Mon époux est parti le 24 novembre 2016 à 59 ans des suites d'un cancer du poumon diagnostiqué le 16 juillet de la même année.
Quand le diagnostic est tombé, je me suis plongée dans la lecture de tout ce qui parlait des moyens de lutter contre le cancer, de supporter les traitements.... J'ai adapté notre régime alimentaire, changé mes horaires de travail pour accompagner Michel lors de longues marches parce-que j'avais lu que pour lutter contre l'épuisement généré par les traitements, il fallait avoir de l'activité physique. J'ai organisé des week-end, les soirées à la maison pour que Michel ne se sente pas isolé dans la maladie. Nous avons eu la chance de pouvoir partir 3 semaines en voyage au Canada dans la belle province du Québec où nous avons eu la joie d'observer les bélugas, les baleines, de voir l'été indien......
Au travers de cette hyperactivité , je me suis engagée totalement dans l'accompagnement de mon époux. C’était d'autant plus facile que Michel ne souffrait pas, le traitement de morphine donné dès le départ suffisait à endiguer la douleur due aux métastases osseuses. Il n'a eu aucun effet secondaire aux chimios. Il était fatigué voire par moment épuisé mais ne portait sur lui aucun stigmate de la maladie. On pouvait faire comme si.....
Fin du mois d'octobre son état s'est brusquement aggravé, il a eu des difficultés à respirer, la tumeur venant obstruer les bronches, Michel a dû être placé le 17 novembre en coma artificiel sous respirateur. J 'ai interrompu mon activité professionnelle pour être à ses côtés pendant toutes les plages d'heures de visites et même plus (Un grand merci au personnel des soins intensifs pneumo pour leur gentillesse). Nos deux filles ont également été présentes non stop. Elles se relayaient pour s'occuper de nos petites filles de 21 et 4 mois, on mettait les musiques qu'il aimait, on chantait, on le massait. Encore beaucoup de fébrilité et d'action.
Hélas même la pose d'une deuxième prothèse alors qu'il était toujours sous respirateur, n'a pu éviter que Michel nous quitte le 24 novembre dernier. Là encore, nous nous sommes plongé à "coeur" perdu dans l'organisation du dernier hommage.
Michel avait coutume de dire qu'il trouvait regrettable que les obsèques soient organisées pour ajouter de la peine aux gens et faire pleurer le plus possible.
Nous avons donc organiser chaque minute de la journée d'adieu pour lui rendre un bel hommage. Nous avons choisi chaque musique, chaque texte lu pendant la messe. Nous avons organisé une collation avec toute notre grande famille pendant laquelle nous avons pu parlé de lui et lors de la crémation, nous avons témoigné de ce qu'il représentait pour nous, partagé nos souvenirs. Ce n'était pas gai certes mais ce n'était pas larmoyant.
Et d'un seul coup plus rien à faire pour lui !
Il ne reste plus que l'absence, le manque, le trou béant dans le cœur, les pleurs dans le sommeil (enfin quand j'arrive à dormir). J'ai la satisfaction d'avoir été là pour lui quand il en avait besoin, de l'avoir accompagné jusqu'au bout.
Je n'éprouve aucune colère, aucun regret, je n'ai que le manque de Michel.
Cela faisait 34 ans que nous vivions et travaillions ensemble. Il était mon âme sœur, mon amour, mon ami, mon amant. On riait des mêmes choses, on avait du plaisir à être ensemble.
Partout dans la maison, il y a des objets abandonnés, des timbres à classer, des mots fléchés à finir, son appareil photo...que dire des armoires pleines de vêtements.
Je veux faire le tri ce week end et donner ses vêtements parce qu'il y a tant de gens qui en ont besoin et que c'est ce qu'il aurait voulu.
Je veux déménager et changer de travail, mes collègues sont aussi les collègues de Michel et je tombe sans arrêt sur des dossiers sur lequel il y a son écriture, des messages qu'il a envoyé, je passe devant son bureau....
Mais ne suis-je pas encore une fois en train de me réfugier dans l'hyperactivité pour éviter de me poser et de réfléchir.
Ne vais-je pas regretter les choix que je fais aujourd'hui dans la précipitation ?
Je suis entourée par mes filles, ma famille, ma belle-famille, mais je vois bien que mon chagrin les laisse démunis, leur fait peur. Je sens une pression pour "guérir" rapidement. Tout le monde me répète que je suis forte et que je ne peux pas flancher maintenant, que je suis "balèze" comme dirait mon frère parce que je suis toujours celle qui décide, organise....
Pourtant j'ai peur, c'est la première fois de ma vie que je n'arrive pas à me projeter, j'ai l'impression d'être dans le noir et j'ai toujours eu peur du noir.
Je sens que je ne maitrise rien, je suis prise dans une tempête dont je n'imagine pas la fin.
Je suis dévastée, j'ai tout le temps froid.
Je ne sais pas quoi faire.