Auteur Sujet: Escamoter la mort  (Lu 16331 fois)

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fleurdecoton

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #15 le: 11 septembre 2015 à 21:31:15 »
Pierra

Tu as dit qq chose de si vrai ... C'est ce que j'ai ressentie "en donnant la vie on donne aussi la mort"...
Tout en étant conscient que nous sommes pas éternel ... ....

Hors ligne Nora

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #16 le: 11 septembre 2015 à 21:56:02 »
Ta pensée se rapproche des paroles qu'un ami me dit souvent, sans doute pour tenter de me consoler " On mourra tous un jour ".
Certes. Ce fait je l'ai "accepté". La mort fait partie de la vie, elle n'est ni juste ni injuste, elle est dans le cours des choses.

Je crois que même sa mort je l'ai " acceptée ", comme j'accepte de souffrir de cette mort parce que cette souffrance symbolise le lien, l'amour que nous avions l'un pour l'autre.

Pourtant, je n'accepte pas qu'il soit mort en pleine force de l'âge, et j'accepte encore moins la mort d'un enfant.

Et surtout je n'accepte pas la souffrance qu'il a subie, cette pensée m'est toujours intolérable, elle me poursuivra toujours, même si j'arrive maintenant à un peu mieux la gérer.
Voir souffrir quelqu'un qu'on aime est insupportable.
« Modifié: 11 septembre 2015 à 21:58:04 par Nora »

Hors ligne piera

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #17 le: 11 septembre 2015 à 22:08:34 »
Cet état de fait n'enlève rien ni à l'intensité de la souffrance ni à la douleur ni au désespoir qui peut nous étreindre.

Hors ligne Nora

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #18 le: 11 septembre 2015 à 22:20:39 »
Non, cela nous aide à faire, comme tu l'as dit, un pas vers la réconciliation avec la vie.
Mais le fait de ne pas trouver la mort injuste ne nous dispense pas de la douleur.

Hors ligne piera

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #19 le: 12 septembre 2015 à 06:30:38 »
Entre cette phrase de convenance « nous mourons tous un jour » , superficielle, de surface parce qu'elle n'a pas véritablement pénétré la conscience et  cette véritable prise de conscience pour moi lors de cette cérémonie  réside précisément cette fracture névralgique du monde des autres comme nous les nommons ici et de ceux qui traversent « tripalement » l'expérience de la mort.
Aussi je me dis nous faut-il passer nécessairement de l'autre côté du miroir pour appréhender véritablement cette réalité de notre condition de mortel ?
Cette vérité sur la condition humaine ne peut-elle être  entendue que dans l'expérience du déchirement qu'entraîne la mort d'un être qui nous était cher et indispensable ?
Et j'ai envie de pousser plus loin ma réflexion (parce que j'ai le sentiment de toucher du doigt au noeud gordien de ma vie ) faut-il nécessairement passer par cette expérience de la mort déchirante, de la mort sismique, de cette mort qui nous bascule de l'autre côté du miroir pour comprendre et pénétrer la préciosité de la vie ?
Mais alors comment l'atteindre cette magie de la vie quand précisément cet être qui nous est ravi, quand ce manque incommensurable de cet être, nous laisse précisément exsangue, sans vie, hagard et nous enlève désormais le goût de tout ?
A mûrir...

fleurdecoton

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #20 le: 12 septembre 2015 à 11:24:23 »
Très chère Pierra

J'apprécie ta dissection chirurgicale du deuil ....pour ma part je sais que l'amour, lui ,ne meurt jamais ...

L'amour que nous portons à l'être mort , nous fait sombrer dans  un gouffre sans fin et c'est ce même amour qui nous remet debout ....

Le risque de la vie , nous l'avons pris consciemment ou inconsciemment ... Mais jamais nous avons pu imaginer que  cela pouvait nous atteindre mal grès  les cimetières .... En réalité,nous vivons dans  une amnésie générale ... Et le réveil fait mal, au moins nous avons su aimé

Ma chère pierra, parfois ,je me dis mais de toute façon moi aussi je vais un jour mourrir ... Que reste t il ? Que vais je vraiment garder ou abandonner ?
Je pense que la magie de la vie , c est de faire en sorte de réaliser un bon voyage .... L'amour ... Donner en amour , continuer à donner .....,peut être es cela le secret de la magie, mal grès ,la mort des femmes ,donnent encore la vie .....

Mon humble point de vue ....


