« Cerveau » et « cœur ».
Le raisonnement et le sentiment.
Le courage et l’abandon.

Une moitié qui écoute, comprend, et calme.
Une autre qui est sourde, s’affole et pleure.

Souvent, tout au long de ces mois passés entre la maison et l’hôpital, entre les rendez-vous avec les médecins et les journées auprès de lui, j’ai oscillé entre l’un et l’autre et quand le cœur prenait le dessus, je faisais de longues allées et venus dans les couloirs ou le jardin. De cœur battant à tout rompre, je passais à un visage souriant et calme, pour lui.
Un jour il m’a dit : « De vous voir ainsi, calme et souriante, cela me fait un bien fou ».
J’ai joué le jeu jusqu’au bout, tu vois Yohann, mentis jusqu’au bout, pour lui.

C’est vrai que c’est inhumain, et pourtant, « aucune bête au monde ne le ferait ».
Je me souviens, le matin de la mort de Pierre, être passée devant une chambre voisine où une femme, blafarde, les yeux fermés, semblait au plus mal. Un homme était assis à coté, la tête entre les mains. Je me suis dit, pourquoi ne puis-je pas prendre la place de cette femme, là, maintenant ? Je pars avec Pierre, ailleurs, et lui il reste avec elle, sur cette terre. Deux familles réunies et « heureuses », pourquoi, pourquoi, deux familles brisées et rien à faire ?

Il y a surement une raison, quelque part, cela ne peut pas être inutile. Cela ne peut pas…

Nous finirons par trouver.

Personnellement, je dirais que ce que je vis depuis le départ de Pierre, aussi douloureux que ce soit, m’a appris énormément de choses, sur l’être humain, sur le monde hospitalier, sur les « amis », la famille et sur moi, aussi.
Nous vivions l’un pour l’autre, très proches de la nature et des animaux, très proches de nos familles, mais, il est vrai, rien que pour nous et rien pour faire changer le monde.

Aujourd’hui, j’ai un immense besoin de correspondre avec vous tous, de « vivre » avec vous, vos peines et vos courages, vos bons et pires moments. De partager.

Douceurs et tendresse.

Marina

Et bien Yohann, tu rejoins parfaitement un certain nombre de personnes qui ont écrit sur le sujet (voir le fil « Lectures »), et je l’avais extrêmement mal exprimé en parlant de « plusieurs vies » (tu avais d’ailleurs bondi en me lisant !).

« Je ne crois pas à une vie après la mort, ... je crois que notre vie humaine est simplement un bout de LA vie et donc qu'on continue autrement ! »
Oui, j’aime cette idée que tu avances.

« Et dans ce cas, mourir, c'est abandonner un corps, en quelque sorte une matière, pour passer dans ... je ne sais pas, ... mais ceux qui nous ont quittés, eux, le savent ! »

« Et les sentir, à certains moments, proches de nous, ne serait que très rationnel ! »
Et celle-ci aussi me convient parfaitement.
 
Je m’étonne toujours de « sentir » la présence de Pierre et parfois… comme ces derniers jours où je suis loin de chez nous, de ne rien ressentir. Mais maintenant, je sais que c’est passager, je n’ai plus peur.
Comme toi, je n’ai pas l’impression d’être « un gourou », une extra-terrestre ou une folle-dingo (enfin pas trop). Durant tous ces mois, mes sens se sont mis en éveil sans que je le cherche, même si je le souhaitais. Je l’ai senti près de moi, « agacé » de ne pouvoir agir ou de voir que j’étais aveuglé par mon chagrin, je l’ai senti s’éloigner de moi, une terreur atroce s’est emparée alors de moi, et je l’ai senti revenir, calmement et plein de douceur et maintenant, j’ai l’étrange impression que nous somme de nouveau indissociables, un seul.

Nouvelle question donc, Yohann, nos deux vies sont elles à présent … éternellement liées ?

Oh, comme c’est doux de penser cela…

Marina

Etrange Marina...Nous avons les mêmes pensées... Quand j'ai voulu envoyer mon message, ça me disait que quelqu'un avait rédigé un message en même temps que moi...Ce message, c'était le tien! Et ce qui est surprenant que tu as relevé certaines phrases en bleu...dont l'une est la même que celle que j'ai relevée, en bleu également...
c'est fou comme dans ce forum, on parvient à être exactement sur la même longueur d'ondes...
Je t'embrasse
Suzy

 Yohann,

 Non, je ne raisonne pas comme un humain qui n'accepte que ce qu'il comprend... Quand, je dis que je crois en l'au-delà où il est possible de trouver l'amour universel, penses-tu qu'il m'est vraiment possible de comprendre ce que j'avance ? Je ne peux que le supposer...l'espérer même...
Quand je dis que l'amour universel n'est à la merci ni de la jalousie, ni de l'envie,ni de la trahison, je suppose aussi qu'il n'y a plus ni  jeunesse  ni vieillesse dans cet univers, donc j’abolis aussi l'espace temps...Dans l'éternité, il est clair qu'il ne peut plus n'y avoir ni avant, ni après... Je te rejoins complètement dans cette perception et ça me rassure de te lire...

Suzy

Bonjour Sylvette,

Moi aussi pas terrible ce matin, dans cette maison sanctuaire et du boulot qui m'attend: ménage, jardin, lavage, repassage etc...
Avec le moral dans les chaussettes comme tous les week ends

J'ai le balladeur à fond dans les oreilles comme pour m'empêcher de penser, hier rendez vous chez le notaire pour la succession, j'étais complètement à l'ouest, j'ai rien compris à toutes ces histoires d'usufruit, de nu propriété, d'indivisions.
Où alors je me refusais inconsciemment à accepter l'innacceptable

Les pivoines rouges , celles que ma petite puce adoraient sont en boutons, et elles me tirent des larmes
Je ne vais pas bien non plus mais comme tu dis , allez ACTION, mais ...........


