8 mois mon amour, qu'est-ce que c'est long et qu'est-ce que c'est proche à la fois... Et voilà, un mois de plus sans toi. Un mois pour vaincre la colère pour la première fois, pour ne plus t'en vouloir de ton déni, pour ne plus m'en vouloir de t'avoir laissé faire. Un mois pour découvrir le chagrin sans fond qui se cachait derrière la colère, le chagrin que tu ne puisses plus vivre, le chagrin de ne pas savoir ce que je fais là sans toi.
Et toujours comme tous ces mois depuis ta mort, revivre tes dernières heures. Cet après-midi là où tes parents avaient décidé de partir. Je m'entends encore te dire que nous allons être tous les deux pour les jours qui viennent mais que je serai avec toi à chaque seconde où je pourrai. Je nous entends encore nous disputer parce que tu ne peux plus manger et que ça m'inquiète. Et puis tu n'as plus la force, tu y penses déjà depuis plusieurs jours à cette intubation, t'endormir pour ne plus souffrir et te réveiller quand ça ira mieux. Alors tu me demandes d'aller voir les infirmiers et le médecin qui nous laissent quelques minutes, les dernières parce que tu ne te réveilleras pas. Les minutes les plus longues de ma vie mon amour, je te répète en boucle que je t'aime et la seconde d'après on s'engueule parce qu'on a tellement la trouille de ce qui arrive, parce que tu ne sais pas combien de temps tu vas être intubé et que je ne peux pas te répondre. Tu me dis que tu as peur de mourir, je vois encore cette peur immense dans tes yeux, j'ai tellement peur de ce que je vais te répondre. Alors je dis n'importe quoi, je te dis que ce n'est pas pour ce soir, que ce ne sera pas avant dans 30 ou 40 ans. Mais c'est faux, toi et moi on le sait bien, on s'accroche à ce qu'il nous reste de déni.
Ce soir là déjà tu as failli mourir pendant l'intubation. Tu as tenu quelques heures de plus, un après-midi où j'ai pu venir te voir et te parler alors que tu ne m'entendais pas. Cet après-midi là, je t'ai dit que si tu n'avais plus la force j'étais prête mais que si tu pouvais encore il fallait te battre. Je t'ai menti là encore mon amour, je n'étais pas prête, je ne serai jamais prête à une vie sans toi. Je n'étais pas prête quand le téléphone a sonné le lendemain. L'interne avait déjà appelé le matin pour donner de tes nouvelles, alors j'ai compris tout de suite. Non, non, non, non, pas ça. Et j'ai décroché pour entendre qu'il fallait venir et je savais que ce serait trop tard. Regarder la route dans la voiture, cette montée où tu adorais accélérer comme un dingue et penser que tu ne la prendras plus jamais. Rappeler à l'hôpital pour savoir si tu es encore là et apprendre qu'ils ont appelé tout à l'heure parce que tu avais fait un arrêt cardiaque. Sortir en courant de la voiture pour arriver trop tard. L'interne me dit que tu es "décédé depuis 10 minutes". Je regarde la pendule dans la salle, il est 14h20. Tu es mort à 14h10 et je n'étais pas là.
J'ai allumé une bougie pour toi depuis ce matin mon amour. Je me suis dépêchée d'arriver au travail pour arriver dans mon bureau avant 14h10, pour pleurer mon 8ème mois à 14h10 sans toi. Pour pleurer ce 8ème mois à 14h10 où tu ne vois pas le soleil qui brille dehors. Pleurer nos deux vies brisées, encore une fois. Je t'aime tellement mon amour, je n'en peux plus de ton absence. 8 mois sur les 60 années qu'il reste encore sans toi, je t'aime et ça ne sert plus à rien.