Aujardin

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #21 le: 12 septembre 2015 à 18:15:23 »
Quand nos enfants sont nés, chacun de nous a été heureux de leur donner la vie. Pas un moment nous avons pensé que nous leur apportions également la mort. Chaque jour  nous avons tout fait pour qu'ils  apprécient les beautés de la vie et qu'ils l'aiment. Quand est survenu la mort de leur père, j'ai soudain regretté de leur avoir donné la vie, cette vie qu'ils n'ont pas choisi, cette vie d'orphelin et ma souffrance pour eux est énorme  !! En effet pourquoi avons nous oublié qu'en leur donnant la vie, on leur apportait également la mort ?. oui pourquoi ?

Hors ligne piera

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #22 le: 12 septembre 2015 à 19:31:39 »
Chère Aujardin,
J'ai eu ce même sentiment que toi, désormais ma fille est orpheline et elle grandira sans son père. Elle a 15ans. Je sais qu'elle souffre de sa disparition  mais tout comme lui c'est une taiseuse ! Elle a l'air de vivre très bien sa vie d'ado, elle est tellement fière d'être enfin au lycée avec les grands et de suivre des cours plus intéressants qu'au collège. Elle semble tout à fait équilibrée et j'essaie d'être le plus disponible possible pour elle.
Sa meilleure amie a perdu son père et sa mère. Elle aussi semble s'épanouir parfaitement.
Leur vie sociale est très importante et c'est aussi et beaucoup dans leur cercle d'amis, de camarades d'école qu'ils trouvent un équilibre. Ma fille refuse que je parle à ses profs du fait qu'elle vient de perdre son père. Elle me dit j'aimerais être traitée comme tout le monde et surtout pas que l'on s'apitoie sur moi.
Je pense qu'elle a raison. J'avais réagi de la manière à la mort de mon père mais j'étais plus âgée.
Je pense qu'on doit leur faire confiance parce qu'ils ont de la ressource et nous aussi toutes meurtries que nous sommes !
Je te serre bien fort dans mes bras.

Hors ligne piera

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #23 le: 13 septembre 2015 à 15:33:57 »
La mort de Pierre m'oblige à trouver toute ma place en tant que sujet. 
Elle m'oblige à me repositionner. 
J'ai fait le choix de ne pas le rejoindre dans sa mort, j'ai fait le choix de la vie et de lui survivre, aussi j'ai désormais la responsabilité de vivre et de m'assumer pleinement.
Aujourd'hui, depuis cette épreuve et avec elle, depuis que j'ai été arrachée à mon homme que j'aime si intensément, je suis là seule face à moi-même. Je n'ai plus sa présence entourante, bienveillante et aimante pour me rassurer, m'aider, me réconforter. Je ne peux plus lui partager ni  joies, ni  peines, ni  idées, ni réflexions Je deviens ma seule et principale interlocutrice. Je suis obligée de trouver en moi  réponses aux interrogations qu'il m'aurait aidée  à élucider.
Or étonnamment, je découvre que ce rendez-vous quotidien avec mon magma intérieur me devient doux et porteur. Je me découvre, et de plonger dans mon puits intérieur  m'oblige à trouver en moi, et en moi seule, les ressources pour affronter cette vie désormais sans lui. Et cette solitude, qui désormais est mienne, m'oblige et m'autorise  à me redécouvrir et à me redéfinir.
Je dois me positionner en tant que sujet plein et entier face à tout ce qui s'impose à moi.
Je suis désormais seule dans l'éducation de ma fille, seule face à des décisions à prendre, face à des projets à entreprendre, toutes ces prises de position que jusqu'alors  nous avions toujours menées à deux, m'échoient toutes entières.
Cette solitude m'impose une discipline de fer. De là vient aussi ce besoin, cette nécessité d'être seule et de n'accepter aucun dérivatif à mon nouvel état. Je suis devenue le cerbère de mon espace intérieur et je le défends bec et ongles. Je n'autorise aucun parasitage avec cette urgence de me trouver et de me redéfinir. Je sens que c'est en m'écoutant et en me secondant moi-même que je trouverai véritablement la voie pour lui survivre. Toute mon énergie se trouve mobilisée par cette urgence-là. Je délaisse pour l'heure tout ce qui ne participe pas à ce travail. Moi l'active, l'amoureuse des grands espaces, je me retrouve tous les jours devant ma feuille blanche à apprendre à me redessiner dans un dessein de survie mais d'exploration aussi. Le désert de son absence m'ouvre l'espace intérieur de mes ressources inexplorées jusqu'alors. Je veux être convaincue aujourd'hui que là se trouve la voie de l'apaisement pour moi.

