Alexandra, je me retrouve totalement, mot pour mot dans ce que tu décris... Merci d'avoir pris le temps de poser des paroles sur ton ressenti, qui illustre tellement bien ce que je moi-même je ressens...
J'aimerais simplement te dire que moi aussi, j'entretiens un rapport très particulier avec mes souvenirs d'une part: j'ai l'impression qu'ils m'échappent de plus en plus... et le fait de m'autoriser à vivre d'autre part, comme si cela signifiait, le perdre encore.
Ces angoisses sont encore très présentes... mais je dois dire aussi que petit à petit, j'entraperçois... autre chose. D'autres possibilités, d'autres ressentis qui viennent se mêler à tout ça... C'est encore tellement mouvant que je vais avoir du mal à poser des mots dessus, alors je vais tenter de faire au mieux et d'être brève...
Je crois, je ressens, j'avance... mue par l'idée que notre amour, l'amour qu'il y "avait" entre mon chéri et moi ne se conjugue pas au passé. Qu'il ne se cantonne pas à une carte postale sépia faite de nos souvenirs, de ce que nous avons partagé et ne retrouverons plus. Lorsque j'ai peur d'avancer, d'oublier... ce qui me rassure c'est de visualiser ce lien entre nous... au présent. De m'imaginer, vraiment, comme un lien, un ruban... qui part de moi et qui se perd quelque part dans l'invisible... mais je sais qu'il est à l'autre bout. Je me dis qu'il est toujours là. Vivant avec moi.
Sans que je m'en rende compte, une part de moi sait que je ne serai plus jamais la même. Celle d'avant notre rencontre. Il m'a inspiré et continue de m'inspirer... même si parfois j'aimerais faire plus, faire mieux... Même si parfois j'ai peur de le décevoir. Malgré toutes ces peurs, je le porte déjà avec moi, en moi... Je dirais même: que je le veuille ou non. Et quoi que tu fasses, quelle que soit la manière dont tu avances: c'est le cas pour toi aussi. Tu garderas toujours la marque de ton amour. De votre rencontre, de son passage dans ta vie.
J'aimerais, mais personnellement, je me sens incapable de contrôler mes souvenirs... Et même si je le pouvais, je n'ai pas d'emprise sur le fait que le temps les rendra peut être plus flous... Le temps ou qui sait un jour: un accident, la maladie... J'essaye d'apprendre à lâcher prise sur ça... D'arrêter de me sentir responsable de ce temps qui m'éloigne de lui tel que je l'ai connu. Qui m'éloigne du traumatisme de sa mort également. Mais en revanche, j'essaye chaque jour de me lever et de vivre ma vie, le plus pleinement possible... et de lui dédier les instants les plus précieux. J'ai conscience de vivre pour moi, mais aussi pour lui désormais... Souvent, c'est une prise de conscience silencieuse, intérieure... et parfois je lui dis ces choses là à haute voix. Que je l'aime, que je veux continuer à faire de mon mieux pour lui.
C'est une prise de conscience encore très vacillante... que je perds de vue, parfois, souvent... mais je voulais te la partager car je crois profondément que l'amour pour nos chéris peut s'exprimer dans le fait d'investir et d'assumer au maximum le moment présent... et non pas uniquement dans la fidélité au passé.
Je pense que parfois, comme moi, tu as peur parce que tu imagines Tom derrière toi, et que tu te sens emportée vers l'avant... Mais essaye d'imaginer qu'une part de Tom se trouve en toi. De l'imaginer, à tes côtés, et non pas derrière toi. Ce n'est peut être qu'une projection de l'esprit, une astuce... mais au fond, qu'en savons-nous?
Je me dis simplement, pour ma part, que si je mourrais demain, j'aimerais que mes proches me perçoivent ainsi... Comme une présence, bienveillante, non jugeante, encourageante... cheminant à leur côté... et non comme une ombre les tirant sans arrêts vers le passé. Je crois qu'Hanaël aimerait que je le perçoive comme ça et je m'avance peut être, mais dans le fond, sans doutes est-ce ce que Tom aimerait également pour toi.
Tu es en vie et tu n'as pas à te sentir coupable de l'être. Tu n'as pas non plus à te sentir coupable de te sentir coupable!! Ce satané cercle vicieux! Tu fais de ton mieux, avec tous ces paradoxes, ces ressentis qui nous désarçonnent, nous surprennent, nous font peur... Tu fais de ton mieux et tu peux être fière de toi, et Tom devrait l'être aussi. Il l'est sans aucun doute.
J'aimerais te dire aussi, que j'ai lu tes précédents commentaires. Tout comme toi, il y a des épisodes de mon histoire avec mon chéri qui m'attristent... J'ai l'impression parfois de m'être montrée lâche, de ne pas avoir réalisé la chance d'avoir auprès de moi un homme qui m'aime autant... J'ai parfois voulu prendre de la distance dans notre couple. J'ai pensé à partir. J'ai douté. Je m'en suis beaucoup voulue pour ça. Je m'en veux encore parfois... Et puis je me rappelle que lorsqu'il était vivant, tout comme depuis son départ: je demeure une humaine imparfaite. Avec des peurs d'engagement, d'abandon, des doutes, des problèmes d'ego... Mais tout ça ne parlait et ne parle toujours que de moi! En revanche, pas un seul instant je n'ai désiré, je ne désire autre chose que le bonheur, l'épanouissement, la félicité de mon aimé. J'ai peut être juste douté parfois d'être la bonne personne. La personne capable de lui apporter tout ça. Et je crois que toi comme moi, nous pouvons être en paix avec nous-mêmes par rapport à tout ça. A ces doutes, à ces peurs, ces erreurs... Elles ne disent rien de l'amour qu'il y avait, qu'il y a entre nous et nos aimés.
Finalement, j'ai à nouveau été plus longue que prévue, mais je tenais à te partager ces ressentis. Prends soin de toi Alexandra. Je t'embrasse.