Ce matin je me réveille avec la gueule de bois, je viens écrire pour ne pas oublier ce qu'il s'est passé hier, pour ne pas accepter de croire que "je fais tout pour aller de plus en plus mal" alors qu'à 11 mois de la mort de celui que j'aime, bientôt un an de ce départ en catastrophe pour l'hôpital, je n'ai simplement plus la force d'aller bien. Hier j'avais besoin de parler, 11 mois après la mort de Tom, j'attends toujours que l'assurance vie me soit versée et chaque fois on me demande des papiers qui n'ont rien à voir avec ceux de la fois précédente ou que j'ai déjà donnés. Cette assurance vie, je l'attends pas pour l'argent qu'elle représente, mais parce que le jour de la crémation de Tom j'ai promis à son cercueil que j'achèterai la maison dont on rêvait. Et ça me met en colère que ça prenne si longtemps, d'avoir l'impression qu'ils cherchent par tous les moyens à ne pas nous verser ce que Tom a voulu qu'on reçoive sa sœur et moi en nous désignant comme bénéficiaires.
Alors hier soir, j'avais envie de parler et j'ai appelé ma grand-mère qui est comme ma mère. Et elle n'a rien trouvé de mieux à me dire que de toute façon ce qu'on me verserait serait imposable et sûrement avec un fort taux d'imposition. Et que cette idée d'acheter une maison est une mauvaise idée, parce qu'une maison c'est juste des emmerdes en plus, qu'il vaut mieux acheter un appartement, que je verrai plus tard pour une maison. Je lui ai répondu que c'était notre projet avec Tom et que je voulais aller bout mais encore une fois je me suis entendu dire que ça n'allait pas si bien que ça avec Tom les derniers mois.
Je ne sais plus, sous le choc j'ai oublié dans quel ordre sont sorties les choses et c'est pour ça que j'écris ce matin, pour démêler et ne pas me laisser envahir. Mais certaines choses entendues hier et au cours de ces derniers mois m'obsèdent, ça n'allait pas si bien entre Tom et moi, je l'ai dit alors ma grand-mère s'autorise le droit de penser que ce deuil sera plus facile. Mais aujourd'hui je sais que ça n'allait pas parce qu'il était malade, pas parce qu'on ne s'aimait plus, pas parce que je lui demandais de me suivre à l'autre bout de la France et que je préférais encore qu'il ne me suive pas plutôt que de le savoir malheureux. J'ai redouté pendant des mois de le déraciner, que son nouveau boulot ne lui plaise pas et qu'on finisse par se séparer et je ne voulais pas qu'il soit malheureux à cause de moi. On s'est disputés quelques jours avant qu'il ne tombe malade à cause de ça justement, je le revois encore assis à son bureau à me dire qu'à cause de moi il va "redescendre en bas de l'échelle" et je lui dis que si c'est comme ça il n'a qu'à rester, que je pars et qu'il reste. Est-ce que c'était le cancer? Est-ce que c'était nos sales caractères? Est-ce qu'on ne s'aimait plus? Je ne sais pas, je ne crois pas que je réinvente notre histoire en pensant que ce foutu cancer lui a détraqué le comportement et qu'on le savait pas, que ça allait mal oui, mais qu'on s'aimait sans comprendre ce qui nous tombait dessus.
Et est-ce que ça veut vraiment dire que je "fais tout pour aller de plus en plus mal"? C'est vrai en ce moment, je ne fais rien pour aller mieux. Je ne veux pas, je ne veux plus, je ne me sens pas vivante et je ne veux pas me raccrocher à la vie. Parce que j'ai peur d'aimer encore et de perdre encore, c'est évidemment ça la vie, vivre et mourir et c'est tellement absurde. A presque 1 an, je veux juste mourir. Je me raccroche à ce projet de maison pour me donner l'illusion que Tom est encore là, je me raccroche à cette assurance vie pour qu'elle me soit versée avant de prendre la décision de partir et que mes sœurs puissent la récupérer dans la succession. Mais est-ce que je fais exprès de souffrir, est-ce que je réinvente notre histoire avec Tom en la croyant merveilleuse pour me faire encore plus mal, est-ce que je fais le choix de ne pas avancer? Oui et non. Oui je fais le choix de ne pas avancer, 11 mois c'est trop tôt et vivre me semble absurde. Non je ne m'invente pas une vie merveilleuse avec Tom pour avoir encore plus mal. Je le sais que nos derniers mois ont été terribles, je le sais et je m'en veux. Je m'en veux parce que j'ai peur de l'avoir laissé mourir à cause de ça, je m'en veux parce que nous avons peu profité de nos derniers mois ensemble et qu'il méritait mieux. Et que je l'aime et que je ne pourrai jamais réparer ce que j'ai fait.
Je ne sais plus, je ne sais plus démêler le vrai du faux. Hier en raccrochant le téléphone, j'étais contente d'avoir dit ce que j'avais sur le cœur. Ce matin en me réveillant, je ne comprends pas pourquoi ma grand-mère s'est autorisé à me dire ce genre de choses, c'est de la violence supplémentaire et ça me fait terriblement mal. Peut-être que je me mens ou peut-être pas, peut-être qu'on aurait fini par se séparer ou peut-être pas, mais je ne sais pas si quelqu'un d'extérieur a le droit de le décider à ma place. Je me sens seule dans mon chagrin que je voudrais partager avec Tom, je voudrais savoir si lui croyait encore en nous, je voudrais savoir s'il a cru que je ne l'aimais plus. Et remonter le temps pour effacer mes erreurs, parce que je l'aime et qui ni les derniers mois douloureux ni sa mort ne peuvent remettre en question ce que je ressens toujours pour lui.
Voilà, je ne suis pas plus avancée après toutes ces interminables lamentations. Et encore une fois, je me sens en décalage, zinzin et misérable. Désolée pour le spectacle...