Hors ligne piera

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #24 le: 14 septembre 2015 à 11:03:00 »
Une amie m'a demandé ce matin comment j'allais. J'ai été incapable de lui répondre bien ou mal. Alors,  je lui ai répondu : « je suis sans état d'âme. » Et c'est bien comme ça que je me sens. Protection ?
Quand Nora a parlé de la souffrance de son amour, cela m'a bouleversée et c'est là que j'ai réalisé à quel point j'essaie de mettre en sourdine toute cette douleur, cette souffrance.
Je ne peux pas regarder en arrière ni en avant. Je suis au présent et je « fonctionne » parfaitement enfin presque. Je m'occupe de tout, je gère, je fais des petits plats, je vois des amis mais c'est comme si j'étais à moitié là, éteinte, c'est peut-être le terme ! Anesthésiée encore...
Je vous embrasse

Gwenn8001

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #25 le: 14 septembre 2015 à 13:12:41 »

En ce moment j'ingère, j'écoute,  je rumine toutes ces lectures, toutes ces conférences,  qui se heurtent dans ma tête en chantier pour y trouver une lueur qui me parle.
Je suis très partagée dans ce qui m'arrive, comme divisée ou plutôt écartelée, dans écartèlement j'aime cette image de douleur, de séparation obligée, et ça dit bien comment je me sens aujourd'hui. J'entends le monde qui m'entoure m'inviter à la ronde de la vie, à être cette femme pleine d'énergie que j'ai toujours été, débordante je dirai même, mais leurs mots restent muets. J'ai le sentiment qu'avec la mort de Pierre plus rien ne sera comme avant parce que RIEN ne peut être comme avant. C'est comme si, moi aussi, j'étais passée de l'autre côté du miroir et je ne peux plus voir la vie qu'au travers de cet écran qui lui a enlevé toutes ces  couleurs. J'ai découvert dans un article qui évoque le texte Expérience  qu' Emerson a écrit à la mort de son fils des mots qui résonnent en moi de manière tragique : « la mort de l'être cher ne lui fait plus mal en elle-même mais elle a rendu le monde inhabitable, elle s'étend comme une nuit sur toutes choses. Emerson nous dit que la pensée de la mort de son fils ne l'atteint pas et c'est sans doute vrai. Mais plus rien ne l'émeut. Il n'a plus goût à rien. Ses sentiments sont inertes. La mort de son fils a cassé un ressort et toute idée d'une harmonie ou d'une fusion naturelle avec le monde est désormais perdue. Il ne s'agit même plus de désespoir – c'est au-delà. Tel est le dur enseignement de l' «  expérience » qui donne justement son titre à l'essai.
Voilà, je vais de ce pas me procurer Expérience pour en faire ma lecture et sonder ce désespoir-là dont aujourd'hui je me sens si proche.
Je constate aussi à quel point, le monde autour de moi est ébranlé de ma détermination à vivre ce deuil, à l'accueillir et à ne pas l'escamoter. J'ai décidé d'arrêter pour un temps mon activité professionnelle, pourtant que j'aime énormément, mais j'y renonce parce que je suis totalement incapable de la faire correctement et ça c'est pour moi inadmissible. Je ne veux pas faire les choses à moitié sous prétexte que mon métier sera ma thérapie ou un dérivatif à ma douleur. Le sentiment aussi très fort que de continuer « dans la vie » est très rassurant pour l'entourage, montrer que c'est possible, que la vie continue. Pour moi aujourd'hui, c'est tout simplement IMPOSSIBLE. Et je refuse de répondre à ces injonctions, ma vie doit être repensée, resondée à l'aune de cette mort. Je veux lui donner la place qui lui revient et aujourd'hui elle occupe TOUT mon espace de vie. On escamote la mort parce que tout un chacun y sera confronté un jour ou l'autre et quand on n'est pas au bord du gouffre, on préfère l'oublier ou la nier. Mais moi précisément je suis au dessus de ce puits béant et je ne peux que m'y regarder. Pierre est mort voilà ce que reflète ce puits, il est passé de l'autre côté et m'a laissée sur la rive impuissante à le rejoindre. J'ai choisi de ne pas le rejoindre dans la mort et je m'aperçois de l'immensité de la tâche qui m'attend à lui survivre.  Ce n'est pas seulement la mort de Pierre qui me touche aujourd'hui mais bien le fait qu'en effet et là je rejoins Emerson le monde m'est devenu inhabitable. Je sais que si je veux continuer à vivre, je dois retrouver une place, une autre définition de moi-même, je ne serai plus JAMAIS celle que j'étais, c'est aujourd'hui une évidence pour moi. 
Chers compagnons de route, navrée de vous asséner ma "sombritude" mais vous êtes passés aussi de l'autre côté et vous me serez indulgents. Je vous serre toujours aussi tendrement dans mes bras.


