Aujourd'hui, c'est une belle journée ensoleillée, le ciel bien bleu, sans chaleur excessive...j'en profite au maximum, en attendant cet après-midi. Aux environs de 14H30, j'ai en effet une démarche administrative très désagréable; j'essaie de ne pas y penser, de profiter de l'instant, c'est toujours ça de pris. Je dis toujours au jour le jour, mais c'est avant tout instant après instant. Je pense que c'est la meilleure chose à faire.
Il y a une chose que je comptais dire aussi à propos de mes deuils: après le décès de Pierre, il ètait extrêmement important pour moi de me rendre sur sa tombe plusieurs fois par semaine. J'avais beau avoir la conviction-je l'ai toujours-que c'est l'âme qui importe, pas le corps, c'était un besoin contre lequel je ne pouvais pas lutter. Pour quoi faire, d'ailleurs? Quand c'est important pour la personne qui reste, et que ça ne lui nuit pas, ni à personne, où est le mal? Ca n'en fait pas une personne matérialiste. Et si je l'ètais, matérialiste, aller sur une tombe m'évoquerais plutôt des images atroces que je prèfèrerais fuir.
Les premières fois, je n'en revenais pas d'être là, dans un cimetière, à venir honorer la mémoire de mon conjoint. J'avais vu d'autres personnes le faire toute ma vie, mais à vrai dire, je me sentais peu concernée. Je ne voulais pas penser qu'une telle chose pouvait m'arriver. On le sais bien, que c'est toujours possible, mais on ne veut pas y penser, pas y croire....jusqu'à ce que ça arrive. Et de me retrouver dans ce cimetière, apportant des fleurs sur la tombe de mon bien-aimé, me recueillant devant l'emplacement où est sa dépouille me plongeais-en plus de la souffrance-dans un état de sidératiopn, à tout egars, , je me disais: "Mais, c'est pas possible..." Et quand je voyais d'autres personnes venant orner ezt honorer les tombes d'êtres chers, je me disais que ça y était, que j'ètais "des leurs", et ça me semblait surréaliste. "Ca m'est arrivé à moi..." Je comprenais maintenant ces personnes, j'ètais "l'une des leurs" peut-on dire
j'apprenais, lentement.
Peu à peu, insensiblement, j'ai accepté, et ces visites au cimetières m'ont apporté plus de douceur que de douleur. Je m'adressais bien à son âme, mais j'avais toujours besoin d'être proche de son corps. Je lui disais-je lui dis toujours d'ailleurs: "Je sais que ce n'est plus ton corps qui importe, Pierre, mais il a fait partie de toi à un moment donné, et c'est pour ça que je te rend hommage ici." Les images macabres me traversaient, malgrès tout, parfois, mais j'ai appris à les juguler pour garder l'essentiel:: son êtres véritable, non ce qu iest six pieds sous terre
Si j'avais vécu dans le quartier où est le cimetière Saint-Michel à ce moment-là, j'y aurais, sans aucun doute, passé du temps tous les jours. Seulement-et c'est là où je voulais en venir, ça fait partie de mon témoignage-j'aurais sûrement culpabilisé quand, au fil des années, j'aurais moins ressentis le besoin d'y être. Non que mes sentiments envers Pierre aient diminué-ce ne sera jamais le cas
-mais ce besoin d'être proche physiquement de sa dépouille se serait atténuée, pour garder le plus important dans mon coeur. Et sur le moment, je n'aurais pas compris cette èvolution
?? alors qu'étabnt alors plus loin, la transition a été plus douce, plus naturelle. Quelques visites par mois, toujours trés émouvantes, me suffisent à présent.
Je n'irai pas jusqu'à dire qu'habiter ce quartier au plus fort du deuil aurait retardé mon évolution, ce n'est pas ce que je pense, mais constater que ce besoin d'être quotidiennement (c'était alors mon rêve) à ce cimetière diminuait m'aurait fait culpabiliser, je crois, et ça n'aurait rien apporté de positif. Tout devait se passer ainsi.
Quand j'ai dû déménager-un an après la mort de Jean-Philippe, j'y reviendrai-et m'installer justement dans ce quartier, une partie de moi s'est dite: "Pourquoi pas plus tôt? Après la mort de Pierre? C'est ce que j'aurais voulu alors!..." Et je ne pouvais pas revenir en arrière, ça n'aurait pas été aussi spontanément qu'à ce moment-là. D'autant plus que je vivais un autre deuil, et avais, depuis un bon bout de temps, trouvé la paix vis-à-vis du deuil de Pierre. Cela dit, me rendre sur sa tombe quand je le veux-c'est vraiment tout près de mon domicile, est un privilège pour moi, et j'honore sa mémoire, de cette manière, avec tendresse et douceur. Il n'est pas rare que j'y ressente sa présence
A présent, quand je croise d'autres gens apportant des fleurs, se recueillant devant les tombes, je me sens toujours "des leurs" , mais sans cette souffrances des premiers temps. Maintenant, je me sens solidaire, tout en ètant en paix. Je comprends ces personnes, je sais ce qu'elles vivent ou ont vécu, et, jusqu'à un certain point, ce qu'elle ressentent. Il m'arrive d'èchanger un salut, un petit sourire discret, un hochement de tête avec eux, et je sais que nous nous comprenons un minimum, sans nous connaître. Perdre des êtres chers et leur rendre hommage, c'est hélas universel. Maintenant, j'accepte ma place, ma contribution lorsque je suis là-bas, et ces instants sont devenus privilègiés.
Aurais-je eu plus de mal à surmonter le pire du deuil si j'avais pus aller quotidiennement au cimetière?...Je ne pense pas, non. Mais la transition s'est faite plus en douceur quand j'en ai eu moins besoin. Ca dépend des personnes, je suppose. Chacun doit vivre les choses à sa manière.