Jour 18
Ce matin, j'ai refait mon testament. Tu étais mon légataire...J'ai 13 ans de moins que toi mais je pensais sincèrement que je partirais la 1ère.
Et aussi, je souhaitais que tu mènes de vieux jours paisibles, à l'abri du besoin, si jamais je partais avant toi...
Mais je me rends bien compte aujourd'hui à quel point c'est idiot : que signifie une 'vie paisible' quand notre TOUT n'est plus là ?
Claudia m'a encore écrit avant hier que nous étions 'infiniment TOUT L'UN POUR L'AUTRE'. Ca m'a réchauffé le coeur de lire cela.
Je souris d'un détail : comme tu pouvais me hérisser quand tu venais 'piquer' dans les petits plats que je t'avais préparés ! Il fallait que je cache tout ! Je te connaissais si bien. Je prenais de l'avance en te préparant avec amour des tas de repas savoureux et toi, toujours affamé, curieux, tu partais à l'affût de ce que j'avais caché !
Je regrette que tu te sois tant investi dans ton métier. Tu donnais trop. J'ai ce sentiment qu'ils t'ont exploité. Tu étais si fatigué et je me dis que ce sont des heures précieuses que nous aurions pu/du partager. Ca te pesait tellement d'y aller. Tu partais toujours le coeur lourd, l'esprit torturé, tu t'en voulais de me laisser seule...Et tout ça pourquoi ?
J'aurais tant préféré que tu te détendes, que tu savoures la vie.
On avait pas imaginé que cela s'arrêterait si brutalement.
Si c'était à refaire, c'est sûr, tu ferais autrement.
J'ai toujours voulu te respecter et je ne t'ai pas arrêté. Je me disais que dans 5 ans, peut-être avant, nous profiterions ensemble de doux instants.
Cela n'arrivera pas.
Peut-être est-ce bien que je n'aie pas pu m'installer à Hambourg ?
Cela m'épargne de vivre aujourd'hui dans 'notre' appartement, de dormir dans notre lit, ta place vide à mes côtés, de vivre dans tes pas. Je ne suis pas confrontée tous les jours à ce que je faisais avec toi, tes lieux, ta ville, ta station de métro, à notre café favori où nous prenions parfois notre petit déjeuner. Je ne suis pas forcée de tourner le couteau dans ma plaie béante tous les jours.
Chez moi, il y a des traces de toi. Quand les beaux jours reviendront, je me souviendrai de nos déjeuners sur le balcon, de la vue que tu aimais, les bougies que tu allumais. (Je continuerai). La rose blanche de Saint Valentin que tu avais pris soin de faire sécher pour qu'elle dure éternellement. Les cartes que tu m'as écrites...
Mais je n'y suis pas encore rentrée. Je me protège de la souffrance, de la confrontation brutale à ton Absence.
Et chez moi, j'ai perdu tous tes messages doux et tendres que tu m'avais laissés sur mon répondeur. Je les conservais précieusement pour les ré-entendre quand tu me manquais. A cause de ta soeur, j'ai tout effacé ! Ca m'a fait hurler !... Elle a innondé mon répondeur de messages stupides alors que je me trouvais à tes côtés à l'hôpital et qu'elle pouvait me joindre sur mon portable. Mais elle a mélangé les numéros ! Innondé mon répondeur. Et lorsque je suis rentrée brièvement à Luxembourg, après ton enterrement, sa voix gémissante m'a fait grimper au plafond ! Je ne voulais plus l'entendre ! Son hypocrisie suave, ses prières, ses cantiques...J'ai voulu effacer ses messages, un par un, et, mauvaise manoeuvre : j'ai tout effacé !
Toute ta Tendresse que j'aurais pu ré-écouter. Entendre la douceur avec laquelle tu m'aimais...Tout est parti, effacé ! A jamais...
J'en ai hurlé !
Une amie m'a dit que cela ne servait à rien de ré-écouter tout cela. Peut-être a-t-elle raison ? Mais c'est humain aussi quand on perd l'être aimé si brutalement de vouloir prolonger le lien ?
Mardi, il me faudra rentrer. J'ignore ce que je pourrai supporter. Le vide soudain. Ton Absence...Ici, je suis entourée. Mais chez moi...?
Ton manteau d'hiver m'attend sur mon lit. Ainsi que ta veste de cuir achetée lors de nos vacances il y a 1 an...Décembre 2011.
La veste que tu portais la dernière fois que je t'ai serré dans mes bras, le 5 novembre 2012. Dernier baiser, dernier regard. Nos adieux sur ce quai de gare...
La vie t'a arraché.
Zazie :
'J'aime et j'envoie au diable nos adieux !
Tant pis n'en déplaise à Dieu,
ce n'est pas en lui que je crois,
tant pis n'en déplaise à Dieu,
ce n'est pas en lui mais en Toi,
Je n'ai d'yeux que pour Toi.'