Moi aussi je sens que la vie passe autour de moi, pire cela ce passe dans mon corps! Dans mon  intérieur, dans mon ventre la vie continue!!! C'est affreux, et moi je suis incapable de la célébrer, de retrouver la joie de vivre, de sentir le bonheur, c'est impossible sans lui, je regarde a travers ce vitrage obscure, sombre, attristé, démunie , la famille continue a s'agrandir, nos enfants sans si petits et on besoin comment moi, son papa, mais il manque une pièce, je dois garder et continuer cela sans lui
C'est si injuste...

Hors ligne piera

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #26 le: 14 septembre 2015 à 13:35:34 »
Oh Gwenn !
Nous sommes en dents de scie. Vous êtes dans un moment de découragement et c'est normal.
Vivez votre tristesse mais sachez aussi vous donner le droit d'accueillir ce bonheur de donner naissance à votre bébé et de le choyer. Il a déjà perdu son papa mais sa maman est là !
Et je suis sûre qu'il sent tout l'amour que son papa lui porte.
Les enfants sont des éponges, ils perçoivent tout et au-delà de votre tristesse il sentira tout  l'amour que ses parents se vouaient, il en est le fruit.
Nos enfants ont besoin de nous, survivants de notre amour.
Je pense très très fort à vous. Tendrement.

Gwenn8001

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Re : Re : Escamoter la mort
« Réponse #27 le: 14 septembre 2015 à 13:37:36 »
Je suis là devant cette feuille blanche, je me suis promise un rendez-vous quotidien avec mon magma intérieur. J'ai toujours besoin d'action même si celle-ci se résume, en ce moment, à l'écriture. Je suis dans la phase où tout me coûte une énergie indépassable, insurmontable, même mes mains sur le clavier sont atones et se meuvent avec difficulté. Je cherche les lettres, je cherche les mots, ils me viennent dans la tête, mais je ne sais plus les écrire, c'est dire que ma tête flambe !
Hier, j'ai été à la cérémonie d'adieu de la mère d'un ami, nous avons fait 8h de route aller-retour mais c'était impensable pour moi de ne pas être présente auprès de lui. Je me suis retrouvée dans un petit village jurassien. La cérémonie a été menée de bout en bout par un curé de campagne, des lectures exclusivement bibliques, des passages sur l'amour, le pardon, sur la résurrection, sur l'amour de dieu surtout, sur le sacrifice du Christ, sur cette vie qui nous attend après, cette consolation que la religion chrétienne tente de nous offrir face à cette mort si cruelle. Je me sentais étonnamment détachée, ces discours glissaient sur moi sans provoquer la moindre émotion, la moindre larme.
Mais pourquoi ? Pourquoi un tel détachement ?
J'ai d'abord cru que c'était ma position d'incroyante qui me mettait à l'abri de la portée de ces paroles. Mais non ! Ce curé parlait  de la mort comme d'une étape inéluctable, ni injustice, ni récrimination simplement qu'elle est inhérente à notre condition d'humain. Au-delà de la portée théologique que ce discours véhicule et à laquelle je n'adhère nullement, j'y ai entendu peut-être pour la première fois un simple retour à la réalité de notre condition, j'ai entendu pour la première fois l'essence de ce discours, qui en fait au même titre que les mythes véhiculent des histoires, pour nous mettre aux prises avec la réalité de notre condition humaine dont la principale est d'être mortel.   
Nous vivons tous avec cette épée de Damoclès et nos aimés ne sont pas épargnés. Pierre est mort mais en choisissant de l'élire comme mon compagnon de vie je prenais aussi le risque de pouvoir le perdre un jour. C'est comme ça ! Et même si cette mort m'est insupportable, elle est dans le cours de notre vie ni JUSTE ni INJUSTE. Elle est tout simplement ! Et nécessité m'échoie de me penser et de penser ma vie à l'aune de cette prise de conscience qui était là pourtant mais sous-jacente!
Et le fait qu'elle remonte à la surface me permettra j'espère d'accepter les conséquences que cet état de fait implique, cela ne veut pas dire absence de douleur mais c'est déjà un petit pas vers la réconciliation avec la VIE.
Et je me souviens de la naissance de ma fille.
Je me souviens que quand je l'ai serrée pour la première fois dans mes bras, j'ai senti toute la puissance et la fragilité de la vie, j'avais touché du doigt à cet inéluctable de la VIE. Face à cet être si vulnérable qui n'avait rien demandé, je me sentais PLEINEMENT responsable de ce choix de la vie que j'avais décidé pour elle. Je me sentais aussi responsable à l'égard de mon homme qui ne s'était résolu à sa paternité que par amour pour moi. Attention ! je ne regrette rien parce que cette paternité qu'il ne désirait pas, il l'a vécue comme un grand, il a su en retirer une joie immense. Et je comprends seulement maintenant à l'aune de sa mort que son angoisse d'être père était peut-être aussi due à cela !
Mais je me souviens très bien et ce n'est qu'aujourd'hui, penchée sur ce puits sans fond, que je comprends mon désarroi d'alors. En lui offrant la vie je lui offrais aussi la mort.
Voilà sur ces pensées très gaies, je vous serre toujours aussi tendrement dans mes bras.

