Se séparer de sa maison ou de son appartement est une décision qui se mûrit. Cela fait partie du processus de deuil, j'en suis certaine, pour l'avoir expérimenté.
Pendant les 3 ans qui ont suivi la mort de mon mari, j'ai fait des travaux d'amélioration de notre maison, je la bichonnais, je l'améliorais, je ne voulais pas la quitter, elle était pleine de nos souvenirs des jours heureux. Et puis, surtout, elle me donnait un autre but hormis celui de m'occuper des enfants. Je n'avais plus d'avenir, tout tournait autour du cimetière, de la maison, de notre reconstruction et je voulais que les enfants aillent aussi bien que possible. Déménager n'était pas envisageable du tout, je n'y pensais pas, je m'acharnais à faire tourner notre trio, point final.
Nous descendions souvent à Antibes voir le frère de mon mari, qui est attaché à mes enfants.
ET puis au bout de 3 ans, un jour, j'en ai eu assez. Un immense ras-le-bol et l'envie de la vendre et de partir. Hélas, le juge des tutelles m'a mis des bâtons dans les roues, et les éventuels acheteurs se sont lassés des "requêtes" et des "ordonnances" que le notaire devait faire et obtenir pour chaque proposition... ça prenait des mois.
Du coup, sur un coup de tête, pour faire le vide et me retrouver avec moi-même, loin de la famille, des faux amis et des portes qui se fermaient, j'ai pris 3 billets d'avion pour Tahiti et en 2 semaines nous étions partis, moi et les enfants et 150 kg de bagages. Nous avons vécu à Moorea pendant toute une année scolaire. En rentrant, notre maison nous était devenue étrangère et nous ne voulions plus y vivre du tout. Trop dur de renouer avec les souvenirs tristes et heureux. Il ne nous restait plus personne là-bas, en vérité.
Alors nous sommes repartis pour le Sud, dans un appartement qui nous a permis de voir, si là, nous nous plairions. Encore une année scolaire... Et pour finir, la réponse a été "oui". Alors, cette fois et au terme de 2 années de vie dans les valises, j'ai organisé notre "vrai" déménagement vers Antibes, où nous nous sommes posés depuis 3 semaines.
La maison "d'avant" n'a plus de sens. Ici, j'ai le sentiment de tourner vraiment la page. Mon mari reste dans mon coeur, je pense à lui tous les jours, même fugacement. Mais dans notre nouvelle vie, il n'a plus sa place et nous n'aurons pas de souvenirs communs. Nous repartons à zéro, à notre manière, tous les 3. Depuis notre arrivée ici, sachant que c'est un vrai départ, je me sens soulagée, pleine d'assurance. L'avenir ne me fait plus peur, je me suis prouvée que je pouvais le faire et même bien plus !!! Les enfants vont bien et sont heureux de ce choix.
Mais si je fais le compte, pour écrire ça, il m'aura fallu 5 ans !
Alors prenez votre temps pour décider. Rien ne presse et agir à la hâte risque d'être source de culpabilité, de soucis, d'erreur... Il faut faire confiance aux mois qui passent et qui aident à cicatriser la plaie. Et qui aident à la réflexion.
Ce qui est certain, c'est qu'au bout de 5 ans, je deviens sereine. Je n'ai pas remplacé mon mari, et je pense que c'est une erreur, mais l'occasion ne s'est pas présentée pour le moment et je ne cours pas les discothèques, même sur la côte !!! Mais j'ai acquis beaucoup de force, j'ai appris à dire non, à écouter ce qui est bon pour moi, à me faire confiance. Ce que j'ai vécu, seule avec les enfants, m'a rendue sûre de moi. Et comme vous, je vous jure que j'en ai bavé... Pour rien au monde, je ne referais le chemin à l'envers !... Mais je sais aussi ce qui est bon ou pas, ce que je veux et ne veux pas. Et je sais que je n'emmènerai pas notre ancienne maison avec moi dans la tombe. Je m'en débarrasserai dans 2/3 ans, quand ma fille commencera ses études supérieures. Pour le moment, je la loue, ça me donne l'illusion de pouvoir y retourner quand je veux, si besoin était... ce que je ne ferai plus, sans doute. Ca nous permet de nous détacher d'elle doucement...
Voilà. C'était surtout pour Suzy que j'écrivais ce post. Oui, à vivre dans un autre contexte, on recommence à faire des projets, à retrouver le goût des choses. Bien sur, on emmène son chagrin partout avec soi, mais au lieu de s'appesantir sur soi-même, on ouvre les yeux sur ce qui nous entoure et ça relativise. L'éloignement est aussi un bon thérapeute !
Bonne soirée à toutes et tous et à bientôt
M.