Comment s'imaginer avoir la tête dans les étoiles et se retrouver cul à terre ?

Bises

Thierry

Bonjour à toutes et tous,

Me voici de retour depuis jeudi soir après avoir passé 10 jours chez mon père, en Bretagne, à profiter d'instants simples :  le chant des oiseaux, le calme de la campagne, de la lecture intéressante, la chaleur du soleil (je sais, difficile à croire concernant la Bretagne... mais si, si... j'ai eu un beau soleil bien chaud  et puis la visite de mon 2ème fils Cédric et sa petite famille, celle également de ma sœur et de mes nièces.

Et puis, je vais bien... oui, vraiment... pas de larmes depuis presque un mois.

Enfin, presque... juste un petit coup de blues le lendemain de mon arrivée chez mon père. J'étais assise sur le banc de la terrasse et une foule d'images a refait surface :
Gilles tondant la pelouse...
Gilles taillant les arbres ou les haies...
Gilles arrachant les mauvaises herbes dans les massifs...
Gilles nettoyant le portail...
Gilles plantant des fleurs...
Gilles fabriquant un nichoir pour les oiseaux...
Mon père va sur ses 84 ans et n'a plus la force d'entretenir ses 5000 m2 de terrain. Gilles avait pris le relais et maintenant qu'il n'est plus là, l'herbe a beaucoup poussé, les fleurs de pissenlit ont envahies les massifs, ne laissant apparaitre que quelques tulipes...
Je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer voir mon amour dans le terrain, grattant, coupant, taillant...

Mais ce petit passage nostalgique n'a pas duré...

Dans quelques jours, cela fera 9 mois que mon amour est parti... 9 mois : le temps pour naitre... pour renaitre...
Plus de souffrance... peut-être parce que j'ai fini par "accepter" de continuer à vivre sans sa présence physique à mes cotés.
Oh bien sur, il me manque terriblement, mais la douleur s'est beaucoup atténuée. Je n'ai plus ce poids sur la poitrine qui m'empêchait presque de respirer.

J'ignore si cet "état" d'apaisement va durer encore, mais je le vis pleinement avec la certitude que Gilles m'aide dans ce sens en étant près de moi.

Je vous envoie en pensée, à toutes et tous, un peu de ma paix, un peu de ma force retrouvée...
Avec tendresse
Ghislaine

Bonjour Marina, petite sœur au grand cœur,

C'est vrai que pendant ces 10 jours je n'ai pas pu donner de mes nouvelles parce que mon ordinateur portable est tombé en panne juste à mon arrivée chez mon père (il n'a pas aimé les 6 heures de voyage  ) et celui de mon père avait des soucis de connexion... donc pas d'internet !

Pas de nouvelles de Lauren non plus... j'espère qu'elle va bien...

Tu dis que ton Pierre ne t'a pas suivi dans le Var où pourtant les souvenirs sont foisons, curieusement mon Gilles n'était pas non plus avec moi en Bretagne... du moins, je ne l'ai pas senti près de moi.
Alors, tout comme toi, j'étais contente de rentrer.

Cette quiétude qui s'est installée en moi c'est en grande partie grâce à toi, à tes conseils, ton soutien, mais aussi celui de Suzy, de Yohann, de Lauren, de CarolineB, de Pascale la Louve... de tous les membres de ce forum.
Toute cette écoute, cette compréhension, ce soutien, cette humanité qui nous lient parce que nous vivons le deuil d'un être chéri, c'est vraiment capital pour avancer coûte que coûte... c'est une aide considérable.
J'ai tant reçu que mon cœur se gonfle de reconnaissance... c'est comme une douce caresse que je reçois quand j'y pense.

Oui, tu as raison, les coups de blues seront là à vie, mais je les accepte avec une certaine sérénité, peut-être parce qu'ils sont moins douloureux que tous ces terribles creux de vague dans lesquels on voudrait tout abandonner parce qu'on ne trouve pas la force de remonter...
Aujourd'hui, c'est d'avantage de la nostalgie revêtue de tendresse qui fait place au déchirement.

Et puis, j'ai compris, avec mon expérience, mes lectures anciennes et plus récentes, que mon Gilles était libre à présent, libre et heureux... Alors, même s'il me manque cruellement physiquement, je ne veux plus lui montrer cette image de moi complètement détruite, je veux qu'il soit fier de moi, qu'il me sourit dans mes rêves et sentir le poids de sa main sur la mienne à mon réveil, l'entendre me dire qu'il m'aime dans mes pensées... toutes ces manifestations que je ne sentais pas tant le chagrin m'envahissait...

Un départ... une naissance... je l'ai vécu aussi car ma dernière petite-fille est née 15 jours avant le décès de Gilles... J'ai beaucoup pleuré quand je l'ai vue pour la première fois car je me suis dit que mon amour n'aura jamais vu ce petit ange qui porte le même prénom que ma maman partie depuis 7 ans...
Mais tu as raison, c'est dans l'ordre des choses, la mort, même si elle nous parait cruelle, fait partie de la vie : dès notre naissance, nous avançons tous vers cette destinée.
Pour certains l'échéance est plus proche que pour d'autres. Nous ne sommes pas à même de comprendre, ici et maintenant, le pourquoi, cela nous anéantit, nous révolte même, mais le jour venu, je suis convaincue que nous aurons toutes les réponses...

En attendant je vous donne, à mon tour, plein d'énergie positive, plein de douceur...

Je t'embrasse, petite soeur, avec toute ma tendresse, ainsi que vous toutes et tous du forum
Ghislaine