Oui ... C'est le deux... On les invite a vivre et aussi a mourir ... C'est si dur... Je continue a trouver de l'injustice dans sa mort... Un absurde accident, une fois dans sa vie qu'il fait un tour en bateau tout content et il est éjecté, du bateau et s'écraser le crâne contre les roches ...
38 ans ... Une petite de 20 mois, et moi a 8 semaines de grossesse
Toute une vie devant nous ... Je trouve injuste, pour lui, pour nos filles , pour moi
Mon chéri ... Tu me manques terriblement

Aujardin

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #28 le: 14 septembre 2015 à 22:28:50 »
Mon mari est mort le 11 juin 2014, après 11 jours de coma, suite à un accident. J'ai eu l'impression que j'ai passé cette première année à l'extérieur de ma vie, de la vie. Les automatismes étaient restés, faire les courses, ranger la maison, aller au travail.... mais j'ai eu cette impression étrange d'être là mais sans être présente. Après le passage des un an, j'ai eu l'impression de retourner petit à petit dans la vie, dans ma vie sans, sans pour autant être heureuse mais seulement là. Et comme toi Piera, j'essaie de voir ce que je vais pouvoir sortir de moi pour arriver à avancer dans l'avenir alors que cela faisait près de vingt ans que nous faisions tout à deux. Et savoir que notre avenir nous seule le construirons tord les tripes. Est ce peut être pour cela que j'ai ces toux sèches tous les matins depuis plus d'un an maintenant.
 Ce week end nous aurions du fêté nos 17 ans de mariage, bon anniversaire mon amour  :'(

Hors ligne piera

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Re : Escamoter la mort
« Réponse #29 le: 15 septembre 2015 à 00:23:42 »
Pierre est mort un an après ton mari, le 13 juin. Je ne compte pas les jours, mais je sais et je sens que chaque jour ma douleur se fait plus lourde, plus profonde !! J'avais cru naïvement que les 3 ans de notre épreuve m'auraient épargnée un deuil cruel, et bien je dois reconnaître qu'il n'en est rien. La mort ne s'anticipe pas, elle se vit et se creuse. Aujourd'hui, ce fut une journée pleurs, ça faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé. J'étais invitée et j'ai vraiment dû me faire violence pour y aller.
Là, j'arrive de cette soirée chez des amis, pas des intimes aussi je me suis tenue à une certaine bienséance donc je suis restée mais très vite je me suis aperçue que j'étais absente de leurs discussions et qu'elles glissaient sur moi sans pénétrer mon cerveau !
Chez mes amis intimes, ils auraient très vite compris et ne m'en auraient pas voulu que j'écourte.
Voilà, la vie sociale me coûte parfois une énergie démesurée.
Mais aujourd'hui, une petite lueur se dessine. J'ai pris contact avec une personne qui s'occupe de formation autour du deuil, de la mort et de l'accompagnement du point de vue professionnel. Il m'a proposé une rencontre pour que je lui expose mes idées, mes projets...
Je n'ai  de l'énergie que pour ça, serais-je en train de devenir  monomaniaque ??