne plus voir ton chien qui était ton Loup chéri. Rencontrer ta famille, découvrir que ta soeur me connait bien, très bien, grâce à toi, à tout ce que tu lui avais dit. Comprendre que tu ne me disais pas seulement à moi que j'étais la femme parfaite mais aussi à ton meilleur ami. Pleurer, être sidérée, être anéantie, boire, fumer, partir, déménager, payer deux loyers. Pleurer, sombrer, voir une lueur, rêver de toi, croire que tu es là quelque part ... Ne plus y croire... Imaginer que tu es là, encore, avoir des frissons dans tout le corps. Désespérer. Pleurer. Avoir le sentiment d'être incomprise. Portable HS, ne plus pouvoir lire nos messages, ne pas réussir à aller le faire réparer par peur de ne pas pouvoir me relever en relisant nos messages. Vouloir à tout prix te voir. Regarder des photos, pleurer, rire, être apaisée. Repleurer. Sentir ton odeur, ne plus être moi même, me mettre en colère. Ne pas arriver à dire. Dire trop, dire pas assez, te parler tout le temps, t'écrire aussi, déposer des fleurs sur ta tombe, voir un arc en ciel, des éclaircies. Envie de vivre, envie de mourir, envie de te rejoindre, envie de toi... Envie que tu reviennes, toujours, encore.
Mon amour comment vais je faire pour être heureuse sans toi ?